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avec sa foudre. Platon, accompagné de ses disciples, passera alors pour un insensé, et Aristote, avec tous ses raisonnements, se verra confondu. Et vous, qui aurez toujours mené une vie pauvre et obscure, vous leur direz alors dans le transport de votre joie : «Voilà celui qui a été crucifié pour moi. Voilà mon juge, que l'on a vu crier dans une étable, couvert de méchants haillons. Voilà le fils d'un charpentier et d'une pauvre femme, qui ne vivaient que du travail de leurs mains. Voilà ce Dieu qui, étant encore dans le sein de sa mère, fut obligé de s'enfuir en Égypte, pour se dérober aux poursuites d'un homme mortel. Voilà ce Sauveur que l'on a vu couronné d'épines et revêtu de lambeaux de pourpre. Voilà ce magicien, ce possédé, ce Samaritain. Regardez, ô Juifs, ces mains que vous avez percées; considérez, Romains, ce côté que vous avez ouvert. Voyez si c'est là le même corps que ses disciples, à ce que vous prétendiez, enlevèrent secrètement durant la nuit.

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L'amitié que j'ai pour vous, mon cher frère, m'a porté à vous écrire de la sorte, afin que vous puissiez un jour avoir part à cette félicité qui nous coûte aujourd'hui tant de travaux et tant de peines.

(Saint Jérôme. Lettre Ire.)

XIX. DE LA SOUFFRANCE.

AUGUSTIN A LARGUS.

Augustin salue en Jésus-Christ son très-saint fils le trèsillustre et très-excellent seigneur Largus.

J'ai reçu la lettre par laquelle vous me pressez de vous écrire. Et évidemment Votre Excellence ne me témoignerait pas un tel désir, si les choses dont je puis vous entretenir ne vous étaient agréables. Or, que puis-je vous dire sinon qu'il ne vous reste plus qu'à mépriser, après les avoir connus, les faux biens du siècle que vous avez pu désirer sans les connaître? En effet, toute la douceur qu'on y trouve est fausse; et le travail qu'on y emploie, infructueux. On y est toujours en crainte, et dans un état d'autant plus dangereux qu'on est parvenu à un plus haut degré d'élévation : il n'y a que l'inconsidération qui nous y engage, et la fin n'en peut être que le repentir. Voilà quels sont les biens de cette misérable vie, ce qui montre assez que la cupidité a toujours plus de part que la prudence au mouvement qui nous les fait rechercher. Oh! que ceux qui sont à Dieu ont d'autres espérances! qu'ils recueillent d'autres fruits de leurs travaux, et d'autres récompenses des périls auxquels ils s'exposent! car d'être en ce monde sans craintes, sans peines, sans travaux, et sans périls, c'est ce qui n'est pas possible. Mais il importe d'examiner quels motifs nous portent à endurer ces misères, quelle espérance nous y soutient, et à quoi elles se terminent.

Pour moi, quand je considère les amateurs de ce monde, je ne sais dans quel état il faudrait les prendre pour leur insinuer les vérités qui seraient nécessaires à

leur guérison. Car s'ils sont dans la prospérité, l'orgueil les enfle, leur fait rejeter et traiter de déclamations les avis salutaires qu'on leur pourrait donner; et s'ils sont dans l'affliction, ils ne songent qu'à s'en délivrer aussitôt au lieu de s'appliquer les remèdes qui pourraient les guérir et les mettre dans un état où il n'y aurait plus d'affliction à craindre. Il s'en trouve néanmoins qui prêtent quelquefois l'oreille du cœur à la vérité lorsque l'adversité les presse, car cette docilité est rare dans la prospérité; mais ils sont en petit nombre, et cela même a été prédit. Je voudrais que vous fussiez de ceux-là, mon très-cher fils, parce que je vous aime véritablement. C'est par cet avertissement que je veux répondre aux affectueux sentiments dont votre lettre est remplie; car encore que je regrette ce que vous avez souffert, et que je ne puisse sans beaucoup de douleur vous voir en proie à de semblables peines, je m'afflige encore plus cependant de ce que votre vie n'en soit pas devenue meilleure. (Saint Augustin. Lettre CCIII.)

XX. DE LA PATIENCE.

Ayant dessein de parler de la patience et d'en montrer les avantages, par où puis-je commencer plus à propos, mes frères, qu'en remarquant que vous avez besoin de patience pour m'écouter, si bien que vous n'en sauriez même entendre parler sans en avoir? Car nous ne pouvons profiter de ce qu'on nous dit, si nous ne l'écoutons patiemment. Aussi, de tous les moyens que notre religion nous fournit pour acquérir les biens qui nous sont promis, je n'en vois point de meilleur ni de plus utile que la patience. Les philosophes font profession de cette vertu aussi bien que nous, mais leur patience est aussi fausse que leur sagesse. Car comment ceux-là pourraient-ils être sages ou patients qui ne connaissent ni la sagesse ni la patience de Dieu ? C'est ce qui lui fait dire de ceux qui se croient sages dans le monde : « Je détruirai la sagesse des sages, et anéantirai la prudence des prudents. » Le bienheureux apôtre saint Paul, rempli du Saint-Esprit et envoyé pour appeler et convertir les Gentils, témoigne la même chose, quand il dit : « Prenez garde que personne ne vous séduise par la philosophie et par de vaines subtilités qui ne sont appuyées que sur les traditions des hommes, et sur les principes d'une science mondaine, et non sur la doctrine de Jésus-Christ. Car en lui habite toute la plénitude de la divinité. » Et en un autre endroit : « Que personne ne s'y trompe. Si quelqu'un parmi vous pense être sage, qu'il devienne fou selon le monde afin d'être sage. Car la sagesse du monde est une folie devant Dieu, puisqu'il est écrit : Je surprendrai les sages par leurs propres finesses; et ailleurs: Le Seigneur sait que les pensées des sages sont folles.» S'ils n'ont donc point de véritable sagesse, ils n'ont point non plus de véritable

patience. Car si pour être patient il faut être humble et doux, et qu'au lieu que les philosophes soient doux et humbles, nous voyons au contraire qu'ils se complaisent en eux-mêmes, ce qui fait qu'ils déplaisent à Dieu; il est manifeste que la vraie patience ne se trouve point où règnent une liberté effrénée et une vanité sans mesure et sans retenue. Mais pour nous, qui sommes philosophes non de paroles mais d'actions, qui ne mettons pas la sagesse dans l'habit mais dans les effets, qui aimons mieux être vertueux que de le paraître, qui ne disons pas de grandes choses mais qui tâchons de les faire, pratiquons comme de véritables serviteurs de Dieu la patience que lui-même nous enseigne par son exemple. Car cette vertu nous est commune avec Dieu. C'est du ciel qu'elle vient, et qu'elle tire son éclat et sa gloire. Les hommes doivent aimer une vertu qui est aimée de Dieu. Ce qu'une si haute majesté chérit ne peut être que grand et recommandable. Si Dieu est notre maître et notre Père, imitons sa patience; puisque des serviteurs doivent obéir à leur maître, et qu'il ne faut pas que des enfants dégénèrent de la vertu de leur père. Or quelle patience n'a-t-il point de souffrir que les hommes pour lui insulter bâtissent des temples, dressent des statues, offrent des sacrifices impies, et néanmoins de faire lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et d'arroser également de ses pluies la terre des uns et des autres? C'est par un effet de cette même patience que nous voyons les saisons et les éléments servir indifféremment par son ordre aux coupables et aux innocents, aux religieux et aux impies, aux reconnaissants et aux ingrats. C'est pour les uns et pour les autres que soufflent les vents, que coulent les sources, que croissent les blés, que mûrissent les raisins, que les arbres se couvrent de fruits, les forêts de feuilles, les prés de fleurs. On l'irrite tous les jours par de continuelles offenses, et il arrête sa colère, et attend en patience que le temps qu'il a

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