Obrazy na stronie
PDF
ePub

à cette commune ruine, cette idée, Messieurs, n'a pas assez de force pour nous émouvoir : elle nous touche moins que les imaginations de nos songes. Ce qui est plus cruel, c'est qu'il ne nous donne pas seulement le loisir de penser à nous. Il nous entretient toujours par de vaines flatteries; et comme il n'a rien qui nous puisse entièrement arrêter, toute sa malice se tourne à nous jeter dans une perpétuelle inconstance, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre; et nous faire passer cette misérable vie dans an enchaînement infini de désirs incertains, vagues, et de prétentions mal fondées. Cela fait que nous ne concevons qu'à demi ce qui regarde l'autre vie : ces vérités ne tiennent point à notre ame déjà préoccupée des erreurs des sens. En quoi nous sommes semblables à ces insensés, desquels parle le Sage, qui, sans prendre garde aux grands desseins que Dieu avoit conçus dès l'éternité pour ses saints, s'imaginoient qu'ils fussent enveloppés dans le même destin que les impies, parce qu'ils les voyoient sujets à la même nécessité de la mort : Videbunt finem sapientis, et non intelligent quid cogitaverit de eo Dominus (1): « ils verront la fin du sage, et ils ne

[ocr errors]

comprendront point le dessein de Dieu sur lui ». Souffrirez-vous pas bien, Messieurs, pour nous délivrer de ce blâme, que nous nous entretenions sur ces desseins si admirables de Dieu sur les bienheureux, en ce jour, où l'Eglise est occupée à les congratuler sur leur félicité? Nous ne pouvons rien dire qui contribue plus à leur gloire ni à notre édification. Certes je l'oserai dire, si la joie abondante dans la(1) Sap. IV. 17.

quelle ils vivent, leur permet de faire quelque différence entre les avantages de leur élection, c'est par-là qu'ils estiment le plus leur bonheur; et c'est cela aussi qui nous doit plus élever le courage. Parlons donc, Messieurs, de ces desseins admirables. Nous en découvrirons les plus grands secrets dans ce peu de paroles de l'apôtre, que j'ai alléguées pour mon texte : et tout ce discours sera pour expli quer la doctrine de ces quatre ou cinq mots. Nous y verrons que les élus ont eu la préférence dans l'esprit de Dieu, comme il a mis les saints au-dessus de tous ses ouvrages, et qu'il se les est proposés dans toutes ses entreprises: Omnia vestra : « Tout » est à vous » que c'est sur ce premier dessein qu'il a formé tous les autres. Elles nous donneront sujet d'expliquer par quel artifice Dieu les a si bien attachés à la personne de son Fils, afin d'être obligé de les traiter comme lui: Vos autem Christi; « Et » vous êtes à Jésus-Christ ». Après avoir établi ces vérités, il ne me sera pas beaucoup difficile de vous persuader des merveilles qu'il opérera dans l'exécution de ce grand dessein : ce que je tâcherai de faire fort briévement en concluant ce discours. Joignons nos vœux; implorons pour cela l'assistance du Saint-Esprit, par l'intercession de la sainte Vierge. Ave.

PREMIER POINT.

Pour nous représenter quelle sera la félicité des enfans de Dieu en l'autre vie, il faut considérer premièrement en gros combien elle doit être grande et inconcevable, afin de nous en imprimer l'estime;

et après il faut voir en quoi elle consiste, pour avoir quelque connoissance de ce que nous désirons.

Pour ce qui regarde la première considération, nous la pouvons prendre de la grandeur de Dieu, et de l'affection avec laquelle il a entrepris de donner la gloire à ses enfans.

C'est une chose prodigieuse de voir l'exécution des desseins de Dieu. Il renverse en moins de rien. les plus hautes entreprises : tous les élémens changent de nature pour lui servir : enfin il fait paroître dans toutes ses actions qu'il est le seul Dieu, et le créateur du ciel et de la terre. Or il s'agit ici de l'accomplissement du plus grand dessein de Dieu, et qui est la consommation de tous ses ouvrages.

Toute cause intelligente se propose une fin de son ouvrage. Or la fin de Dieu ne peut être que luimême. Et comme il est souverainement abondant, il ne peut retirer aucun profit de l'action qu'il exerce, autre que la gloire qu'il a de faire du bien aux autres, et de manifester l'excellence de sa nature et cela parce qu'il est bien digne de sa grandeur de faire largesse de ses trésors, et que d'autres se ressentent de son abondance. Que s'il est vrai qu'il soit de la grandeur de Dieu de se répandre, sans doute son plus grand plaisir ne doit pas être de se communiquer aux natures insensibles. Elles ne sont pas capables de reconnoître ses faveurs, ni de regarder la main de qui elles tirent leur perfection. Elles reçoivent, mais elles ne savent pas remercier. C'est pourquoi quand il leur donne, ce n'est pas tant à elles qu'il veut donner, qu'aux natures intelligentes, à qui il les destine. Il n'y a que celles-ci à

:

qui il ait donné l'adresse d'en savoir user. Elles seules en connoissent le prix ; il n'y a qu'elles qui en puissent bénir l'auteur. Puis donc que Dieu n'a donné qu'aux natures intelligentes la puissance de s'en servir, sans doute ce n'est que pour elles qu'il les a faites. Aussi l'homme est établi de Dieu comme leur arbitre; et si le péché n'eût point ruiné cette disposition admirable du créateur dès son commencement, nous verrions encore durer cette belle république. Dieu donc a fait pour les créatures raisonnables les natures inférieures. Et quant aux créatures intelligentes, il les a destinées à la souveraine béatitude, qui regarde la possession du souverain bien il les a faites immédiatement pour soi-même. Voilà donc l'ordre de la Providence divine, de faire les choses insensibles et privées de connoissance pour les intelligentes et raisonnables, et les raisonnables pour la possession de sa propre essence. Donc ce qui regarde la souveraine béatitude, est le dernier accomplissement des ouvrages de Dieu. C'est pourquoi dans le dernier jugement Dieu dit à ses élus Venez, les bien-aimés de mon Père au royaume qui vous est préparé dès la constitution du monde. Il dit bien aux malheureux: Allez au feu qui vous est préparé (1); mais il ne dit pas qu'il fût préparé dès le commencement du monde. Cela ne veut dire autre chose, sinon que la création de ce monde n'étoit qu'un préparatif de l'ouvrage de Dieu, et que la gloire de ses élus en seroit le dernier accomplissement. Comme s'il disoit : Venez, les bien-aimés de mon Père: c'est vous qu'il regar (1) Matth. xxv. 34. Ibid. 41.

doit, quand il faisoit le monde, et il ne faisoit alors que vous préparer un royaume.

Que si nous venons à considérer la qualité de la Providence, nous le jugerons encore plus infailliblement. La parfaite prudence ne se doit proposer qu'une même fin, d'autant que son objet est de mettre l'ordre partout; et l'ordre ne se trouve que dans la disposition des moyens et dans leur liaison avec la fin. Ainsi elle doit tout ramasser pour paroître universelle, tout digérer par ordre pour paroître sage, tout lier pour paroître uniforme : et c'est pourquoi il y doit avoir une dépendance de tous les moyens, afin que le corps du dessein soit plus ferme, et que toutes les parties s'entretiennent. L'imparfait se doit rapporter au parfait, la nature à la grâce, la grâce à la gloire. C'est pourquoi si les cieux se meuvent de ces mouvemens éternels, si les choses inférieures se maintiennent par ces agitations si réglées, si la nature fait voir dans les différentes saisons ses propriétés diverses, ce n'est que pour les élus de Dieu que tous les ressorts se remuent. Les peuples ne durent que tant qu'il y a des élus à tirer de leur multitude : Constituit terminos populorum juxta numerum filiorum Israel (1) : « Il » a marqué les limites des peuples selon le nombre >> des enfans d'Israël qu'il avoit en vue ». Les élémens et les causes créées ne persistent, que parce que Dieu a enveloppé ses élus dans leur ordre, et qu'il les veut faire sortir de leurs actions. « Aussi » elles sont comme dans les douleurs de l'enfante>>ment »; Omnis creatura ingemiscit et parturit usque (1) Deut. XXXII. 8.

« PoprzedniaDalej »