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L'autorité qu'emploie Alvarez, est d'une autre espèce; il met en oubli son âge et son pouvoir paternel, pour ne se faire entendre qu'au nom de la religion. Il ne cherche pas à détourner Gusman d'un crime particulier; il lui prêche une vertu générale, une vertu presqu'inconnue avant le christianisme, l'humanité; il se réserve à lui-même, la charité, sorte d'humanité encore plus sublime que le fils de l'Homme a fait descendre sur la terre, et qui n'y habitoit point avant sa venue (1) Enfin, Alvarez, qui, commandant à son fils comme père, lui obeit comme sujet, est un de ces traits de haute morale autant au-dessus de la morale des anciens, que les Evangiles surpassent, pour l'enseignement des vertus, les dialogues de Socrate,

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Achille mutile son ennemi, et l'insulte après l'avoir abattu: Gusman est aussi fier que le fils de Pélée; percé de coups par la inain de Zamore, expirant à la fleur de son âge, perdant à-la-fois une épouse adorée, et le commandement d'un empire, mai

(1) Et le peu d'humanité qu'on remarque chez les anciens, ils le devoient eux-mêmes à leur culte. L'hospitalité, le respect pour les supplians et pour les malheureux tenoient à des idées religieuses. Pour que le misable trouvât quelque pitié sur la terre; il falloit que J piter s'en déclarât le protecteur; tant l'homme est féroce sans la religion.

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tre absolu de la vie de celui qui lui ravit le jour, voici Tarret qu'il prononcé sur son meurtrier: c'est le trioinphe de la religion, et de l'exemple paternel sur son fils chrétien '( A 'Alvarez.)

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Le ciel qui vent ma mort, et qui l'a suspendue
Mon père,enice moment, m'amène à votre vue.
Mon ame fugitive et prête à me quitter,

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S'arrête devant vous... mais pour vous imiter.
Je meurs; le voile tombe, un nouveau jour m'éclaire:
Je ne me suis connu qu'au bout de ma carrière.
J'ai fait, jusqu'au moment qui me plonge au cercueil
Gémir l'humanité du poids de mon orgueil.

Le ciel wenge la terreb; il est juste „net ma vie
Ne peut payer le sang dont ma main s'est rougie.
Le bonheur m'aveugla, l'amour m'a détrompé;

Je pardonne à la maimpar qui Dieu m'à frappé LAC
J'étois maître en ces lieux; seul j'y commande encore
Seul je puis faite grâce, et la fais à Zamore." ulte
Vis, superbe enfiemi, sois libre, et te souvien

Quel fut, et le devoir, et la mort d'un chrétien."

(A Monteze qui se jette à ses pieds,)

&

Montèze, Américains, qui fûtes mes victimes,
Songez que ma clémence a surpassé mes crimes;
Instruisez l'Amérique, apprenez à ses rois

Que les chrétiens sont nés pour leur donner des loix.
(A Zamore.)

Des Dieux que nous servons, connois la différence :
Les tiens t'ont commandé le meurtre et la vengeance;

Et le mien, quand ton bras vient de m'assassiner,
M'ordonne de te plaindre et de te pardonner,

a

A quelle religion, à quel culte, appar tiennent cette morale et cette mort? It y ici un idéal de vérité, au-dessus de tout idéal poétique. Quand nous disons un idéal de vérité, nous n'exagerons point; on sait que ces vers,

Des Dieux que nous servons connois la différence, etc,

sont les paroles mêmes de François de Guise, Quant au reste de la tirade

Je ne me suis connu qu'au bout de ma carrière.

J'ai fait, jusqu'au moment qui me plonge au cercueil
Gémir l'humanité du poids de mon orgueil,

c'est la substance de la morale évangélique, Un trait seul n'est pas chrétien dans toute cette scène,

Instruisez l'Amérique, apprenez à ses rois,

Que les chrétiens sont nés pour leur donner des lois,

M. de Voltaire a voulu faire reparoître ici la nature et le caractère orgueilleux de Gusman, L'intention dramatique est heureuse, mais, prise comme beauté absolue le sentiment exprimé dans ces vers est bien petit, au milieu des hauts sentimens dont

il est environné! Telle se montre toujours la pure nature, auprès de la nature chrétienne. M. de Voltaire est bien ingrat d'avoir cherché à renverser un culte qui lui a fourni les plus beaux traits de ses ouvrages, et ses meilleurs titres à l'immortalité; il auroit toujours du se rappeler ce vers, qu'il avoit fait par un mouvement involontaire d admiration:

Quoi donc les vrais chrétiens auroient tant de vertus

Ajoutons tant de génie, tant de beautés poétiques (1),

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(1) On ignore assez généralement que M. de Voltaire ne s'est servi des paroles de François de Guise qu'en les empruntant d'un autre poëte; Row en avoit fait usage avant lui dans son Tamerlan, et l'auteur d'Alzire s'est contenté de traduire, mot pour mot, le tragique Anglais

Now learn the différence, twixt thy faith and mine
Thine bids thee lift thy dagger to my throet;
Mine can forgive the wrong, and bid thëe live.

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PHIGENIE et Zaire fournissent, pour le caractère de la fille, un parallèle intéressant L'une et l'autre sont forcees, par l'au torité paternelle, à se dévouer pour la religious de ur pays. Agamemnon, il est vrai, exige d'Iphigénie le double sacrifice de son amour et de sa vie, et Lusignan ne demande à Zaire, que de renoncer à son amour; mais pour une femme passionnée, vivre, et etre privée de l'objet de ses vœux, c'est peutêtre une condition plus douloureuse que la Les deux situations peuvent donc se

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à l'intérêt naturel voyons sl en est ainsi de l'intérêt religieux

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Agamemnon, en obéissant aux Dieux, sa crifie sa fille à son ambition; et après tout il n'y a rien de fort pathetique dans un oracle qui demande du sang, afin d'obtenir un vent favorable. Et pourquoi la jeune Grecque obeit-elle à Jupiter? Que lui importe ce dieu; qu'a-t-il à ses yeux de si intéressant? N'est-ce pas plutôt un tyran qu'elle doit hair? Le spectateur prend parti pour Iphigénie contre le Ciel. L'intérêt porte donc uniquement sur les situations naturelles ;

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