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la délaye ou la ternit; tantôt il va jusqu'à l'extravagance. Adam dit à Eve: « Com»ment ai je pu croire à ta droiture; » n'es-tu pas formée d'une de mes côtes » et mes côtes ne sont elles pas recour>> bées » ?

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On a dit qu'un des grands secrets de l'écrivain étoit de transporter à propos le moral dans le physique, et le physique dans le moral. Mais ce précepte ne signifie autre chose, si ce n'est qu'il faut que l'imagination espèce de faculté matérielle) serve comme de corps à la pensée , et que la pensée, à son tour, spiritualise l'imagination. Ce n'est nullement les objets directs qu'il s'agit de meler et de confondre, mais les attributs de ces objets.

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Ajoutons qu'on donne avec beaucoup de grâce la nature d'un étre animé à un être inanimé, parce que le premier étant puis; sant et actif peut faire de sa vertu part à l'autre. Mais un être inanimé ne peut pas également transporter sa nature passive à un être animé, parce qu'il n'a aucun moyen de mouvement. La qualité appartient à la personne, l'accident à la chose. La qualité se communique, l'accident est incommunicable. Ainsi si je dis qu'Echo, desséchée par la douleur, a été changée en rocher, le goût n'est pas blessé de cette métaphore. Mais si je prétends qu'Eve est trompeuse, parce qu'elle a été formée d'une côte tortue, je ne suis plus qu'un barbare.

On ne devroit jamais perdre de vue, que si le génie enfante c'est le goût qui conserve. Le goût est le bon sens du génie : sans le goût, le génie n'est qu'un fou sublime. C'est une chose étrange, que ce toucher sûr, par qui une chose ne rend jamais que le son qu'elle doit rendre soit encore plus rare que la faculté qui crée. L'esprit et le génie sont répandus en portions assez égales dans les siècles; mais il n'y a dans ces siècles que de certaines nations, et chez ces nations qu'un certain moment où le goût se montre dans toute sa pureté. Avant ce moment, et après ce moment, tout péche ou par défaut ou par excès. Voilà pourquoi les ouvrages parfaits sont si rares; car il faut qu'ils soient produits dans ces heureux jours de l'union du goût et du génie. Or, cette grande conjonction (si on nous pardonne cette figure) n'arrive comme celle de certains astres, qu'après la révo Jution de plusieurs siècles.

و

CHAPITRE

CHAPITRE V

De quelques Poëmes françois et
étrangers.

NOUS placerons dans ce chapitre, entre

le Paradis perdu et la Henriade, quelques poëmes françois et étrangers, dont nous n'avons qu'un mot à dire.

Les morceaux remarquables répandus dans le saint Louis ont été si souvent cités, que nous ne les donnerons point ici. Nous observerons seulement que si le père Lemoine eût vécu dans le siècle de Louis XIV, il eût pu nous laisser l'Epopée, qui, malgré la Henriade, manque encore à la littérature françoise. Le saint. Louis a des beautés qu'on ne trouve point dans la Jérusalem. Il y règne une sombre imagination chrétienne, qui convient à la peinture de cette Egypte pleine de souvenirs et de tombeaux, et qui vit passer tour - à - tour les Pharaon, les Ptolomée les solitaires de la Thébaïde, et les Soudans des Barbares.

Boileau a fait justice de la Pucelle, du Moïse sauvé, et du David: il y a cepen dant quelque chose à gagner à la lecture de ces ouvrages. Le David sur tout mérite d'être parcouru.

Tome II:

C

Le prophète Samuel raconte à David l'histoire des rois d'Israël :

Jamais, dit le grand saint, la fière tyrannie
Devant le Roi des rois ne demeure impunie;
Et de nos derniers chefs le juste châtiment
En fournit à toute heure un triste monument.

Contemple donc Héli, le chef du tabernacle,
Que Dieu fit de son peuple et le juge et l'oracle;
Son zèle à sa patrie eût pu servir d'appui,
S'il n'eût produit deux fils trop peu dignes de lui.

Mais Dieu fait sur ces fils, dans le vice obstinés,
Tonner l'arrêt des coups qui leur sont destinés;
Et par un saint hérault, dont la voix les menace,
Leur annonce leur perte et celle de leur race.
O ciel! quand tu lanças ce terrible décret,
Quel ne fut point d'Héli le deuil et le regret !
Mes yeux furent témoins de toutes ses alarmes,

Et mon front, bien souvent, fut mouillé de ses larmes

Ces vers sont remarquables, parce qu'ils sont beaux comme vers. Un poëte mediocre peut avoir un trait brillant, perdu dans un fatras de choses communes; mais une tirade, soutenue comme celle-ci, ne peut venir que d'un homme de talent. Le mouvement qui la termine, pourroit être avoué d'un grand poëte, et les deux derniers vers font un tableau dans le goût antique.

On trouve aussi quelquefois dans le David

des vers de sentimens. L'épisode de Ruth, racontée dans la grotte sepulcrale, où sont ensevelis les anciens patriarches, a du charme et de la simplicité :

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On ne sait qui des deux ; ou l'épouse, ou l'époux,
Eut l'ame la plus pure et le sort le plus doux, etc.

Enfin, Coras, fait de temps en temps le vers descriptif (vers qui a manqué aux grands poëtes du siècle de Louis XIV) témoin ce passage où il peint le soleil montant vers son midi:

Cependant le soleil, couronné de splendeur,
Amoindrissant sa forme, augmentoit son ardeur.

Saint-Amand est inférieur à Coras, quoique plus connu, et presque vanté par Boileau, qui lui accorde du génie. La composition du Moyse sauvé est languissante, le vers lâche, et les idées y marchent par antithèses. Cependant on y remarque quelques morccaux d'un sentiment vrai, et c'est, sans doute ce qui avoit adouci l'humeur du chantre de l'art poétique.

Venons à quelques poemes étrangers.

Il seroit inutile de nous arrêter longtemps à l'Araucana, avec ses trois parties et ses trente-cinq chants originaux

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sans

oublier les chants que don Diego de San

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