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UAND l'auteur de la nature eut

organisé le monde, il forma un être intelligent, destiné à féconder cette auguste production. Telle est la tâche imposée aux législateurs : pour consommer leur ouvrage, ils doivent créer des hommes.

C'est parce que l'homme est un être moral, qu'il a droit à la liberté : ces deux attributs sont inséparables. Ce serait un grand attentat que de ne pas respecter cette liberté ; mais ce serait une grande contradiction de la vouloir sans les mœurs.

Si l'égalité des droits, véritable fondement des associations politiques, est réclamée avec raison, cette égalité suppose des devoirs rendus et à rendre, dont on exige

Α

la réciprocité; autrement, elle n'aurait aucun sens. (1)

Ainsi, nos devoirs tiennent d'une

(1) Cependant cette liberté et cette égalité, sur lesquelles se fondent tous nos devoirs, servent souvent de prétexte à les méconnaître. Cela vient, ce me semble, de ce que, dans la liberté, on confond la faculté de faire, avec le droit. Or, ce sont deux choses très distinctes. En effet, supposons un homme hors de toute société, sans engagement et sans obstacle quelconque; il pourra faire ce qu'il voudra, et n'aura pourtant le droit de faire que ce qui est bon en soi: c'est en ce sens que l'on dit très-bien que la force n'est pas un droit. La moralité, sublime prérogative de notre nature, consiste en ce qu'également maîtres de nous porter vers ce qui est convenable ou ce qui ne l'est pas, nous préférons, par choix, l'un à l'autre: cette moralité, par-là même, siége donc essentielle. ment à côté de la liberté; autrement, cette dernière, sans guide, nous conduirait à notre perte. Ainsi, la liberté est soumise à une puissance supérieure, qui est la raison de sorte qu'il ne s'agit pas d'examiner si nous avons la liberté de faire telle ou telle chose, mais si la raison nous le permet.

On dit communément qu'on peut se permettre ce que la loi ne défend pas. Cette proposition n'est pas bien énoncée; ce que la loi prohibe est présumé mauvais, voilà pourquoi nous devons le fuir; mais si ce

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part à la dignité de notre nature, et de l'autre, aux intérêts de notre union.

Cela posé, non-seulement nous

qu'elle n'a pas interdit a le même caractère, nous sommes également obligés de le rejetter.

De même, je trouve peu fondé de dire que la soumission aux lois est le sacrifice d'une portion de notre liberté. C'est par la raison qu'on est libre, qu'on dit, je ne ferai point cette action qui me serait nuisible. Or, la loi (dans toute société où ce n'est pas un pouvoir arbitraire qui la forme) n'est que l'expression de cette détermination, et porte, par conséquent, l'empreinte de la liberté, loin de la contrarier.

Quant à l'égalité, j'en touche quelques mots dans la note qui termine le second livre. Il faut bien se persuader qu'elle n'exprime pas une manière d'être identique, qui serait tout aussi absurde, que d'exiger que le corps humain fût ou tout yeux, ou tout bras, ou tout oreille; ce sont, au contraire, les différences qui constituent la richesse et l'harmonie de la nature. La réciprocité des devoirs est souvent dans leur compensation. Les deux plateaux d'une balance sont en équilibre sans qu'on y mette des objets d'une même matière et d'une même forme. Qu'y a-t-il de plus égal à l'homme que sa compagne, et quoi de plus dissemblable? Enfin,

ne pouvons nous dispenser de les remplir, mais nous devons même le faire avec orgueil et complaisance, et certainement, s'ils nous étaient bien connus, ils nous inspireraient ces sentimens.

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il y a telles inégalités dont il est ridicule de demander compte à la société. Ce n'est pas elle qui a voulu que toutes les terres ne fussent pas éga lement fertiles, que les bras fussent plus ou moins vigoureux, les esprits plus ou moins actifs, etc. Quand la loi, sous laquelle vivent les membres de la société, est la même pour tous, l'égalité existe dans toute sa plénitude. Je finirai en citant un passage de Montesquieu. Le principe de la démocratie, dit-il, se corrompt, non-seulement lorsqu'on perd l'esprit d'égalité, mais encore quand on prend l'esprit d'égalité extrême. Pour lors le peuple, ne pouvant souffrir le pouvoir même qu'il confie, veut tout faire par lui-même, délibérer pour le sénat, exécuter pour les magistrats et dépouiller tous les juges. Il ne peut plus y avoir de vertu dans la république..... Le peuple tombe dans ce malheur, lorsque ceux à qui il se confie, voulant cacher leur propre corruption, cherchent à le corrompre; pour qu'il ne voie pas leur ambition, il ne lui parlent que de sa grandeur, etc. Esprit des lois, L. VIII, Ch. 2.

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