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de chaque citoyen; de sorte que les riches remplissaient les premières classes, ceux qui l'étaient moins les suivantes, et les pauvres la dernière. Ces six classes se subdivisaient en cent quatre-vingttreize corps, qui étaient ce qu'on appelle centuries. La première classe comprenait à elle seule quatre-vingt-dix-huit centuries, c'est-à-dire plus de la moitié, et en suivant la proportion décroissante, la sixième classe, plus nombreuse en -hommes, ne renfermait qu'une centurie. On voit l'extrême ascendant des riches dans cette dernière forme, puisqu'un homme y était multiplié ou réduit en . fraction, à raison de ses biens. Pour pallier cette grande influence, on ne donna pas aux centuries de la première classe le droit exclusif de voter les premières, ce qui aurait rendu nul l'appel des autres, mais on tirait au sort, laquelle des cent quatre-vingt-treize passerait la première au scrutin, ce qui n'était pas un avantage illusoire, parce que les autres centuries confirmaient très-souvent sa détermination. Cependant il est toujours vrai de dire que les hautes magistratures dépendaient principalement des plus riches citoyens.

Cicéron se distingua dans sa préture par son intégrité et sa vigueur contre les ennemis publics; mais les devoirs de sa charge ne l'empêchèrent pas de plaider, cet de se livrer encore à l'étude. On re

marque même, qu'à cette époque, il assistait fréquemment aux leçons des philosophes, sans doute pour faire connaître le prix de l'instruction à la jeunesse Romaine, par la présence d'un des premiers magistrats de la république,

Ce fut dans ce tems qu'il monta pour la première fois à la tribune (1), et prononça sa harangue pour appuyer la loi proposée par le tribun Manilius, dont l'objet était de déférer à Pompée la conduite de la guerre contre Mithridate. Beaucoup d'excellens citoyens s'alarmaient de voir remettre à Pompée toutes les commissions importantes. Hortensius et Catulus combattirent vivement le projet du tribun. Si tous les intérêts publics, disait Catulus, ne peuvent étre confiés qu'au seul Pompée, à qui donc aurez. vous recours, supposé qu'un accident nous l'enlève? Catulus (2), au rapport de Cicéron, reçut alors par un témoignage éclatant la récompense de ses vertus; car le peuple l'interrompant, s'écria d'une voix unanime: à vous. Cependant Pompée fut nommé, et remplit parfaitement les espérances qu'on avait conçues de lui. Avant de passer au consulat de Cicé

(1) Il n'y avait que les magistrats qui eussent droit de parler dans les assemblées du peuple, qui exprimait ensuite son vou de la même manière que dans les élections.

(2) C'est celui dont il parle au chapitre XXII. du premier livre.

que,

ron, il est bon de se former une idée de l'état de la république, à cette époque. Forte de l'impulsion de plusieurs siècles de vertu et de liberté, Rome étalait au-dehors cette puissance colossale dont l'imagination s'étonne; elle achevait la conquête du monde, et dans son mouvement accéléré, elle subjuguait les contrées les plus vastes et les plus belliqueuses, en moins de tems lors de son origine, elle n'en avait employé à soumettre la petite ville de Veies. Mais, en domptant l'univers, elle y avait · pompé les germes de sa destruction; de toutes les parties du globe, les richesses et les vices se précipitaient à flots dans son sein: la liberté servait de levain aux passions qui y fermentaient. La force et l'énergie de ce peuple dominateur s'imprimait dans son luxe, dans ses débauches, dans ses crimes, et cette sêve vigoureuse, filtrée à travers la corruption, produisait des monstres. Un essaim de factieux, assiégés de besoins, et abîmés de dettes, épuisés de jouissances, et haletans de desirs, appellait le désordre, et convoitait les malheurs publics, dans l'espoir d'en tirer parti : des hommes dont l'ambition ne pouvait être assouvie que par la puissance suprême, protégeaient, ou par des voies obscures, ou par leur silence et leur inaction, ces agitateurs subalternes, se flatant que les troubles favoriseraient l'accrois

sement de leur pouvoir; d'autres, plongés dans la léthargie d'une vie sensuelle, mettaient leur gloire, comme dit Cicéron, dans ses lettres à Atticus, à voir dans leurs étangs de vieux barbeaux qui venaient manger à la main, et ils étaient assez fous pour s'imaginer qu'ils conserveraient leurs viviers, quand il n'y aurait plus de république. Cependant Rome comptait encore de bons citoyens, attachés de cœur aux saintes lois, qui l'avaient rendu si grande. Caton offrait toute la majesté de l'antique vertu ; mais cette vertu intraitable heurtait les passions et les intérêts particuliers ayec trop peu de ménagement, pour obtenir sur eux quelque empire. Cicéron lui reprochait d'opiner devant la multitude ignorante et corrompue, comme s'il eût été dans la république de Platon, et pour lui, à la tête de ce qu'il y avait d'honnêtes gens et de sincères amis de la patrie, il pratiquait une méthode plus douce, plus accommodée au tems, et plus fructueuse. Sans doute il serait desirable que cet art qu'on ap pelle politique, et qui s'écarte souvent de la franchise exacte et de la justice rigoureuse, fût entièrement banni des affaires publiques. Mais ce systême de pureté n'est pas admissible parmi des hommes corrompus. Dès qu'il existe dans la société une masse puissante d'ennemis de son repos, qui agitent, trompent, di

visent, corrompent, séduisent, ce serait se mettre à leur disposition, que de ne pas faire un usage innocent de leurs propres armes pour les combattre. Jamais Cicéron ne fût parvenu à déjouer les complots de Catilina, s'il eût dédaigné de joindre tout l'art et les ménagemens de la politique à la fermeté.

Lucius Sergius Catilina était d'une des plus illustres familles patriciennes. Il avait réduit en systême la perversité la plus profonde. Voici son portrait, sous le pinceau de Salluste, sénateur et historien contemporain. «Les forces de son » corps, dit-il, répondaient à celles. » de son esprit. Les guerres intestines, » les meurtres, le pillage et les dissen» tions eurent de l'attrait pour lui dès » son enfance, et furent les exercices » de sa jeunesse. Il supportait la faim,

la soif, les veilles, au-delà de toute » croyance; audacieux, fourbe, rusé, » capable de feindre tout, de dissimuler » tout, avide du bien d'autrui, prodigue » du sien, emporté dans ses desirs, >> assez éloquent, peu judicieux, son » génie vaste se repaissait de projets >> sans bornes, hors de toute mesure, » et de toute puissance. Depuis l'abdi»cation de Sylla, il brûloit d'envahir » la république, s'embarrassant peu de » la nature des moyens, pourvu qu'il > entrevît une lueur de succès. Souillé » de crimes, détesté des dieux et des

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