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CATHOLIQUE

REVUE

DES SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES ET DES FAITS RELIGIEUX.

Omnia instaurare in Christo. Eph., 1, 10.

COURS

D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE A LA SORBONNE Par M. l'abbé LAVIGERIE.

Observations sur la quatrième leçon.

(Jeudi 5 février 1857.)

M. l'abbé Lavigerie va de plus fort en plus fort dans son cours d'histoire ecclésiastique. Il n'est guère possible de débiter plus d'erreurs historiques et doctrinales qu'il ne l'a fait dans sa quatrième leçon. Il est vraiment déplorable d'entendre un jeune prêtre attaquer, au nom de l'Église, les principes fondamentaux de la doctrine catholique, et donner, comme le jansénisme, la plus pure doctrine de saint Augustin, de saint Thomas, de Bossuet, de tous les grands docteurs catholiques. Le jeune professenr vous débite les hérésies les plus monstrueuses avec un air de satisfaction qui ne peut qu'impressionner très péniblement les hommes sérieux qui l'écoutent.

Dans sa quatrième leçon, M. Lavigerie a voulu exposer ce qu'est la grâce dans le système janséniste, et en quoi ce système est hétérodoxe. C'était le moment ou jamais d'expliquer la doctrine de saint Augustin et celle de Molina, et de faire voir le point précis sur lequel le jansénisme était erroné. Au lieu de cela, M. Lavigerie s'est élancé, à propos de jansenisme, dans une foule de considérations exagérées,

de sorte qu'il a plutôt fait des caricatures que des tableaux de doctrine. Mais ce qui a dominé au-dessus de son tohu-bohu doctrinal, c'est que le pélagianisme est la doctrine de l'Église, et que la doctrine de saint Augustin est le jansénisme. Il ne l'a pas dit ouvertement, mais c'est le résumé le plus exact qu'on puisse faire de sa leçon.

En effet, pour M. Lavigerie, l'homme peut, par les seules forces de la nature, connaître la vérité, faire le bien, mériter aux yeux de Dieu; la grâce n'est donc pas absolument nécessaire; son efficacité a pour principe le bon usage que, l'homme fait de ses facultés naturelles; Dieu, en accordant sa grâce, récompense ce bon usage de ces facultés. De là nous concluons que M. l'abbé Lavigerie nie les trois points fondamentaux de la doctrine de l'Église sur la grâce: sa nécessité, son efficacité, sa gratuité; rien que cela! Pour un professeur de la Faculté de théologie, il faut avouer qu'il marche rondement.

Selon M. Lavigerie, il n'y a pas de milieu entre son système et celui de la grâce nécessitante, qu'il attribue nonseulement à Jansénius, mais à toute l'école de Port-Royal. Il s'est étendu sur ce système de la grâce nécessitante, en a fait un tableau monstrueux, en a tiré des conséquences horribles; il a placé en regard l'hérésie de Pélage, en lui mettant pour étiquette: Doctrine catholique.

Nous en demandons bien pardon à notre jeune professeur, mais il y a entre les deux hérésies une doctrine qui est vraiment celle de l'Église, et dont les interprètes les plus sûrs ont été saint Augustin, saint Thomas et Bossuet. Il reconnaît à Bossuet une grande autorité ; il l'a dit dans sa leçon. L'aigle de Meaux eût sans doute été très flatté d'un éloge parti d'une bouche aussi éloquente, mais nous pensons qu'il l'eût été fort peu de la doctrine en faveur de laquelle on en appelait à son témoignage. Peut-être même eût-il répudié les paroles que lui a prêtées M. le professeur. Nous connaissons l'ouvrage d'où on les a tirées, quoiqu'on n'ait pas osé le citer, c'est l'éloge funèbre de Nicolas Cornet. Or tout le

monde sait que ce fut le neveu de Cornet qui publia cet éloge en Hollande, longtemps après la mort de son oncle; tout le monde sait aussi que Bossuet nia positivement que l'éloge qu'on lui attribuait fût celui qu'il avait prononcé. Un professeur d'histoire ne peut ignorer tout ce que le monde sait. Comment donc M. Lavigerie a-t-il cité un ouvrage apocryphe pour faire connaître l'opinion de Bossuet, lorsqu'il pouvait consulter les œuvres authentiques du grand évêque de Meaux? C'est que les œuvres authentiques réfutent victorieusement, au lieu d'appuyer, les erreurs de notre professeur.

Nous allons mettre sa doctrine en parallèle avec celle de saint Paul, de saint Augustin et de Bossuet. Pour saint Thomas, ses opinions sont celles de saint Augustin. Ainsi nous ne le citerons pas, afin d'abréger. Il suffira bien de citer le plus profond des écrivains inspirés, le plus savant des Pères de l'Église et le plus grand génie catholique des temps modernes, pour réfuter M. l'abbé Lavigerie; nous le pensons du moins.

Commençons :

M. Lavigerie prétend que l'homme, sans le secours de la grâce, peut résister au mal et faire le bien.

Pélage disait seulement qu'avec la grâce il pouvait résister au mal plus facilement; sur quoi saint Augustin parle ainsi :

« Pélage n'a pu se servir de ce mot que dans le but de relever la nature, sans s'apercevoir qu'il en précipite la ruine en l'élevant avec excès, et de faire croire qu'elle a assez de force, sans le secours du Saint-Esprit, pour résister d'une manière quelconque à l'esprit malin, quoique avec moins de facilité. Mais qu'est-il besoin de ce secours, si le libre arbitre a par lui-même assez de force et de vigueur pour ne pas pécher? L'addition du terme plus facilement ne tend qu'à insinuer tacitement qu'on peut faire de bonnes œuvres même sans la grâce, ce qui est certainement condamné par la bouche de la Vérité incarnée, qui a dit : Sans moi, vous ne

pouvez rien faire. » (De la Grâce de Jésus-Christ, SS 28, 29, 30.)

Cette doctrine est bien conforme à celle de saint Paul, qui dit :

« C'est Dieu qui opère en nous la volonté et l'action. » (Philipp., II, 13.)

« Nous ne sommes capables de former de nous-mêmes aucune bonne pensée comme de nous-mêmes; c'est Dieu qui nous en rend capables. » (II Corinth., III, 5.)

Écoutons encore saint Augustin sur le même sujet :

« La religion, dit-il, nous apprend que Dieu ne nous a pas seulement donné la faculté, et qu'il ne se borne pas seulement à l'aider, mais qu'il opère en nous la volonté et l'action; non pas que nous ne voulions et que nous n'agissions nous-mêmes, mais parce que nous ne voulons et ne faisons rien de bien sans son secours. » (De la Grâce de Jésus-Christ, S 26.)

Saint Augustin dit encore :

« Il est essentiel d'avoir une idée juste de la grâce que Dieu nous donne par Jésus-Christ Notre-Seigneur. C'est elle seule qui délivre les hommes du mal; et sans elle ils ne font absolument aucun bien, ni par pensée, ni par volonté et affection, ni par action. L'effet de cette grâce n'est pas de faire simplement connaître à l'homme le bien qu'il doit faire, mais de lui faire faire avec amour le bien qu'il connaît. C'est cette inspiration de la bonne volonté et de la bonne action, que l'Apôtre demandait à Dieu pour les fidèles : « Nous » prions Dieu, leur disait-il, que vous ne fassiez point de » mal, non afin de paraître nous-mêmes plus estimables, mais >> afin que vous fassiez ce qui est bon. » Peut-on entendre ces paroles sans en être frappé, et sans confesser humblement que c'est de Dieu que nous vient la fuite du mal et la pratique du bien? car, il faut bien remarquer que saint Paul ne dit pas Nous vous avertissons, nous vous enseignons, nous vous exhortons, nous vous reprenons; mais il dit : « Nous prions Dieu que vous ne fassiez pas le mal, mais

>> que vous fassiez ce qui est bien. » Ce n'est pas qu'il manquât de remplir tous ces autres devoirs dont j'ai parlé. Il avertissait les fidèles, il les instruisait, il les exhortait, il les reprenait mais il était en même temps très persuadé que, tous ces moyens qu'un prédicateur emploie extérieurement, en plantant et arrosant, sont sans force et sans effet, si celui qui donne intérieurement l'accroissement, n'exauce les prières qu'on lui adresse pour le succès de la prédication. C'est ce que ce docteur des nations nous enseigne lui-même très expressément, lorsqu'il dit : « Que celui qui plante et celui qui » arrose ne sont rien: mais que tout dépend de Dieu qui >> donne l'accroissement. >>

:

>> Qu'on ne se séduise donc pas soi-même qu'on ne dise pas : « A quoi bon nous prêcher et nous ordonner d'éviter le » mal et de faire le bien, si ce n'est pas nous qui remplis>> sons ces devoirs, et si c'est Dieu qui forme en nous le bon » vouloir et la bonne œuvre? » Que ceux qui parlent ainsi comprennent plutôt que, s'ils sont enfants de Dieu, « c'est » l'esprit de Dieu qui les meut » pour leur faire faire ce qu'ils doivent faire et qu'après l'avoir fait, ils en rendent grâces à l'Esprit-Saint qui les meut. Car il ne les meut qu'afin qu'ils agissent, et non afin qu'ils ne fassent rien. Et, néanmoins, ceux qui sont chargés de leur conduite leur apprennent ce qu'ils doivent faire, afin que, quand ils le font comme il faut, c'est-à-dire avec l'amour de la justice et la sainte délectation qui en est inséparable, ils se réjouissent en Dieu « d'avoir reçu » de sa miséricorde cette bénédiction pleine de douceur qui » a fait porter à leur terre son fruit:» et que quand ils n'ont pas fait ce qui leur est commandé, soit en omettant de le faire, soit en ne le faisant pas par le motif de la charité, ils recourent à Dieu par la prière, pour recevoir de lui ce qu'ils n'ont pas encore. Car enfin, qu'auront-ils jamais qu'ils ne le reçoivent ou qu'ont-ils qu'ils n'aient reçu? » (De la Correction et de la Grâce, SS 3, 4.)

M. Lavigerie se révolte à la pensée que Dieu punit et récompense ceux qu'il lui plaît, par pur effet de sa volonté. Il

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