Obrazy na stronie
PDF
ePub

CATHOLIQUE

REVUE

DES SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES ET DES FAITS RELIGIEUX.

Omnia instaurare in Christo. Eph., 1, 10.

THÉOLOGIE.

DE LA SCISSION DU PARTI CATHOLIQUE (1).

LETTRE A M. LE COMTE DE MONTALEMBERT,

Par l'abbé J.-H. MICHON.

Le parti catholique vient d'offrir au monde un singulier spectacle. On savait, depuis longtemps, que cette coterie remuante, qui n'avait que la modeste prétention de représenter l'Église en France, qui avait eu tant de peine à se constituer, qui cherchait à dissimuler sa nullité en attirant sur elle l'attention par ses opinions excentriques, on savait, disons-nous, que cette coterie était travaillée par une guerre intestine. On se demandait pourquoi M. de Montalembert, ayant à sa suite MM. Dupanloup, de Falloux et de Broglie, se séparait de M. L. Veuillot et de ses disciples. On savait que leurs doctrines étaient les mêmes; que leur ultramontanisme était aussi exagéré. La division qui était entre eux était donc un problème pour ceux qui veulent chercher bien loin la raison des choses? Pour ceux qui la cherchent beau

(1) Brochure in-32, chez Dentu, Palais-Royal.

coup plus près et qui la trouvent plus vite, la guerre n'avait pas d'autre cause que la vanité. L'aristocratie du parti catholique ne pouvait consentir à marcher au second rang. Il était trop dur, pour M. de Montalembert, de renoncer à la douce illusion dont il se berçait depuis longtemps d'être l'O'Connell français. Était-il convenable d'abandonner ce rôle à M. L. Veuillot, espèce de romancier asthmatique, journaliste de province, qui ne s'était fait une place dans le roman et le journalisme catholique que faute de concurrents tant soit peu sérieux? L'aristocratie du parti catholique ne pouvait y consentir; mais M. L. Veuillot tenait trop à la position qu'il avait su se créer, pour y renoncer facilement. Lorsqu'on est parvenu, par son industrie, à se créer une position brillante; lorsqu'on a un appartement dans la rue du Bac, après avoir été élevé dans une gargote de Bercy; lorsqu'on reçoit chez soi des évêques et des cardinaux et qu'on gagne de forts traitements, après avoir végété dans l'indigence, on doit vraiment tenir à la position qu'on a su se faire. M. de Montalembert demandait à M. L. Veuillot un trop grand sacrifice, en exigeant qu'il se contentât d'une seconde place qui lui enlevait tout son prestige. M. de Montalembert se fâcha. On reprocha, pour la forme, à M. L. Veuillot, son style de vilain, ses injures, ses grossièretés. Mais tout le monde se disait : est-ce bien là la cause de la scission? M. de Montalembert est-il bien en droit de jeter la pierre à M. L. Veuillot, et sa conscience n'est-elle pas chargée du même péché?

La guerre déclarée, les pamphlets se succédèrent avec rapidité; le Correspondant fut acheté pour servir les colères aristocratico-catholiques. Rome s'en mêla. M. de Montalembert, pour l'apaiser, fit une brochure en l'honneur de Pie IX. La cour de Rome n'est pas Pie IX, elle ne fut pas désarmée. L'Univers jugé par lui-même parut. Rome fit des menaces. Alors les Achilles du Correspondant quittent le champ de bataille et se retirent sous la tente. L'Univers jugé par luimême est abandonné; le Correspondant ne paraît plus

qu'une fois par mois. L'Univers est modéré dans son triomphe; il rit sous cape de la déroute de l'aristocratie. Grand dans sa victoire, comme une institution catholique, il double ses voiles, c'est-à-dire il agrandit son format, et, poursuit majestueusement sa route, sans daigner songer à ses ennemis vaincus.

Voilà ce qui vient de se passer, sous nos yeux, au sein du parti soi-disant catholique.

M. l'abbé Michon a adressé à M. de Montalembert une lettre intéressante, à propos de la scission de ce fameux parti. M. l'abbé Michon est un écrivain distingué; ses idées ont de la largeur, et il les expose avec franchise et loyauté. Sa lettre à M. de Montalembert est fort intéressante. Nous en citerons quelques passages, afin d'inspirer à nos lecteurs le désir de se la procurer :

« Il y a, dit M. Michon à M. de Montalembert, deux conséquences évidentes de la rupture (du parti catholique) : L'une vous est personnelle : il a fallu que vous ayez été bien profondément convaincu du mal fait au catholicisme par cette feuille, pour vous déterminer à vous mettre en guerre avouée avec l'écrivain à la plume acérée et brûlante qui la dirige et qui, disons le mot, est, à lui seul, tout le journal. L'autre conséquence que votre séparation aussi éclatante, aussi nettement formulée, est une terrible défection dans le camp de l'ultramontanisme, puisqu'elle met avec vous les hommes les plus marquants du parti catholique, et qu'elle laisse M. L. Veuillot seul avec quelques adeptes de mince valeur et les abonnés qu'il passionne depuis vingt ans.

» Je vous le dirai de suite, car on ne doit pas être ingrat envers vous, vous avez rendu, par cette courageuse initiative, un immense service à la cause religieuse, quelle que puisse être l'issue de la lutte. Vous avez donné le droit à ceux qui, avant vous, avaient signalé énergiquement la fausse route où l'Univers égarait le catholicisme, de rappeler combien étaient justes leurs prévisions, puisque une heure est arrivée où les intelligences mûries et calmes qui mar

chaient à côté du chef fougeux de l'ultramontanisme, se sont vues forcées de faire halte, ne voulant pas le suivre, avec son cortège d'admirateurs, jusque dans les abîmes où il se perdra, en entraînant ce qu'il a prétendu sauver.

» Pénétrons maintenant dans le fond, dans la substance même de la question.

» Votre schisme an sein de l'école ultramontaine, qui est un acte de loyauté et d'honneur, puisque vous êtes convaincu qu'elle s'égare, se présente-t-il avec des caractères tels qu'il doive entraîner toutes les intelligences dans la grande famille catholique? Serez-vous maintenant, en dehors des hommes qui patronnent l'Univers, autre chose qu'un parti estimé par la valeur des hommes qui en forment le noyau, mais se traînant dans la monotonie languissante d'une opposition réservée et parlementaire?

» Toute lutte a pour but la victoire. Vous devez logiquement tendre à éclairer le monde catholique sur les conséquences des théories de l'absolutisme religieux proclamées par l'Univers; vous devez signaler l'homme qui les prèche chaque matin avec une verve fanatique et une forme parfois éloquente, comme un des ennemis, de bonne foi ou non, les plus dangereux que l'Église ait eus, à aucun siècle, puisque c'est dans les plus hautes régions de l'ordre clérical qu'il infiltre le poison de ses paradoxes, et qu'il jette un dissolvant qui doit lentement l'affaiblir et amener sa ruine. Avec votre nom, votre influence, le rôle que vous avez joué dans les affaires religieuses, vous devez demander à l'Église, au pontife suprême, aux conciles provinciaux, enfin au futur concile général même, justice des théories qui ont perdu la génération sacerdotale actuelle, et compromis, pour bien du temps encore, l'avenir du catholicisme. C'est votre devoir, c'est votre droit.

>> Or, par là même que vous êtes des hommes de modérantisme, vous ne ferez fortement rien de tout cela. La guerre, dans le domaine des choses de l'esprit, pas plus que dans le monde matériel, avance peu à brûler seulement de la poudre

ou à faire des escarmouches autour de l'ennemi. Votre adversaire ne s'effraie pas de si peu. Il vous a fait la leçon déjà sur ce point avec le style malicieux que vous lui savez; il s'est raillé sans gêne de vos premiers coups de tirailleurs, et il vous a prédit que vos articles modérés seraient à peine lus. Vous manquerez donc d'énergie par votre principe même qui est un aveu de faiblesse et comme un engagement à ne rien faire. Vous en donnez déjà la preuve palpable. Pour lutter avec chances de succès contre l'Univers, il fallait créer à l'instant, en brisant avec le parti, un grand organe de publicité religieuse, une feuille élevée et puissante en doctrines, un noble et fort journal dont la rédaction virile et persistante flagellât sans pitié les ignorances, les contradictions, les mots d'ordre imprudents, les attaques injustes et passionnées, les manœuvres de parti compromettantes pour la dignité du catholicisme, et toutes ces perfidies de polémique quotidienne qui sont le fond même de la feuille dont vous voulez contrebalancer l'influence.

>> Vous n'avez pas songé à ce moyen, le seul sérieux parce qu'il serait populaire. Vous vous êtes arrêté à la publication aristocratique d'une revue dont la France et le monde connaissent à peine le nom, et que cite rarement la presse de chaque jour. Vous avez oublié que, dans l'espace d'un an, l'Avenir, avec sa fière devise: Dieu et la liberté! avec les chaudes paroles de Lamennais et de Lacordaire, remua le monde libéral de la Restauration, et commença une révolution religieuse dont les secousses se ressentent encore. »

M. Michon a bien raison d'indiquer ce moyen; mais un grand journal, rédigé par les écrivains du Correspondant, n'aurait pas eu plus de succès que cette revue. La vie intime lui aurait manqué. Si la forte doctrine de Bossuet, d'Arnauld, de Pascal vivifiait le talent de M. de Montalembert et de ses amis, nous aurions foi dans les œuvres qu'ils entreprendraient. Mais tant qu'ils ne seront que des Veuillot bien élevés, toutes leurs œuvres seront frappées de mort.

Quelque part que l'on étudie vos doctrines, dit encore

« PoprzedniaDalej »