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CATHOLIQUE

REVUE

DES SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES

ET DES FAITS RELIGIEUX.

Omnia instaurare in Christo. Eph., 1, 10.

Tome III.

Octobre 1856 à Mars 1857.

A PARIS

CHEZ HUET, LIBRAIRE, RUE DE SAVOIE, 12.

CATHOLIQUE

REVUE

DES SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES ET DES FAITS RELIGIEUX.

Omnia instaurare in Christo. Eph., 1, 10.

THÉOLOGIE.

REFUTATION

DES ERREURS

DE JOSEPH DE MAISTRE,

Touchant le pape et l'Église gallicane.

Préliminaires.

AVIS DES ÉDITEURS. DISCOURS PRÉLIMINAIRE DE M. J. DE MAISTRE.

Troisième Article (1).

Le livre de M. J. de Maistre, intitulé du Pape, parut pour la première fois à Lyon, en 1819. Sa publication fut regardée comme un événement par les hommes qui étaient alors, dans la presse, les chefs du parti royaliste et religieux. MM. de Bonald et de Lamennais, dans le Défenseur; M. O'Mahoni dans le Drapeau blanc; M. Picot dans l'Ami de la Religion et du Roi, adressèrent les éloges les plus flatteurs à l'auteur et à son œuvre.

On a peine à comprendre cet enthousiasme de la part d'écrivains qui se donnaient comme les soutiens du trône

(1) Voir les nos des 16 août et 1er septembre.

aussi bien que de l'autel. En effet, l'ultramontanisme de M. de Maistre conduit directement et nécessairement au renversement des trônes. Mariana en a posé les principes, et il en a tiré les conséquences dans son fameux livre du Roi. Les autres théologiens jésuites, comme Santarelli, Bécan, Eudemon-Jean, Suarez et cent autres, ont raisonné comme lui. Pour eux, le pape est le souverain unique, absolu, universel; les empereurs et les rois ne sont que ses lieutenants, révocables à volonté, et dignes de mort s'ils lui résistent. Dans une circonstance donnée, le pape a le droit d'envoyer un légat pour gouverner un royaume en son nom, de nommer un lieutenant pour commander les troupes et exécuter ses ordres, pour détrôner le roi qui n'est plus qu'un tyran dès qu'il lui résiste, et aiguiser le poignard d'un assassin qui peut sans crime tuer le tyran.

L'ultramontanisme fut ainsi mis en action du temps de la Ligue. Le légat Cajétan se donna comme chef de la France; Guise fut nommé lieutenant du pape; le trône de France fut regardé comme vacant, et Jacques Clément, assassin de Henri III, fut déclaré par Mariana l'éternel honneur de la France.

Voilà l'ultramontanisme. Tout s'enchaîne dans ce système, et MM. de Bonald, de Lamennais et de Maistre, en faisant simultanément du royalisme et de l'ultramontanisme, ont prouvé qu'ils ne savaient pas tirer les conséquences des principes qu'ils posaient. Les théologiens jésuites ont été plus conséquents; et la vieille magistrature était royaliste plus intelligente lorsqu'elle les poursuivait si vigoureusement eux et leurs systèmes.

MM. de Bonald, de Lamennais et de Maistre n'en furent pas moins regardés comme les trois génies tutélaires du trône et de l'autel; depuis que le livre du Pape eut vu le jour, ces trois noms furent couronnés d'une même auréole, et formèrent la Trinité ultramontaine.

Les éditeurs de M. J. de Maistre n'avaient pas attendu ces éloges pour faire de leur auteur un homme providentiel, et

lui attribuer plus de génie que n'en avaient possédé tous ensemble les écrivains religieux depuis l'origine du christianisme. « Il ne nous paraît pas, disent-ils, qu'il soit encore venu à l'esprit d'aucun écrivain de rechercher, jusque dans ses dernières ramifications, l'influence exercée par le souverain pontife sur la formation et le maintien de l'ordre social, comme aussi de mettre dans tout son jour l'importance de ce même pouvoir pour rétablir la civilisation sur ses véritables bases, aujourd'hui qu'un génie malfaisant les a brisées et déplacées. Personne encore, à ce qu'il nous semble, n'avait considéré le pape comme représentant à lui seul le christianisme tout entier. »

C'est bien déclarer que M. J. de Maistre a eu plus de pénétration que tous les écrivains, soit gallicans, soit ultramontains, qui discutèrent les droits et les prérogatives de la papauté. Cependant l'Église a possédé assez d'historiens érudits, de théologiens habiles, de philosophes profonds, pour connaître la papauté dans son essence comme sous ses divers rapports. Si aucun d'eux n'a découvert les horizons. signalés par M. de Maistre, et n'a fait du pape la religion risible, comme disent encore ses éditeurs, doit-on en conclure que M. de Maistre a été plus clairvoyant, ou bien qu'il a pris des chimères pour des réalités? Au lieu d'en faire un écrivain providentiel prédestiné pour faire de nouvelles découvertes dans le domaine de la théologie, ne pourrait-on pas le signaler comme un novateur dangereux, un illuminé, qui prit ses illusions comme autant de révélations d'en haut?

Il faut avouer que c'est une opinion singulière qui forme la base de tout le système théologique de M. J. de Maistre. Identifier un homme avec une société dont le caractère essentiel est l'universalité; faire de cet homme la religion elle-même personne n'y avait encore songé. Les éditeurs ont raison de faire cet aveu; la cour de Rome ellemême, habituée à de si étranges exagérations à l'égard du pape, fut étonnée de cette opinion. C'est M. de Maistre qui

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