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CATHOLIQUE

REVUE

DES SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES ET DES FAITS RELIGIEUX.

Omnia instaurare in Christo., Eph., 1, 10.

LITURGIE.

Un ecclésiastique de Paris nous a adressé des observations touchant le mandement de Mgr l'archevêque sur la liturgie romaine. L'auteur, on le comprend, n'a pu en prendre la responsabilité vis-à-vis du public, pour les raisons qui sont si bien exposées dans son article. La rédaction de l'Observateur Catholique n'a pas à garder les mêmes ménagements. Elle est bien dans son droit et elle accomplit un devoir rigoureux en combattant les fausses doctrines qu'elles soient dans un mandement, ou dans un livre, ou dans un article de journal. Du reste on fait aujourd'hui des mandements de plusieurs évêques des articles de journaux, puisque les journaux ultramontains les insèrent dans leurs colonnes. Ce n'est point à titre d'actes administratifs que nous les attaquons; nous ne nous mêlons point du gouvernement des diocèses ;* mais lorsque nous lisons, dans l'Univers ou dans les journaux de M. Migne, des travaux théologiques intitulés Mandements ou Instructions pastorales, nous avons le droit d'en discuter

la doctrine et de la réfuter si elle ne nous paraît pas orthodoxe. C'est ainsi qu'aujourd'hui nous attaquons le mandement de Mgr Sibour sur la liturgie romaine, par les observations de notre correspondant, auxquelles nous en avons ajouté quelques-unes.

Pour le comité de rédaction de l'Observaleur Catholique,

GUÉLON.

OBSERVATIONS

TOUCHANT LE MANDEMENT DE monseigneur L'ARCHEVÊQUE DE PARIS

sur le retour à la liturgie romaine.

Ce titre du mandement de Mgr l'archevêque de Paris n'a pas été à l'abri de la critique. Nous avons déjà entendu plusieurs personnes demander si l'Eglise de Paris avait eu autrefois la liturgie romaine. Il faudrait en effet qu'il en fût ainsi pour qu'elle pût y retourner. Nous prouverons, dans la suite de nos observations, que jamais l'Eglise de Paris ne suivit la liturgie romaine. D'où il faudra conclure que le titre même du mandement de notre archevêque s'appuie sur une erreur de fait très considérable.

Nous en trouverons d'autres dans le mandement lui-même. Nous avons noté les principales en le lisant, et nous offrons à nos lecteurs les remarques que nous avons faites. Il nous eût été plus agréable de louer l'œuvre de Mgr l'archevêque; mais nous ne savons pas dissimuler la vérité, et, d'un autre côté, le fait du changement de liturgie, dans l'Eglise de Paris, est trop important pour que nous puissions garder le silence.

« Le moment nous semble venu, dit Mgr l'archevêque, de rétablir dans ce grand diocèse la liturgie romaine.» (P. 3.) Pour la rétablir, il faudrait qu'elle y eût été déjà établie autrefois, comme nous l'avons déjà remarqué; monseigneur le suppose; mais sur ce point, Sa Grandeur se trompe. Jamais la liturgie romaine n'a été admise dans le diocèse de Paris. Au commencement du XVIIe siècle, un des Gondy, qui vou

lait être cardinal et plaire à la cour de Rome, songea à l'établir, au lieu de réformer celle de son diocèse, selon l'esprit du concile de Trente. Mais il rencontra, dans son clergé, une si vive opposition qu'il fut obligé de renoncer à son projet.

Le temps est venu, selon monseigneur, de resserrer par la liturgie romaine les liens de l'unité. (P. 3.)

Ces mots sont une concession à l'idée malheureuse émise par nos ultramontains modernes, qui font consister l'unité dans des choses qui n'y touchent en rien. Jamais, dans l'Eglise de J.-C., on n'a considéré comme un bien l'abandon des coutumes et des traditions locales. L'Eglise, destinée à visiter le monde entier et à l'éclairer de la lumière divine, convient à tous les peuples, si différents de mœurs et de langages, précisément à cause de cette diversité légitime des liturgies et de la discipline, qui rend possible d'adoption du christianisme par des nations qui en seraient à tout jamais éloignées, s'il n'y avait pas un moyen de leur faciliter la pratique de ses préceptes, et si la foi n'avait pas, par la prière ou la liturgie, une expression en rapport avec la nature de leur caractère. Attaquer la diversité liturgique et disciplinaire comme moins conforme à l'unité, c'est dire qu'elle est plus près du schisme; c'est attaquer indirectement l'unité véritable de l'Eglise ; c'est donner à penser que le christianisme, selon le système de Montesquieu, est impossible pour certains peuples, ou, ce qui revient au même, que l'Eglise ne peut obtenir la catholicité, qui cependant est une de ses qualités essentielles et fondamentales.

Si Mgr Sibour avait été fortement convaincu des notions vraiment catholiques sur l'unité, il n'eût pas fait autant de poésie (p. 8) à propos de l'unité liturgique, qui est et qui sera toujours une chimère. Nous regrettons que l'élan sentimental de Mgr l'archevêque lui ait fait regarder comme légitimes certaines licences poétiques à propos de cette unité. Si l'on prenait ses expressions dans toute leur rigueur, il faudrait croire que, sans l'unité liturgique, les chrétiens n'adressent pas à Dieu les mêmes prières, ne s'agenouillent pas aux mêmes autels, que les sentiments ne sont pas en parfaite harmonie.

Tout ceci, dit en prose, voudrait dire que, sans l'unité liturgique, on ne peut pas être catholique. Ce n'est donc que par respect pour l'extase poétique de Mgr l'archevêque que nous ne lui reprochons pas les hérésies commises par M. Guéranger, qu'il a si justement critiqué ailleurs.

Si donc Mgr Sibour croit, comme il le dit (p. 4), qu'en proclamant la diversité moins bonne que l'unité, il prouve mieux son amour pour la sainte hiérarchie, son dévouement à l'Eglise et à son auguste chef, il se trompe d'une manière étrange. Nous regrettons bien vivement que monseigneur se soit servi du mot hiérarchie dans la phrase citée ci-dessus, en faisant allusion à la primauté du pape. L'évêque de Rome est le premier des évêques, nous ne le contestons pas; mais il n'est qu'évêque, et l'épiscopat est un. Le pape ne forme donc point un degré à part dans la hiérarchie catholique : l'expression de Mgr Sibour est très fausse, théologiquement parlant. Elle pourrait donner lieu à des méprises fort graves, et faire croire que le premier principe ultramontain est un point de foi. Dans toutes les théologies catholiques, comme dans tous les écrits des Pères, comme dans la sainte Ecriture, l'évêque est le premier dans la hiérarchie catholique, et le pape, malgré sa primauté, n'a jamais été regardé comme formant un degré hiérarchique en dehors de l'épiscopat.

Le préliminaire de Mgr Sibour, composé seulement de quelques lignes, contient, comme on voit, beaucoup d'erreurs, et de très graves.

Abordons maintenant les motifs qu'il appelle puissants, lesquels l'auraient déterminé à adopter en principe le changement de liturgie.

Ces derniers mots sont graves. Ce n'est pas simplement comme mesure de circonstance que Mgr Sibour adopte la liturgie romaine, il adopte le principe de ce changement; or, nous avons fait entrevoir, en quelques mots, les pernicieuses erreurs qui découlent du principe en question, qui est l'unité : unité chimérique, impossible, qui n'a jamais existé, qui n'existera jamais que dans des écrits aussi faibles d'érudition

que de théologie, et dont on n'a tant parlé, dans ces derniers temps, que pour tromper les simples et leur faire illusion sur les vrais motifs qui ont inspiré, dans un grand nombre de diocèses, le changement de liturgie.

Mgr Sibour affirme que les motifs qui le déterminent à admettre le principe du changement de liturgie sont le travail incessant d'unité qui se fait dans le monde, et les vœux du Saint-Siége à cet égard. (P. 4.)

« Le Saint-Siége, dit Mgr Sibour, fidèle à ses traditions, renouvelait dans ce siècle, au milieu de circonstances favorables, les efforts qu'il avait faits dans d'autres siècles, non sans succès, pour effacer les variétés de forme entre l'Eglisemère et les Eglises particulières. »

Monseigneur se trompe en affirmant que le Saint-Siége a eu de telles traditions. Il en a toujours eu de contraires. Nous en donnerons pour preuve la lettre du pape saint Grégoire le Grand à saint Augustin, apôtre d'Angleterre, dans laquelle il lui conseille de former sa liturgie de ce qu'il aura remarqué de mieux dans les coutumes des diverses Eglises. Le SaintSiége a toujours suivi ce conseil du pape le plus savant en liturgie. Il a adopté, pour la liturgie romaine, ce que les Eglises de France ont produit de plus approprié au goût des fidèles de Rome; il n'a jamais, jusqu'en ces dernières années, trouvé mauvais qu'un évêque donnât à son Eglise la liturgie qui lui convenait le mieux.

Au sortir du moyen âge, lorsqu'on se fut aperçu de toutes les erreurs qui s'étaient glissées, à cette époque, dans les livres liturgiques, le Saint-Siége réforma la liturgie romaine, et, pour que cette réforme fût utile, rendit cette liturgie réformée obligatoire pour toutes les Eglises qui suivaient l'ancienne liturgie de l'Église de Rome. Le concile de Trente favorisa cette réforme. Les autres Eglises, qui avaient d'anciennes liturgies particulières, les réformèrent peu à peu. Le Saint-Siége fut témoin de ce travail, et, au lieu de l'entraver, donna, par l'organe de plusieurs papes, des éloges à des travaux composés pour les liturgies réformées, par exemple.

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