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s'en suit-il qu'ils aient douté de sa divinité? Ah! le respect avec lequel les Chrétiens disposés au martyre recevaient les symboles sacrés, les enveloppaient dans un linge, les renfermaient, dans la crainte qu'ils ne fussent profanés, les prenaient en viatique, n'est-ce pas un signe assez évident de leur foi dans la présence réelle? Il n'est pas toujours possible d'entourer le corps de Jésus-Christ des honneurs qu'on voudrait lui rendre; il s'est condamné luimême à cet état humiliant, par l'excès de son amour pour vous; mais faut-il conclure de là que les vrais fidèles ne le reconnaissent pas et ne l'honorent pas au fond de leur âme?

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Mon divin Maître, permettez-moi de « rendre ici gloire à Dieu ';» et si, comme l'Apôtre, je « deviens insensé » en parlant de moi-même, c'est la nécessité qui m'y force, et le besoin de défendre votre cause.

Voilà vingt ans que je me trouve réduit par les circonstances à vous porter en viatique aux malades, dans un appareil tellement obscur, tellement pauvre, qu'il y aurait à en rougir, si on ne se rappelait que le Dieu du Thabor et des Cieux est en même temps le Dieu de la Crèche. Oui, depuis plus de vingt ans, il m'a fallu

1 Joan. c. 9, ŷ 24 = 2 II Cor. C. 12, Ỳ 11.

ajouter un voile nouveau aux voiles déjà si épais pourtant qui vous couvrent dans l'Eucharistie. Revêtu d'un simple surplis, il m'a fallu me couvrir encore d'un manteau pour traverser avec vous les rues d'une ville où vous êtes connu et aimé sans doute, mais où les circonstances ne permettaient pas de vous porter encore à découvert. Quel appareil, mon Dieu ! Un prêtre si pauvrement vêtu, un simple assistant qui ne porte aucun signe extérieur propre à révéler votre présence! Et pourtant vous êtes là; je le crois, je le sens, je le sais. Je me permettrai même de vous dire que je le sens d'autant plus vivement que votre gloire s'y trouve voilée davantage; et je dirai ici, avec saint Bernard, que plus vous vous abaissez pour moi, plus vous m'êtes cher 1.

Eh bien les premiers chrétiens, dans les siècles de persécution, étaient encore plus gênés dans leur liberté que nous ne pouvons l'être aujourd'hui ; il leur fallait s'envelopper de plus de précautions, et ajouter encore plus que nous aux anéantissements eucharistiques du Sauveur; les saints Pères, par conséquent, devaient parler fort peu dans leurs écrits des honneurs rendus à ce Dieu ainsi caché; et l'on en vou

1 St Bernard.

drait conclure qu'ils ne croyaient pas à sa présence dans ce mystère ? Mais avant que de donner un démenti à leur foi, par suite de l'impossibilité où ils se trouvaient de la manifester assez, il faudrait en donner un à la nôtre, et je porte à qui que ce puisse être le solennel défi d'y jamais réussir.

Il était aussi d'usage de porter la sainte Hostie avec soi dans les voyages: voudrait-on en conclure que les fidèles d'alors ne croyaient pas à la présence du Sauveur dans cette hostie? Mais au contraire, c'est une preuve qu'ils recherchaient cette présence comme étant une source de bénédictions. Ses parents, ses apôtres ne voyageaient-ils pas avec lui pendant sa vie mortelle, sans compromettre en rien l'excellence de son adorable grandeur? ne se joignit-il pas aux disciples d'Emmaüs sous la forme d'un voyageur, même après sa résurrection? Quoi donc d'étonnant qu'il devienne encore voyageur avec nous dans ce mystère, et qu'on cherche à se mieux ménager sa protection en portant ainsi avec soi Celui qui a daigné se faire notre compagnon dans le pèlerinage de cette vie?

Mais il y avait là matière à des abus.

Sans doute, et de quoi n'abuse-t-on pas? 1 Se nascens dedit socium. Hymn. Eccl.

Aussi avez-vous cru, sainte Eglise, devoir retrancher cet usage dans des temps où la foi n'était plus peut-être aussi vive, aussi simple, aussi respectueuse; mais pour en conserver un précieux vestige, vous avez voulu que le souverain pontife, par un privilége unique et infiniment' précieux, pût porter avec lui l'Eucharistie dans ses voyages. Oh! que ce doit être. pour lui ́une douce consolation, surtout dans certains voyages pleins d'amertume, comme il arrive aux vicaires de Jésus-Christ d'avoir à en faire. dans les moments de trouble et de persécution! Qu'on me permette d'évoquer ici un délicieux souvenir. Dans les premiers jours de son pontificat, Pie IX, actuellement régnant, reçut en hommage, de la vieille cité de Valence, une petite custode dont s'était servi son glorieux prédécesseur, Pie VI, pour porter avec lui et sur lui la sainte Eucharistie, lorsqu'il accomplissait à la lettre l'oracle de l'Evangile et qu'il fuyait de ville en ville sous le vent de la persécution; et cette petite custode dût servir un peu plus tard à son auguste destinataire, lorsqu'il prit lui aussi le chemin de l'exil, dans la compagnie de Celui à qui il était heureux de pouvoir dire, en le pressant sur son cœur : << Lors

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1 Matt. c. 23.

même que je marcherais au milieu des ombres de la mort, je ne craindrai rien, car vous êtes avec moi 1. >>>

Il était encore d'usage d'introduire la sainte Eucharistie dans les édifices que dévorait un incendie, afin de paralyser les terribles effets du sinistre. C'était un témoignage de confiance en elle, et une preuve qu'on croyait à la toutepuissance de cette voix qui peut commander aux flammes aussi bien qu'aux vents et aux tempêtes 2. Mais encore ici l'abus s'est mêlé à l'usage, et tout aussitôt, sainte Eglise, vous êtes sagement intervenue pour régler la conduite de vos enfants. Eh bien! l'élan de leur foi naïve atteste pour moi la présence réelle, et les précautions de votre prudence l'attestent aussi.

On a fait sonner bien haut quelques exemples qui paraîtront fort singuliers aujourd'hui, mais dans lesquels on devra puiser de bien hauts et de bien salutaires enseignements.

Nous remarquons dans l'histoire que pour inspirer plus d'horreur des perverses et funestes doctrines de l'hérésie, on trempait quelquefois dans le sang du Sauveur la plume avec laquelle on souscrivait leur solennelle condamnation. C'était le Sauveur lui-même qui venait pros

1 Ps. 22, 4 = 2 Matt. c. 8, † 26.

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