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ou de l'adversaire le plus distingué de la question débattue? C'est ce que fait Tite-Live. Il a pu même prendre le fonds des idées dans les copies authentiques des harangues réellement prononcées dans le sénat, que leurs auteurs conservaient souvent, moins comme des monumens littéraires, que comme des pièces justificatives de leurs travaux et de leur conduite; seulement il y a mis le coloris de son style. On s'est surtout long-temps récrié contre l'invraisemblance des discours prononcés par les généraux au moment de livrer bataille. Mais les ordres du jour, les proclamations qu'on lit à nos soldats avant l'action, depuis qu'on ne les regarde plus uniquement comme des machines plus ou moins bien dressées, ne justifientles anciens et Tite-Live?

ils

pas

On l'a encore accusé de superstition et de crédulité, parce qu'il rapporte sérieusement une foule de prodiges. Je ne sais s'il en faut conclure qu'il les croyait 1. Le plus souvent il ne les donne que comme des traditions reçues. On dit, on rapporte est la forme qu'il emploie d'ordinaire. Quelquefois même il laissé entendre que lui-même n'y ajoute pas foi. Mais pouvait-il se dispenser de les rapporter? Non sans doute 2: il les trouvait consignés dans les annales des pontifes et dans les décrets du sénat. Qu'on lise le petit traité de Montesquieu sur la politique des Romains dans la religion, on y trouvera la justification de Tite-Live.

Il ne nous reste de son grand ouvrage que trente-cinq livres, encore ne sont-ils pas tous complets. On doute que l'auteur les ait partagés lui-même en décades, c'est-à-dire, de dix en dix, division d'ailleurs assez commode. Les savans ne pensent pas qu'on lui doive attribuer, non plus qu'à Florus, les sommaires placés à la tête de chaque livre. Ils ont l'avantage de nous faire connaitre de quoi il était parlé dans ceux qui nous manquent.

Les premières éditions de Tite-Live, publiées à la fin du quinzième siècle et au commencement du seizième, ne contiennent point tout

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« Romæ autem et circa urbem multa ea hyeme prodigia facta : aut (quod evenire solet motis semel in religionem animis) multa nunciata et temere credita sunt. » Lib. xx1, cap. 62.

2

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Mihi vetustas res scribenti, nescio quo pacto antiquus fit animus, et quædam religio tenet quæ illi prudentissimi viri publice suscipienda censuerint, ea pro indignis habere, quæ in meos annales referam. »>

Lib. XLIII, cap. 13.

ce que nous en connaissons aujourd'hui, mais seulement la première, la troisième et la quatrième décade. Depuis, la bibliothèque de Mayence fournit une partie des livres 11 et xxx, et ce qui manquait au XLo. Simon Gryneus retrouva en 1531 les cinq derniers livres dans un monastère de Suisse, et les fit imprimer par J. Frobein. En 1615, le P. Horrion, jésuite, en parcourant les manuscrits de la bibliothèque de Bamberg, en rencontra un qui contenait plusieurs livres de Tite-Live, dans lesquels se trouvaient la première partie du livre 111 et celle du livre xxx, qui manquaient encore. Il les publia deux ans après à Paderborn. Enfin, en 1773, Bruns trouva, à la bibliothèque du Vatican, dans un de ces manuscrits que Cicéron appelle palimpsestes ou rescripti, un fragment du quatre-vingt-onzième livre, que M. Nieburh a corrigé d'après le même manuscrit en 1820. J'emprunterai au président Debrosses le récit de cette intéressante découverte.

<< M. Bruns, de Hambourg, en feuilletant un manuscrit latin de la Bible, ci-devant provenu de la célèbre bibliothèque Palatine, que la reine Christine avait achetée et apportée à Rome, numéroté 24, et contenant les livres de Tobie, de Job, d'Esther, s'aperçut qu'outre les lignes horizontales, écrites en second lieu sur les feuilles de ce cahier de vélin il y a mille ans (car il juge que la seconde écriture est environ du huitième siècle), il se trouvait en plusieurs endroits d'autres lignes d'une écriture plus ancienne, transversales à celles de la seconde écriture, tellement que dans l'état où le cahier est aujourd'hui, elles s'offrent à la vue dans une position verticale, et que, pour les lire, il faut retourner en bas le côté gauche du cahier. Il vit que l'ancienne écriture de la feuille 128, sur laquelle il était tombé d'abord, contenait le commencement du plaidoyer de Cicéron pour Roscius d'Amérie. Il remarqua différentes écritures en plusieurs endroits; les feuillets 73, 75, 76, 78, contenaient des lambeaux du premier livre de la neuvième décade de Tite-Live, le haut de la page étant inscrit en fort petits caractères LIB. XCI Titi-Livii, ce qui d'ailleurs se trouve conforme aux sommaires que nous avons des livres de cet historien, où l'on voit que le livre xci contenait le récit de la guerre de Sertorius en Espagne. << M. Bruns reconnut alors que le vieux manuscrit qu'il avait en main était composé de feuilles de divers autres manuscrits plus an

ciens, qu'on avait lavées, effacées, rassemblées ensuite au hasard pour en faire un cahier neuf, et que ce manuscrit était du nombre de ceux que les archivistes nomment rescripti, parce qu'on a écrit une seconde fois sur le vélin, après avoir effacé l'ancienne écriture.

« C'est ici la preuve démonstrative d'un fait dont on avait déjà beaucoup d'indices, et de la cause à laquelle nous devons principalement attribuer la perte de tant de précieux ouvrages de l'antiquité. Dans les siècles d'ignorance, le commerce et les manufactures étant presque entièrement tombés partout, soit par la grossièreté des barbares qui avaient envahi l'Europe, soit par la férocité des Arabes qui envahissaient l'Orient, on ne fabriqua plus guère de papier en Égypte, ni de parchemin à Pergame. L'Europe en tirait encore moins. Ces matières devinrent chères et rares, jusqu'au temps où la fabrication du papier de vieux linge fut inventée vers le treizième siècle, et assez multipliée pour que le papier dont nous nous servons aujourd'hui devînt commun. Dans cette intervalle de disette, les moines firent main basse sur les vieux manuscrits de vélin, ils en effacèrent l'ancienne écriture par un lavage et les préparèrent de nouveau à en recevoir une autre, quand ils eurent à transcrire des ouvrages bons ou mauvais, le plus souvent des homélies, des disputes scholastiques et des légendes. C'est à ce malheureux usage que tant d'excellens livres ont été sacrifiés. On jetait au lavage un ou plusieurs gros volumes, ou quelques cahiers arrachés de l'un d'eux, selon le besoin. Ceci explique un fait que l'on avait peine à comprendre, pourquoi nous avons perdu en tout ou en partie les ouvrages volumineux de Varron, de Cicéron, de Denys d'Halicarnasse, de Pline, Diodore, etc., plutôt que les poésies de Lucrèce, d'Horace, de Juvénal, de Perse, de Martial, que les moines, qui ne les entendaient guère, devaient être peu curieux de transcrire et de conserver ? C'est que les déprédateurs n'avaient garde de s'en prendre aux petits livres, et qu'ils s'adressaient à ceux qui pouvaient leur fournir beaucoup d'étoffe.

«

Après avoir lavé les feuilles de vélin (ce qu'ils n'ont pu toujours si bien faire, qu'à la longue l'ancienne écriture ne paraisse en quelques endroits), ils les faisaient sécher, et les rassemblaient au hasard en nouveaux cahiers, soit de même format, soit de moitié moindre, en pliant les feuilles de vélin, comme on a fait ici

pour les feuillets de Tite-Live, réduits de leur ancienne forme, petit in-folio, à la forme actuelle du petit in-8°, sur lequel est écrit le texte de Tobie. Les feuilles 73 et 78 du manuscrit actuel forment le premier des feuillets de l'ancien Tite-Live, les feuilles 75 et 76 forment le second feuillet, les feuilles 74 et 77 ayant été intercalées d'un feuillet étranger, tiré d'un autre ancien manuscrit de Cicéron. »

M. Nieburh a suivi le conseil du président Debrosses, qui désirait que, pour faire reparaître l'ancienne écriture, on employât quelque procédé chimique. Il s'est servi de l'hydrosulfure de potasse, avec la permission du cardinal Gonsalvi, et a trouvé d'excellentes leçons pour ce fragment de Tite-Live et restitué des pages entières de Cicéron.

Ce qu'a dit plus haut le président Debrosses me semble expliquer plus naturellement la mutilation de Tite-Live, que les raisons politiques qu'on a voulu en donner. On a paru disposé à croire que l'esprit ombrageux du despotisme militaire, auquel Rome fut asservie depuis Auguste, avait pu contribuer à rendre plus rares les copies d'un ouvrage qui respirait l'amour de la liberté et de l'ancienne forme du gouvernement. Je ne saurais admettre cette supposition. Si elle était fondée, Lucain qui montre tant d'emportement contre César, qui le peint sous des couleurs si noires, ne nous eût laissé que son nom; son ouvrage ne fût pas venu jusqu'à nous. On s'est flatté long-temps de l'espérance de retrouver un manuscrit de Tite-Live complet. Thomas Erpemius assura le premier que les Arabes possédaient dans leur langue une traduction complète de Tite-Live, que les uns plaçaient à Fez, les autres à la Goulette, quelques-uns même à la bibliothèque de l'Escurial. Ce ne serait pas là un Tite-Live: on retrouverait les faits, et non le style. Pietro Della Valle assure, dans ses voyages, qu'en 1615 la bibliothèque ottomane avait un Tite-Live entier. Il ajoute que le grand-duc avait traité pour l'obtenir, et en avait fait offrir vainement vingt mille piastres; que l'ambassadeur de France, Achille de Harlay, proposa sous main dix mille écus à celui qui avait la garde des livres, que l'offre fut acceptée, mais que le bibliothécaire ne put jamais retrouver l'ouvrage.

Et cependant c'est là seulement qu'on peut, je crois, se flatter de

réussir. La bibliothèque du grand-seigneur est celle qui appartenait aux empereurs grecs. Elle doit renfermer de précieux manuscrits, et sans doute des ouvrages que nous croyons perdus. Le général Sébastiani, pendant son ambassade à la Porte, avait té→ moigné le desir de la visiter; mais elle contient les livres sacrés et serait profanée par la présence d'un infidèle. Sultan Sélim, quoique fort supérieur à sa nation, n'osa cependant heurter ses préjugés religieux; mais jaloux de plaire au représentant de son puissant allié, l'empereur des Français, il magina, pour le satisfaire, un mezzo termine un peu turc: ce fut de lui envoyer un échantillon de la bibliothèque. Entre autres ouvrages, on remarqua un manuscrit de Ptolémée le géographe, plus étendu que ceux que nous possédons. Il y avait aussi plusieurs bibles. Ces détails que je tiens de la bouche du général Foy, alors commandant du corps d'artilleurs que la France envoyait au secours de la Porte, m'ont été confirmés par l'honorable général Sébastiani.

Nous nous étions un moment flatté de l'espoir que les victoires des Russes rendraient au monde savant ces trésors enfouis depuis quatre siècles dans l'obscurité du sérail, et il nous semblait piquant de devoir à la lance des Cosaques ces précieux auteurs que nous avait ravis le sabre des Turcomans. Le ciel ne l'a pas voulu; mais je ne puis m'empêcher de souhaiter que l'empereur Nicolas puisse être assez heureusement inspiré pour demander la bibliothèque du sérail, en déduction de l'indemnité qu'il exige.

Nous allons joindre ici l'indication des principales éditions de Tite-Live. Il nous eût été facile de la grossir outre mesure avec le secours du catalogue de Drakenborch.

La première édition renfermant seulement la première, la troisième et la quatrième décade, avec des lacunes plus ou moins considérables, parut in-folio à Rome en 1469. Elle est dédiée au souverain pontife Paul II. Elle fut publiée par les soins de Jean Antoine, évêque d'Alerie. Elle a servi de modèle à la plupart des éditions du quinzième siècle, et à celles qui furent publiées au commencement du seizième.

1481. Imprimé pour la première fois en France, Paris.

1511. Première édition in-8°, Paris.

1518-33. Édition des Aldes, cinq volumes in-8°. Joint aux

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