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L'écriture étoit dans cet état & n'avoit pas le moindre rapport avec l'écriture actuelle. Les ca racteres dont on s'étoit fervi, représentoient des objets; celle dont nous nous fervons représente des fons: c'eft un art nouveau. Un génie heureux, on prétend que ce fut le Secrétaire d'un des premiers Rois d'Egypte, appellé Thaït ou Thot, fentit que le difcours, quelque varié & quelque étendu qu'il puiffe être pour les idées n'eft pourtant compofé que d'un affez petit nombre de fons & qu'il ne s'agiffoit que de leur affigner à chacun un caractere représentatif. Il abandonna donc l'écriture repréfentative des êtres, qui ne pouvoit s'étendre à l'infini, pour s'en tenir à une combinaison des fons, qui quoique très-bornée, produit cependant le même effet,

Si on y réfléchit, dit M. Duclos, le premier qui ait fait ces obfervations,qui ne font pas moins jutes que délicates, on verra que cet art ayant été une fois conçu, dut être formé presqu'en même tems; & c'eft ce qui releve la gloire de l'Inventeur. En effet, après avoir eu le génie d'appercevoir que les fons d'une langue pouvoient fe décompofer & fe diftinguer, l'énumération dut en être bientôt faite : il étoit bien plus facile de compter tous les fons d'une langue, que de découvrir qu'ils pouvoient fe, compter. L'un eft un coup de génie: l'autre, un fimple effet de l'attention. Peut-être n'y a-t-il jamais eu d'alphabet complet, que celui de l'Inventeur de l'écriture. Il eft bien, vraifemblable que s'il n'y eut pas alors autant de lettres ou caracteres qu'il nous en faudroit aujour d'hui, c'eft que la langue de l'Inventeur n'en

exigeoit pas davantage. L'orthographe n'a été parfaite qu'à la naiffance de l'écriture.

Thot, en faifant fervir les lettres à exprimer des mots & non des chofes, évita l'inconvénient inévitable de l'ancienne écriture,celui d'être imparfaitement & obfcurément entendue. Cependant,malgré tous les avantages des caracteres de l'alphabet, les Egyptiens conferverent longtems après l'ufage des hieroglyphes, & ils fubfiftent encore aujourd'hui fur les colonnes & les ftatues qui nous viennent d'Egypte.

Une écriture qui, en repréfentant les fons de la voix, peut exprimer toutes les pensées & les objets que nous avons coutume de défigner par ces fons, parut fi fimple & fi féconde qu'elle fit une fortune rapide. Elle fe répandit par-tout; elle devint l'écriture courante de toutes les Nations policées, & fit négliger la fymbolique, dont on perdit peu à peu l'ufage dans la fociété, de maniere qu'on en oublia la fignification.

Les lettres grecques font incónteftablement les premieres qui aient été portées en Europe, Cadmus qui, felon le Préfident Bouhier, quoique Egyptien d'origine, étoit né en Phénicie, porta dans la Grece la connoiffance des lettres ou des caracteres alphabétiques. La comparaifon de l'alphabet Phénicien & de l'alphabet Grec fuffit feule pour s'en convaincre.

Les matieres fubjectives de l'écriture, ou fur lefquelles on a écrit, ont fuivi la marche, les progrès & la gradation de l'efprit humain. Le bois, comme matiere qui n'avoit pas besoin d'une grande préparation, fervit le premier à l'écriture. Les rouleaux, ou d'écorce, ou de

feuilles d'arbres, le fuivirent de fort près, & les pierres, les briques & les métaux furent bientôt mis en œuvre, pour conferver des monúmens à la postérité la plus reculée, Teiles furent les Tables de la Loi; les hieroglyphes des Egyptiens fur les pyramides & obelifques; los douze pierres précieuses chez les Juifs; les loix de Solon écrites fur des tables de bois; les loix des douze Tables chez les Romains, gravées fur l'airain; les loix pénales, civiles & cérémoniales des Grecs, infcrites fur des tables de pareille matiere qu'ils appelloient Cyrbes.

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Au IV. fecle, on fe fervoit de tables d'airain ou de cuivre, ou de tablettes de bois, enduites de cérufe, ou de napes de linge: ces dernieres fur-tout étoient d'un grand fage; on les appelloit lintei, fuivant Fline, & carbafini, felon Claudien. Les tables de plomb ont auffi fervi de matiere à l'écriture; l'ivoire, le buis, le citron & même l'ardoise furent mis également à contribution

Avant que les Romains euffent introduit l'ufage de graver leurs loix fur le bronze, voici comment ils les infcrivoient fur des tablettes de chêne. Ou les tablettes étoient toutes nues, ou elles étoient enduites: dans le premier cas, elles s'appelloient fcheda, chez les Romains, & axones, chez les Grecs. De ces tables de bois, on faifoit des livres, codices, qui étant gravés fans enduit, étoient par conféquent ineffaçables. Dans le fecond cas, taillées plus en petit, elles étoient recouvertes ou de cire, ou de craie, ou de plâtre : la premiere efpece s'appelloit ceræ, & en général, elles fe nommoient tabula. La cire étoit aflez communé

ment verte ou noire: au moins celles des tablettes qui nous reftent paroît-elle noire, ou d'un vert fi obfcur, qu'il eft difficile de la diftinguer du noir. Il est probable qu'il y entroit de la poix ou autre matiere femblable pour lui donner la confiftence qu'on y remarque. On en conferve aux Abbayes de Saint-Germain-des-Prés & de Saint-Victor. Ces tablettes n'étoient quelquefois enduites que d'un côté, quelquefois des deux. Au moyen des bandes de parchemin collées de diftance en distance, fur le dos de ces ais & rapprochées les unes des autres, on en formoit des livres reliés affez proprement,

l'on appelloit codicelli. Lorfque les pages étoient remplies & que l'écriture qui y étoit tracée, n'intéresfoit plus, on l'effaçoit, en rendant uni l'enduit de cire, & alors on s'en fervoit de nouveau au même ufage; c'est ce qui fait que l'on y déchiffre encore quelquefois des traits d'une écriture antérieure à celle qu'on y lit, & qu'on n'en trouve guere de plus ancienne que le XIV. fiecle. L'ufage des tablettes a duré jufqu'à ce que le papier ait prévalu, c'est-à-dire, jufqu'au commencement du XIV. fiecle. Elles fervoient affez communément à des Journaux d'itinéraires.

En général, l'ufage de graver les lettres femble avoir précédé toutes les autres écritures. Dans la fuite, les peuples ayant reçu fucceffivement la théorie de l'écriture, varierent confidérablement dans la forme de l'exécution, & fur-tout dans la difpofition des lignes. Le P. Hugues, de primâ fcribendi origine, c. 8. a fait représenter vingt-quatre manieres différentes d'écrire; mais toutes celles qui ont été en ufage peuvent fe réduire à trois efpeces; favoir, l'écriture perpendiculaire, l'orbiculaire & l'horisontale.

ÉCRIVAIN, Artifte qui, avec la plume & l'encre, peut tracer fur le papier toutes fortes de traits & de caracteres.

La découverte de l'Imprimerie a fait tomber l'écriture dans le XVI. fiecle. Cet art qui faifoit fubfifter plus de dix mille Ecrivains dans les feules villes de Paris & d'Orléans, fut infenfiblement négligé. Les manufcrits de ce temsla font à peine lifibles, tandis que ceux des fiecles précédens, font tracés avec une précifion & une délicateffe qui égale ou furpaffe même la beauté de nos éditions les plus recherchées.

Ces Ecrivains jouiffoient en partie des immunités de l'Univerfité; ils étoient en même tems Peintres & Enlumineurs. On admire encore dans les miniatures qui ornent nos vieux manufcrits, la légèreté du pinceau, la frafcheur & la richeffe des couleurs variées avec des couches d'un or bruni, qui, pendant une longue fuite de fiecles, ne paroît pas avoir reçu la moindre altération. Le fecret d'appliquer l'or d'une maniere fi durable, eft enfeveli avec ces anciens Ecrivains. On a envain effayé de le renouveller; les ouvrages modernes n'ont ni le même éclat, ni la même folidité.

Les Ecrivains étoient d'autant plus eftimés en France, qu'encore bien avant fous la troifieme race, les Nobles fe piquoient de ne favoir pas écrire. Il exifte encore une infinité d'actes authentiques & bien poftérieurs au fiecle de Charlemagne, dans lefquels on trouve ces mots, qui femblent avoir été une formule ufitée pour les Nobles: ledit Seigneur a déclaré ne favoir pas écrire, attendu fa qualité de Gentilhomme. Il y a à Paris une Communauté de Maîtres

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