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en toute sécurité sur ses institutions nationales. Elle jouit de certains avantages que beaucoup de royaumes plus anciens n'ont pas elle possède une constitution libérale et une presse libre qui la récompensent largement de ses sacrifices passés. Mais son commerce s'étiole; là seulement est son côté faible; nous ne voulons pas dire sans doute qu'il soit allé décroissant depuis trente années; mais il ne s'est pas développé proportionnellement aux progrès qu'a faits la Belgique à d'autres égards. La faute en est naturellement à la panique qui a survécu à toutes les causes de panique, à l'épuisement du système commercial (résultat de l'émigration de la marine et de l'industrie) qui a suivi la révolution, et aux embarras du gouvernement. Mais à ces causes s'en est jointe une autre le caractère même des commerçants. Les commerçants et les manufacturiers belges sont proverbialement timides, indécis, indolents, également incapables de lutter contre l'adversité et de profiter des bonnes occasions. Quand ils se lancent dans une spéculation, ils sont toujours prêts à l'abandonner, si elle ne présente pas des avantages immédiats. Une grande affaire, un placement de fonds. dans une contrée lointaine, une entreprise qui demande de l'audace et présente des risques à courir, tout cela dépasse complétement la portée de leurs calculs. Ils n'entreprennent rien qu'avec crainte, ils abandonnent leurs entreprises au premier symptôme d'insuccès. C'est en vain qu'on chercherait parmi les classes commerçantes de la Belgique le courage, les vues larges et l'esprit d'entreprise auxquels les princes marchands et les chefs maritimes des anciennes républiques devaient l'empire des mers et leur grande opulence. La torpeur du Belge le suit partout. C'est un phénomène rare qu'un négociant belge établi à l'étranger. Si l'on parcourt l'échelle sociale de l'industrie, du pauvre joueur d'orgue au riche banquier, il n'est guère de coin du monde habitable où l'on ne trouve des Suisses, des Italiens, des Français, des Allemands et des Anglais; mais un Belge de n'importe quelle profession, entreprenant quelque chose à l'étranger, c'est le rara avis par excellence. Les consuls mêmes, qui pourraient seconder activement l'extension du commerce. de leur patrie, ne s'en troublent jamais la cervelle, et cela, tout autant peut-être parce qu'ils ne sont pas assez rétribués pour

s'y intéresser, que parce que ceux qui devraient y prendre un intérêt direct ne s'en inquiètent pas plus qu'eux.

Le tableau n'est pas flatteur, mais nous n'y mettons rien du nôtre; nous copions seulement, et même nous adoucissons les teintes. L'original est l'œuvre d'un artiste du pays; en d'autres termes, nous nous renseignons pour cette étude à une publication belge récente, intitulée : Complément de l'œuvre de 1830, et qui émane d'un écrivain parfaitement informé.

Après avoir montré comment le commerce belge est resté en arrière des progrès politiques, le but de cet écrit est d'indiquer les moyens de le ranimer et de lui donner l'activité dont il est susceptible. L'idée qui fait le fond du volume est d'une nature tout à fait pratique, et l'ensemble est généralement rédigé avec clarté; mais il n'est pas entièrement exempt de ce vice d'hyperbole que nous avons signalé plus haut. Quoi qu'il en soit des pointes de l'auteur dans le domaine de l'imagination, elles ne sont heureusement pas la règle, mais l'exception, et elles n'affectent ni la valeur des arguments, ni l'importance de la proposition principale.

Ce n'est pas la première fois que le sujet est traité. Déjà en 1855 le duc de Brabant avait appelé sur cette question l'attention de la législature, et avait fait ressortir l'urgence d'adopter des mesures efficaces pour développer et faire progresser les intérêts du commerce. Depuis cette époque, le prince n'a cessé de travailler à défendre la même cause. Au mois de février dernier encore, lors de l'examen du budget des affaires étrangères devant le Sénat, il a parlé longuement sur l'avenir commercial du pays. Il a démontré que le commerce spécial, qui représente le mouvement personnel de la Belgique, a triplé depuis 1836, et, en présence de ce fait, il a sagement rappelé à l'assemblée que le progrès, pour se maintenir, réclame des efforts incessants. Il a signalé l'accroissement de l'industrie manufacturière dans certains pays voisins, comme un résultat qui non-seulement enlève des consommateurs aux produits belges, mais crée rapidement des rivaux. « Les plus proches marchés, a-t-il fait observer, finiront probablement par être perdus pour quelques-unes de nos grandes industries. Un changement visible a eu lieu dans notre fabrication des articles de toile et

de coton; aujourd'hui nos machines, nos fers et nos rails s'expédient principalement en Espagne, en Italie et en Russie. Notre cercle d'action s'étend loin, mais il doit s'étendre plus loin encore. L'activité de nos ateliers, le bien-être de nos ouvriers, la richesse de notre commerce en dépendent. Si, par suite de différentes causes, certains marchés, qui sont proches de nous et d'un accès facile, devenaient moins accessibles, d'autres nous sont ouverts, plus éloignés, il est vrai, mais beaucoup plus vastes, et susceptibles en peu d'années, grâce aux chemins de fer, aux paquebots à vapeur et au télégraphe électrique, de devenir d'un accès facile pour ceux qui auront la sage précaution d'y prendre pied. » L'idée suggérée dans ce passage, et élaborée dans tout un discours plein de sens et de logique, est complétement développée dans le livre dont nous nous occupons. Le Complément de l'oeuvre de 1830 est, en effet, l'exposé et l'éclaircissement de la théorie du duc de Brabant; et si nous n'osons pas dire que ce livre ait été inspiré directement par le prince, nous croyons certainement pouvoir dire qu'il reproduit exactement ses vues.

La situation de la Belgique est clairement exposée dans les quelques mots que nous venons de citer. Les pays qui autrefois s'approvisionnaient à ses manufactures, tels que l'Autriche, la Russie, les provinces du Rhin et le nord de la France, fabriquent aujourd'hui par eux-mêmes; non-seulement ces pays ferment leurs marchés à la Belgique, mais, en outre, ils absorbent rapidement les marchés éloignés, sur lesquels le fabricant belge aurait pu autrement espérer réparer ses pertes. Figurons-nous simplement ce mouvement 'poussé à ses dernières conséquences, et nous verrons le commerce de la Belgique anéanti, ou du moins réduit à ses marchés intérieurs, en admettant encore que ceux-ci puissent se maintenir contre une si formidable concurrence. C'est pour parer à la possibilité d'une semblable ruine que le duc de Brabant propose de lier des relations commerciales avec la Chine.

Cette proposition est parfaitement légitime. Tous les pays doués de forces productrices, et à qui s'en est présentée l'occasion, se sont efforcés de chercher des débouchés sûrs à l'exubérance de leur industrie. Nous n'avons pas besoin d'en appeler

à l'histoire pour en trouver des preuves. L'Europe, à l'heure qu'il est, en fournit un grand nombre: c'est l'Angleterre avec ses grands établissements coloniaux; c'est la France et l'Espagne guerroyant en Cochinchine; c'est la Hollande sans cesse élargissant le cercle de son activité et allant maintenant chercher des acheteurs en Australie; c'est la Prusse tentant d'attirer dans ses ports de Stettin et de Dantzick les importations qui lui arrivaient jusqu'à ce jour par la voie de Brême; c'est l'Autriche, dont les moyens de production dépassent de beaucoup les moyens d'exportation, construisant à grands frais des chemins. de fer pour mettre le seul port qu'elle possède en communication avec le reste de l'empire, et organisant des expéditions pour aller à la découverte de nouveaux marchés; c'est la Suède enfin qui, non contente de son vaste commerce de minerais, se fait industrielle à son tour et exporte son fer tout fabriqué. Quoique par des voies et des moyens différents, tous ces peuples tendent à un but commun et sont autant d'exemples de l'application d'un même principe.

L'expédition commerciale au Japon, en Chine et dans le royaume de Siam, projetée au printemps dernier par la Prusse et retardée par la guerre d'Italie, indique la marche que la Belgique doit suivre ; mais le livre que nous avons sous les yeux va un peu plus loin. Des résultats que la Sardaigne a retirés de sa participation à la guerre de Crimée, il déduit la conséquence que la Belgique aurait pu de la même manière hâter la réalisation de ses projets en s'associant à l'Angleterre et à la France contre la Chine. Si la Belgique avait suivi cet avis, elle commettait. une faute grave. Il n'y a pas la moindre analogie entre les deux cas. La Sardaigne subissait sur ses frontières une oppression puissante, dont il lui tardait de secouer le joug; elle avait des torts historiques à réparer, ce qui lui donnait le droit d'offrir sa coopération aux puissances libérales de l'Europe; et, en outre, elle était collatéralement intéressée au dénoùment de la guerre. La Belgique n'avait pas de raisons équivalentes à faire valoir pour s'unir aux alliés dans la guerre qu'ils viennent de faire à la Chine1. Une telle conduite serait aussi difficile à justifier en prin

L'auteur de cet article, on le comprend de reste, écrivait pendant la guerre avec la Chine et avant la paix encore récente.

cipe, qu'elle serait fatale aux fins qu'on a en vue. Si la Belgique veut étendre son commerce, il faut qu'elle demeure attachée au principe de la paix. La guerre est dispendieuse, et la Belgique n'est certainement pas en position de risquer une augmentation de dépenses pour courir après un gain problématique. Ne serait-ce pas une politique plus sage pour elle de ménager ses forces de manière à devancer la Prusse dans les mers du Japon?

Mais la Prusse n'est pas la seule puissance que préoccupe l'idée d'aller chercher des débouchés au Japon et en Chine. Le Danemark est résolu d'envoyer dans ces parages une commission commerciale escortée d'une couple de frégates; et la Suède, la Norwége, l'Italie, et peut-être même la Turquie, se préparent à suivre cet exemple. Toutefois, ce sont les mouvements de la Russie, de ce côté, qui ont le plus d'importance.

Profitant du fer, des machines et même des ingénieurs de la Belgique, la Russie s'occupe activement de construire des voies qui, une fois achevées, mettront en communication directe ses centres de population et ses districts miniers, et finiront ainsi par lui permettre d'approvisionner des produits de ses propres manufactures non-seulement les populations éparses sur son vaste territoire, mais encore les marchés éloignés de la Chine et du Japon. Elle travaille même, à cette heure, à se frayer des voies directes de communication entre la Sibérie et le Céleste-Empire, en étendant ses côtes dans la direction du sud, jusque dans le golfe de Tartarie. Le but réel de ces efforts, ce n'est pas, comme on l'a généralement supposé, d'agrandir ses domaines, mais d'accroître ses relations commerciales avec un Etat qui renferme 300 ou 400 millions d'habitants. Afin de faciliter ce gigantesque trafic, elle a tracé trois grandes routes principales. La première passe par Kiachta et ouvre la Sibérie centrale et la Sibérie occidentale aux produits de la Chine, qui pourront aisément se transporter de là jusqu'en Allemagne et dans le nord de l'Europe, lorsque le règlement des divers tarifs aura rendu le transit praticable; la seconde porte le commerce russe sur les bords de l'Amour, point d'une importance incalculable; et la troisième, qui débouche de la Chine occidentale, traverse la Tartarie indépendante dans la direction de la mer Caspienne, qu'il ne faudrait

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