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REVUE

BRITANNIQUE

ÉCONOMIE POLITIQUE.

LA BELGIQUE ET LA CHINE.

La Belgique n'est qu'un petit royaume, mais dans ce corps de nain bat un cœur de géant. Elle a un renom historique auquel elle n'a jamais failli, malgré ses luttes nombreuses et ses revers fréquents. A une époque déjà bien éloignée, alors que ses limites étaient plus étendues, la Belgique faisait un commerce considérable. La grandeur ou l'exiguïté de chaque chose est relative, et comparativement la Belgique ancienne, avec ses divisions en duchés, en comtés, en marquisats, était un des Etats les plus florissants de l'Europe d'alors. Si nous nous plaisons à reconnaître ce fait, d'un autre côté les écrivains belges modernes ont, ce nous semble, une tendance beaucoup trop marquée à s'en prévaloir.

Par écrivains belges modernes, nous n'entendons pas seulement deux ou trois auteurs flamands, qui ne seront bientôt plus compris de leurs propres concitoyens, mais quelques Belges qui écrivent en français, en assez bon français même, et dont la nationalité un peu fanfaronne aurait révolté les mâles natures

des héros d'autrefois, les Baudouin et les Arteveld, que craignaient les papes, que flattaient les empereurs. Les annales des Pays-Bas fournissent aux Belges assez de sujets d'orgueil national, sans qu'ils aient besoin de revendiquer pour leur pays l'honneur d'avoir été le berceau de tous les arts, ou de nous montrer leurs grands hommes, leurs peintres, leurs orateurs, leurs poëtes, comme l'avant-garde de la civilisation du monde. Cet enthousiasme, qui risque de porter atteinte à la gravité de l'histoire, est, à vrai dire, plus ou moins commun à toutes les races chez lesquelles l'imagination l'emporte sur la raison. Les Irlandais, sous ce rapport, rivalisent avec les poëtes les plus exaltés de l'Orient, témoin l'historien O'Halloran qui, voulant faire remonter à la plus haute antiquité l'origine de sa langue maternelle, en fixe le berceau dans le paradis, où, s'il faut l'en croire, elle était celle des anges. Mais ce genre de gasconnade n'est pas directement dans la nature des Belges. Leur caractère se rapproche plus du type teutonique que du type gaulois. Ils sont plus portés au sérieux qu'à la frivolité. Ils sont un mélange des qualités les plus remarquables du Français et de l'Anglais; c'est un enjouement que modère la prudence, une activité solide qu'éclaire un tempérament vif, une remarquable aptitude pour les affaires, et un profond amour pour les institutions libérales. Les Anglais regardent assez volontiers les Belges comme un rameau de leur famille qui, malgré la différence des mœurs et des relations, leur est étroitement attaché par les liens de la sympathie. D'un autre côté, en Belgique, c'est chose passée en proverbe, que l'ambition du peuple est de faire du pays « une petite Angleterre. » Une nation si heureusement constituée n'a pas besoin d'emprunter à autrui; son costume historique paraîtra d'autant plus noble qu'il sera moins surchargé d'ornements étrangers.

A quoi bon de vaniteuses comparaisons entre les anciennes. Flandres et les riches républiques de Tyr et de Venise? à quoi bon le tableau pompeux de ce qu'était Anvers, il y a trois cents ans, lorsqu'il s'agit d'un appel pratique aux ressources du moment, aux espérances de l'avenir? Moins un exposé de faits positifs est embarrassé de tropes et d'incidents épisodiques, plus il y gagne. Rappeler orgueilleusement les splendeurs du passé

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est absolument inutile pour faire apprécier au lecteur le génie mercantile de la Belgique moderne, ou pour nous convaincre que le peuple belge doit faire tous ses efforts pour donner de l'extension à son commerce. Le souvenir d'une grandeur passée n'est pas, que nous sachions, un titre indispensable à la conquête d'une nouvelle grandeur dans l'avenir. On peut même très-bien se demander si le spectacle d'un Etat qui se crée par ses propres forces une prospérité dont il n'avait jamais joui auparavant, n'est pas plus digne d'intérêt et plus instructif que celui d'un Etat qui cherche à reconquérir une renommée perdue. La Belgique, eu égard à ses rapports particuliers avec le passé et avec le présent, se trouve jusqu'à un certain point dans cette double situation. Jamais elle n'a pu devenir un Etat politique de grande initiative, mais nous ne voyons pas pourquoi elle ne deviendrait pas, par son industrie, sa persévérance et l'émulation qu'elle peut puiser dans ses glorieux souvenirs, une puissance commerciale importante. C'est vers ce but que son ambition se tourne, et les circonstances la favorisent. Toutefois, pour l'atteindre, il faut qu'elle pense et agisse comme un pays neuf, ayant, avec des idées et des vues neuves, la confiance, l'ardeur et la vigueur de la jeunesse.

La Belgique date de 1830, pas une heure plus tôt. En ce qui concerne les affaires du ressort ordinaire des gouvernements, à l'intérieur aussi bien qu'à l'extérieur, elle n'existait pas avant cette époque. Aussi, lorsqu'on touche à sa situation ou à sa politique, il faut avoir soin de ne pas se fourvoyer dans les traditions des gloires flamandes. Celles-ci sont choses qu'il faut laisser dormir sur les vieilles tapisseries des vieux hôtels de ville, sur les charmants petits tableaux à fond d'or, sur les triptyques des autels, sur les merveilleuses sculptures qui marquent une ère extrêmement intéressante dans l'histoire de l'art et des PaysBas, mais qui n'ont pas plus de rapport avec l'histoire de la Belgique proprement dite, que la statue du héros de Southampton avec la flotte de la grande Compagnie des paquebots à vapeur qui font aujourd'hui le service entre ce port et les Indes. Cette date de 1830 doit donc être notre point de départ dans notre examen de la situation matérielle de la Belgique et de son avenir; et, à partir de cette époque, nous devons nous dépouiller

de tout enthousiasme poétique, et discuter nos affaires en hommes d'affaires.

Or, que voyons-nous en 1830 et après ? Que le peuple belge, absorbé par les travaux et les soucis de son affranchissement politique tout récent, ne pouvait trouver le temps de veiller à ses intérêts commerciaux, et en laissait par conséquent le soin au hasard. Il s'agissait bien vraiment d'usines et de manufactures, quand on avait à penser d'abord à l'organisation politique du pays! Le développement du commerce et de l'industrie, qui, en somme, ont surtout besoin, pour prospérer, de temps, d'expérience et de calme, cédait à des intérêts plus pressants, et l'intelligence et l'activité de la nation eurent longtemps pour arène exclusive les luttes de parti. Les personnes même les plus pénétrées de la nécessité de jeter les fondements d'un avenir stable et solide, et qui étaient animées du désir le plus vif de voir la prospérité matérielle marcher de pair avec le progrès politique, se sont vues obligées, faute de temps et de circonstances favorables, d'ajourner la réalisation de leurs projets. Rien de surprenant que le doute et la crainte accompagnent les premiers pas d'un pouvoir nouveau qui vient s'élever sur les ruines d'un autre. Un gouvernement qui n'a pas encore donné de garanties de durée ne saurait triompher de certaines appréhensions. Une colonie qui se fonde offre des encouragements plus directs à l'activité et rencontre moins d'entraves, car il n'y a point là d'intérêts préexistants à concilier, point d'engagements à contracter, point de conspirations à redouter. En Belgique, le gouvernement a eu à traverser des difficultés sans nombre; c'était un vaisseau entouré de récifs et ayant à bord un équipage impatient. Il fallait surtout s'abstenir de ces actes d'autorité qui, cependant, sont la sauvegarde de la discipline; il fallait laisser la constitution porter ses fruits, sans en paralyser le développement par aucun étalage intempestif de forces; il fallait rétablir l'ordre et la confiance à l'aide de mesures qui parussent nées de l'enchaînement naturel des évé

nements.

Le gouvernement y a-t-il réussi? La réponse à cette question appartient aujourd'hui à l'histoire. La Belgique est depuis longtemps sortie de sa crise politique, et maintenant elle se repose

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