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raient ainsi se feraient d'ailleurs sur leurs propres marchés, et les rentrées s'effectueraient d'une année à l'autre.

L'écrivain belge, nous le craignons, se fait illusion sur les ressources nécessaires à l'entretien d'un établissement du genre de celui qu'il propose de créer. En temps de calme, quelques petits bâtiments et un millier de soldats pourraient suffire; mais on ne saurait compter sur la durée de la tranquillité et encore moins sur la permanence de cette terreur salutaire qu'inspirent les soldats européens et les vaisseaux à vapeur. En pareil cas, il faut toujours se tenir prêt à faire face à toute éventualité.

Sans doute, la Belgique trouvera dans son alliance avec de plus puissants pavillons un appui fort imposant pour la réalisation de ses desseins commerciaux. Il ne faut pas, quoi qu'il en soit, attendre qu'on soit volé pour mettre des verrous aux portes.

Jusqu'à quel point les dépenses indispensables à l'accomplissement de ces projets seront-elles approuvées par l'opinion publique en Belgique? C'est là une autre affaire. L'auteur va partout au devant des objections. On ne manquera pas de dire que le commerce belge trouvera une protection sûre et suffisante dans les forces de l'Angleterre et de la France. Mais, à part l'absurdité qu'il y aurait à supposer que la France et l'Angleterre fussent disposées à sacrifier leur sang et leur argent pour assurer aux autres nations des avantages qu'il leur a coûté si cher à conquérir pour elles-mêmes, l'obligation de prendre soin de soi-même incombe naturellement à chacune des puissances qui noue des relations de commerce. « Il est du devoir de chaque gouvernement, dit l'écrivain belge, appréciant parfaitement toute la part de responsabilité de son pays, de protéger et de garantir ses nationaux à l'étranger; et par conséquent, si nous nous présentions sur les marchés de la Chine comme le veut notre intérêt, notre honneur commercial, nous nous devrions à nous-mêmes d'accepter sans hésitation notre part des charges

communes. »

Malgré le peu d'espoir qu'offrent les circonstances de parvenir à commercer paisiblement avec les Chinois, il existe néanmoins dans les mœurs, les habitudes, le caractère de ce

peuple des particularités dont l'auteur belge tire de favorables présages; il signale entre autres ce fait remarquable que les révolutions qui agitent l'intérieur de l'empire n'exercent jamais aucune influence sur les relations commerciales de la nation. Les exportations et les importations vont également leur train, que l'empire jouisse d'une paix profonde ou qu'il soit en proie à la guerre civile. Dans une période de deux cents ans, la Chine n'a pas vu moins de huit insurrections, et pendant tout le temps qu'ont duré ces troubles politiques, le commerce n'a jamais éprouvé la moindre crise. L'insurrection actuelle nous est un nouvel et frappant exemple de la suspension inexplicable du rapport ordinaire de cause à effet le commerce n'ayant pas cessé de s'accroître et de jouir d'une prospérité sans précédent, à mesure que la révolution faisait des progrès. Des crises qui, ailleurs, paralyseraient les marchés, semblent en Chine leur donner une nouvelle vie. En 1856, malgré l'interruption du commerce du thé avec Canton, et malgré la crise financière, le total des affaires, importations et exportations comprises, entre l'Angleterre, l'Inde et la Chine, a dépassé 20 millions de livres sterling, et s'est élevé, l'année suivante, à plus de 22 millions. On doit aussi fonder des espérances sur le tact supérieur et la rare aptitude commerciale dont les Chinois donnent journellement des preuves. Leur amour de la chicane et leur génie d'intrigue les poussent naturellement dans cette voie; et l'on peut dire en quelque sorte que dès le bas âge l'esprit de leurs enfants est façonné au négoce; car on retrouve en général un élément de calcul, de troc ou de hasard ingénieusement introduit dans leurs jouets ou dans leurs jeux.

De toutes les nations européennes, c'est l'Angleterre qui, grâce à sa supériorité maritime, à ses possessions aux Indes et en Australie, et à l'étendue de sa puissance coloniale, fait incomparablement le plus d'affaires commerciales avec la Chine. Un relevé des navires marchands d'Europe et d'Amérique entrés dans les ports de la Chine en 1850 donne un total de 645 bâtiments, dont 374 anglais, chiffre bien inférieur à la moyenne des dix dernières années. Les opérations des Anglais avec la Chine peuvent se diviser en quatre catégories: 1o commerce direct entre l'Angleterre et la Chine; 2o entre l'Inde et la Chine;

3o entre l'Australie et la Chine, et 4o entre la Chine et les EtatsUnis par navires anglais ou maisons anglaises. L'Australie et les Etats-Unis achètent le thé au moyen de traites sur Londres, qui se payent de fait avec l'or de l'Australie et le coton de l'Amérique importés en Angleterre. Nous ne sommes pas en mesure de calculer la valeur exacte des opérations propres à chacune de ces catégories; mais nous pouvons indiquer sommairement le montant des affaires que font respectivement avec la Chine l'Angleterre et l'Inde.

En 1842, le montant des produits manufacturés anglais, exportés directement d'Angleterre en Chine, s'élevait à 969,381 liv. st., et le total des produits chinois importés en Angleterre était de 9,956,200 liv. st. De cette époque jusqu'au 1er janvier 1859, période de onze ans, les exportations anglaises ont plus que doublé : elles s'élevaient, en 1858, à la somme de 2,876,447 liv. st., et les importations chinoises étaient de 7,043,000 liv. st.

En 1842, le montant des exportations de l'Inde en Chine était de 2,883,764 liv. st., et celles de la Chine aux Indes, de 566,805 liv. st. En 1858, les exportations de l'Inde montaient à 9,366,800 liv. st., et celles de la Chine à 9,366,000 liv. st. L'opium seul importé de l'Inde en Chine, dans le cours de la dernière année, s'élevait à la somme de 8,241,032 liv. st. On verra qu'il y a une disproportion énorme entre les importations et les exportations de la Chine, dans les rapports de ce pays avec les Indes; la balance du commerce présente la même tendance dans les transactions directes avec l'Angleterre. L'ensemble général du commerce anglais avec la Chine, les quatre catégories comprises, a été évalué à 80 millions de livres sterling; mais il s'élève probablement à une somme beaucoup plus forte, et il est certainement encore en voie de progression. Quand on réfléchit que ce commerce est limité à un petit nombre de points de la côte, on ne peut être surpris de l'enthousiasme qu'inspire l'espoir de le voir s'étendre à l'intérieur. Aussi notre auteur belge peut bien s'écrier: « Calculez ce que ce mouvement pourrait devenir, si l'empire était ouvert tout entier au commerce de l'Europe! »

Mais il nous faut ne pas oublier que, quelque importantes que

soient les affaires de la Grande-Bretagne avec la Chine, il existe une puissance qui lui dispute rapidement le terrain de ce côté, et menace de la distancer. Cette puissance, avons-nous besoin de le dire, c'est la Russie. Il est impossible de connaître le chiffre exact du commerce de la Russie avec le Céleste-Empire. La Russie ne livre pas volontiers ses statistiques. aux curieux de Belgique et d'Angleterre. Nous sommes donc réduits à calculer le total sur une ou deux données qui ont transpiré à l'étranger. Il paraît qu'en 1770, c'est-à-dire il y a quatre-vingt-dix ans, l'ensemble des marchandises chinoises qui passaient par Kiachta s'élevait à la somme de 28 millions de francs; elle monte aujourd'hui à 90 millions ou 100 millions. Entre le 1er janvier et le 1er octobre 1857, le transit du thé exporté de la Chine dans l'empire russe, par Kiachta, a été de 109,048 caisses: augmentation de 19,458 caisses sur la période correspondante de l'année précédente. Le thé transporté par eau, pendant le même laps de temps, présentait une augmentation de 7,835 caisses. Ces chiffres n'ont rien d'effrayant en eux-mêmes, mais ils acquièrent de l'importance de leur accroissement progressif. L'auteur belge ne cache pas sa conviction que la Russie cherche à gagner en Chine un ascendant qui, si rien n'en arrête la marche, peut devenir préjudiciable au commerce entier de l'Europe dans l'extrême Orient. Sans affecter d'indifférence à propos de la politique envahissante de la Russie, nous ne devons pas exagérer le danger signalé.

La Russie est la seule puissance qui ait empiété sur le territoire de la Chine. Depuis deux siècles elle profite des troubles intérieurs de cet empire pour étendre ses frontières dans la direction de Pékin. Ces empiétements peuvent sembler un premier pas vers l'accomplissement de desseins plus ambitieux. Cependant la conquête de la Chine par la Russie n'est pas chose à craindre. Si pareil projet était praticable, sa réalisation, sans aucun doute, aurait pour les autres nations européennes des résultats fatals; et rien de plus vrai, comme le fait observer l'auteur de l'ouvrage en question, qu'il est de l'intérêt général que l'Europe travaille à faire pour l'Asie, sous le rapport de la répartition des Etats, ce qu'elle a travaillé à faire pour elle-même. L'équilibre asiatique est chose importante, aujourd'hui que tant

d'intérêts commerciaux sont groupés dans cette partie du globe. Mais, malgré toute la supériorité de la position de la Russie sur l'Amour, sa longue ligne de frontières dans l'intérieur des terres, et son invulnérabilité ailleurs que par ses mers du Japon, nous regardons comme un rêve la conquête de la Chine ou d'une partie considérable de la Chine par les Russes. Le pays est trop vaste, et la population trop nombreuse; si jamais il venait à être conquis, les conquérants ne pourraient s'y maintenir. En supposant même que la Russie parvînt à transporter une armée puissante des steppes de la Sibérie dans les plaines fécondes de la Chine centrale, plus cette armée s'avancerait dans l'intérieur, moins elle aurait de chances de recueillir le fruit de ses victoires. Ses espérances de conquête définitive diminueraient à chaque pouce de terrain qu'elle gagnerait.

Quoi qu'il en soit, cette possibilité d'un envahissement militaire ou commercial de la Chine par la Russie impose aux autres peuples la nécessité d'entretenir des relations de commerce avec le Céleste-Empire. Le meilleur moyen de contenir l'influence russe dans de justes bornes, c'est de la combattre par la concurrence sur les marchés. Mais il n'y a pas de temps à perdre. « Premier entré, premier servi, » est une maxime qui s'applique aussi bien aux grandes qu'aux petites affaires de la vie; et, sous ce rapport la Russie tient de sa situation géographique des avantages que de grandes ressources et une activité incessante peuvent seules contre-balancer. Le territoire qu'elle a acquis de la Chine s'étend jusqu'à la mer, et embrasse non-seulement l'embouchure de l'Amour, mais encore toute la contrée au sud de ce point, en descendant jusqu'à la rivière des Poissons. Elle domine ainsi, sur une ligne sinueuse de frontières, allant de l'est à l'ouest, tout le nord de la Chine, ayant Pékin pour ainsi dire à quelques heures de marche. Pour contre-balancer une position si formidable, les autres puissances européennes ne possèdent que trois stations de commerce, toutes isolées et éloignées des établissements russes: Sanghaï, à mi-chemin sur la côte orientale, de tous les établissements européens celui qui est le plus au nord, Hong-Kong et Macao, à l'entrée de la rivière de Canton, sur la côte méridionale. Le projet belge peut donc être accueilli avec d'autant plus de faveur que c'est un poids de

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