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et méprisé (1): ce ne sont autant de bons points pour l'autre monde. Plus il est méprisé des hommes, plus il se croit près de Dieu. Il en résulte que tout ce que fait un individu pour se rabaisser à ses propres yeux et à ceux de ses semblables, est un acte de haute vertu. L'Église nous propose comme des types de sainteté plusieurs princes qui, renonçant au monde où ils auraient pu rendre les plus grands services par leurs talents et leurs vertus, ont été s'ensevelir dans les cloîtres et y ont perdu jusqu'à leur nom.

Sainte Élisabeth, reine de Hongrie, non contente de panser les lépreux, baise leurs plaies et boit l'eau infecte qui a servi aux pansements (2) c'est un modèle d'humilité.

Les vies des Saints sont remplies de traits pareils, et les ordres monastiques ont été institués principalement pour mettre en pratique l'humilité.

Nous ne craignons pas de dire que l'humilité chrétienne est un vice blamable. Accepter le mépris public, c'est le mériter; recevoir avec joie les affronts et les outrages, abdiquer ainsi toute dignité personnelle, c'est s'avilir, c'est étouffer chez soi tout sentiment généreux. Tout homme a reçu des aptitudes auxquelles correspond une mission à remplir. S'il laisse stériles ces précieuses dispositions, si, comme le serviteur paresseux de l'Évangile (3), il enfouit le talent au lieu de le faire fructifier, il est coupable envers Dieu dont il ne remplit pas les vues, envers lui-même, parce qu'il se prive des progrès auxquels il aurait dû atteindre, et envers la société qu'il frustre des services qu'elle était en droit d'attendre de lui. L'ambition, si on la considère comme le désir d'occuper dans la société la place à laquelle on est

(1) « Saint Labre, dit son biographe (Lille, 1860), faisait ses délices de passer aux yeux du vulgaire pour un vagabond, un paresseux, un sol et un idiot. »

(2) Histoire de sainte Élisabeth, par M. de Montalembert, 4e édition, p. 263, 489, 490. Le P. Lacordaire a rapporté en chaire, comme un exemple admirable, ce trait d'humilité (Conférences de Notre-Dame, 28e conf.). M. de Montalembert ajoute que la sainte, toujours par esprit d'humilité, faisait coucher un lépreux dans le lit qu'elle partageait avec son mari (p. 264).

(3) Luc, XIX.

propre, est un sentiment légitime; on ne peut faire de grandes choses sans une grande ambition. Elle n'est un vice que quand la soif immodérée des honneurs et des richesses cherche à se satisfaire par des moyens vils et odieux, per fas et nefas; mais ce sera une qualité louable chez celui qui n'aura pour but que de se signaler par des actions utiles au pays, et qui aspirera à exceller par le mérite et la vertu. Il serait bien fâcheux pour la chose publique, qu'un Miltiade, un Aristide, un Sully, un Colbert, fussent sans ambition. Enlever l'ambition du cœur de l'homme, c'est lui ôter le mobile de son développement, c'est le frapper de stérilité. L'homme ne peut faire de progrès en rien, s'il n'a une noble estime de lui-même, s'il n'a confiance en ses propres forces, s'il n'est animé d'un vif désir d'être récompensé du succès par les suffrages de ses semblables. Lui interdire tout ce qui peut lui attirer les éloges d'autrui et même sa propre estime, c'est briser chez lui toute activité, c'est lui arracher toutes ses plus belles facultés, c'est en faire une machine inerte et misérable.

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Le pardon des injures tient tout à la fois à un sentiment d'humilité qui empêche l'offensé d'être ému par l'injure et la lui fait même accepter avec joie, et à un sentiment de charité qui exclut toute idée d'animosité envers l'offenseur. Si le christianisme se bornait à interdire la vengeance et à prescrire de rendre le bien pour le mal (Mat. v, 44), il n'y aurait qu'à applaudir. Mais malheureusement il a outre-passé le but quand il a donné les préceptes suivants : « Moi, je vous dis de ne point résister au mal qu'on veut vous faire. Mais si quelqu'un vous frappe sur la joue droite, présentez-lui encore l'autre joue. Si quelqu'un veut plaider contre vous pour vous enlever votre tunique, abandonnez-lui encore votre manteau. Et si quelqu'un veut vous contraindre à faire mille pas avec lui, faitesen encore deux mille (MAT., v, 39-41). Si quelqu'un vous enlève votre manteau, ne l'empêchez pas de prendre aussi votre tunique (Luc, vi, 29). »

Ce n'est plus là de la charité, mais une lâcheté coupable. Ne pas résister au mal, c'est l'autoriser, c'est s'en rendre complice. C'est un devoir pour chacun de veiller à la conservation de sa personne

III.

1.

et méprisé (1): ce ne sont autant de bons points pour l'autre monde. Plus il est méprisé des hommes, plus il se croit près de Dieu. Il en résulte que tout ce que fait un individu pour se rabaisser à ses propres yeux et à ceux de ses semblables, est un acte de haute vertu. L'Église nous propose comme des types de sainteté plusieurs princes qui, renonçant au monde où ils auraient pu rendre les plus grands services par leurs talents et leurs vertus, ont été s'ensevelir dans les cloîtres et y ont perdu jusqu'à leur nom.

Sainte Élisabeth, reine de Hongrie, non contente de panser les lépreux, baise leurs plaies et boit l'eau infecte qui a servi aux pansements (2) c'est un modèle d'humilité.

Les vies des Saints sont remplies de traits pareils, et les ordres monastiques ont été institués principalement pour mettre en pratique l'humilité.

Nous ne craignons pas de dire que l'humilité chrétienne est un vice blamable. Accepter le mépris public, c'est le mériter; recevoir avec joie les affronts et les outrages, abdiquer ainsi toute dignité personnelle, c'est s'avilir, c'est étouffer chez soi tout sentiment généreux. Tout homme a reçu des aptitudes auxquelles correspond une mission à remplir. S'il laisse stériles ces précieuses dispositions, si, comme le serviteur paresseux de l'Évangile (3), il enfouit le talent au lieu de le faire fructifier, il est coupable envers Dieu dont il ne remplit pas les vues, envers lui-même, parce qu'il se prive des progrès auxquels il aurait dû atteindre, et envers la société qu'il frustre des services qu'elle était en droit d'attendre de lui. L'ambition, si on la considère comme le désir d'occuper dans la société la place à laquelle on est

(1) «Saint Labre, dit son biographe (Lille, 1860), faisait ses délices de passer aux yeux du vulgaire pour un vagabond, un paresseux, un sot et un idiot. »>

(2) Histoire de sainte Élisabeth, par M. de Montalembert, 4e édition, p. 263, 489, 490. Le P. Lacordaire a rapporté en chaire, comme un exemple admirable, ce trait d'humilité (Conférences de Notre-Dame, 28e conf.). M. de Montalembert ajoute que la sainte, toujours par esprit d'humilité, faisait coucher un lépreux dans le lit qu'elle partageait avec son mari (p. 264).

(3) Luc, xix.

propre, est un sentiment légitime; on ne peut faire de grandes choses sans une grande ambition. Elle n'est un vice que quand la soif immodérée des honneurs et des richesses cherche à se satisfaire par des moyens vils et odieux, per fas et nefas; mais ce sera une qualité louable chez celui qui n'aura pour but que de se signaler par des actions utiles au pays, et qui aspirera à exceller par le mérite et la vertu. Il serait bien fâcheux pour la chose publique, qu'un Miltiade, un Aristide, un Sully, un Colbert, fussent sans ambition. Enlever l'ambition du cœur de l'homme, c'est lui ôter le mobile de son développement, c'est le frapper de stérilité. L'homme ne peut faire de progrès en rien, s'il n'a une noble estime de lui-même, s'il n'a confiance en ses propres forces, s'il n'est animé d'un vif désir d'être récompensé du succès par les suffrages de ses semblables. Lui interdire tout ce qui peut lui attirer les éloges d'autrui et même sa propre estime, c'est briser chez lui toute activité, c'est lui arracher toutes ses plus belles facultés, c'est en faire une machine inerte et misérable.

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Le pardon des injures tient tout à la fois à un sentiment d'humilité qui empêche l'offensé d'être ému par l'injure et la lui fait même accepter avec joie, et à un sentiment de charité qui exclut toute idée d'animosité envers l'offenseur. Si le christianisme se bornait à interdire la vengeance et à prescrire de rendre le bien pour le mal (MAT. v, 44), il n'y aurait qu'à applaudir. Mais malheureusement il a outre-passé le but quand il a donné les préceptes suivants : « Moi, je vous dis de ne point résister au mal qu'on veut vous faire. Mais si quelqu'un vous frappe sur la joue droite, présentez-lui encore l'autre joue. Si quelqu'un veut plaider contre vous pour vous enlever votre tunique, abandonnez-lui encore votre manteau. Et si quelqu'un veut vous contraindre à faire mille pas avec lui, faitesen encore deux mille (MAT., v, 39-41). Si quelqu'un vous enlève votre manteau, ne l'empêchez pas de prendre aussi votre tunique (Luc, vi, 29). »

Ce n'est plus là de la charité, mais une lâcheté coupable. Ne pas résister au mal, c'est l'autoriser, c'est s'en rendre complice. C'est un devoir pour chacun de veiller à la conservation de sa personne

III.

1.

et de la défendre contre les ennemis de tout genre. On ne peut y manquer sans commettre un vrai suicide. En se soumettant à toutes les violences, aux attaques injustes, aux prétentions mal fondées, on établit le règne de la force brutale, on assure la victoire au crime (1). Qu'un grand nombre d'hommes suivent les maximes de Jésus, et le premier brigand venu n'aura qu'à se montrer pour se rendre leur maître et faire peser sur eux la tyrannie la plus oppressive.

Avec un tel système de laisser tout faire, personne ne pourra jouir d'aucune sécurité; chacun sera exposé à se voir dépouiller de toute sa fortune, puisqu'il faudra toujours céder et même accorder au ravisseur plus qu'il ne demande. L'homme laborieux sera donc continuellement à la veille de voir disparaître le fruit de son travail; et loin de pouvoir résister à une spoliation qui va le plonger avec sa famille dans la plus profonde misère, il faudra encore qu'il vienne humblement aider lui-même à sa propre ruine. Et comme il ne doit rien faire pour arrêter les entreprises criminelles de son agresseur, il lui est aussi bien interdit de recourir aux tribunaux, que de se faire justice lui-même. Ce qu'on exige de lui, c'est une résignation absolue; s'il se plaignait au magistrat, il enfreindrait la défense qui lui est faite, de résister au mal d'une manière quelconque. Saint Paul défend aux fidèles d'avoir des procès et leur donne un moyen infaillible pour les éviter, c'est de souffrir toute espèce d'injustice et de fraude (2). C'est aussi ce qu'enseignent la plupart des Pères ; Athénagore dit aux païens : « Non-seulement nous ne nous défendons pas contre ceux qui nous frappent, et nous n'intentons pas de

(1) Les Pères ne s'effrayent pas de cette conséquence. « L'homme juste et sage, dit Lactance, ne faisant de tort à personne, ne désirant rien du bien d'autrui, ne défendant pas même le sien lorsqu'on le lui enlève avec violence, doit nécessairement tomber sous la puissance des méchants et des impies, et souffrir les persécutions qu'ils lui voudront faire, afin que, d'un côté, ils comblent la mesure de leurs crimes, et que, de l'autre, il triomphe de leurs crimes par la vertu (Instit. div., liv. V, ch. xxIII). »

(2) « C'est déjà un péché parmi vous de ce que vous avez des procès les uns contre les autres pourquoi ne souffrez-vous pas qu'on vous fasse tort? Pourquoi ne souffrez-vous pas qu'on vous trompe (I Cor., v, 7)? »

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