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de Palestine, en mouvement depuis cinq ans, n'aient été entraînées que par un amour naturel de la révolte et par un besoin instinctif de faire la guerre; il ne faut pas croire qu'il y ait ici des opinions, des passions politiques, des inquiétudes morales qu'il soit utile de contenir. Quand on prend les armes dans ces contrées, quand on délaisse sa charrue, son chameau ou sa tente, c'est qu'on est menacé, c'est qu'on est arraché à son repos, blessé dans son droit, écrasé dans sa propre justice. Les fréquentes insurrections de tous les points de la Syrie et de la Palestine sont la plus solennelle protestation contre les nouveaux dominateurs venus des Pyramides et du Caire. Et ces bons et généreux maronites, ces loyaux montagnards, cette grande et admirable famille catholique, qui ne demande qu'un peu de paix et de sécurité, croit-on qu'un horrible désespoir ne les ait point poussés à résister contre un ennemi si longtemps victorieux, et si terrible dans ses vengeances? Le despotisme leur enlève les moissons qui jaunissent sur leurs montagnes, la feuille du mûrier planté dans leurs vallons, l'olive, la figue et la noix, qui furent toujours feur richesse; le despotisme les saisit, les dépouille, les met à nu comme ces rochers du Liban, sur lesquels ne croit plus ni fleur ni verdure, il les dévore comme l'aigle de leur montagne dévore la moelle du cèdre. Vous savez combien leurs mœurs sont douces, leurs sentiments élevés, leurs instincts nobles; combien le christianisme est calme et beau dans cette nation, qui nous retrace une lointaine image des meilleurs temps de l'univers !

Une chose qu'on ignore ou qu'on sait peu en Europe, c'est la haine profonde que nourrissent contre Ibrahim

tous les peuples de la Syrie, de la Galilée, de la Samarie et de la Judée. Le gouvernement a cru qu'on pouvait conduire la Syrie et la Palestine comme l'Égypte, et que d'indomptables montagnards courberaient patiemment la tête comme les pauvres fellahs de la vallée du Nil; il y avait dans cette erreur la cause d'une ruine inévitable : on disait dernièrement au sultan Mahmoud que, s'il voulait soulever toute la Syrie contre Méhémet-Ali, il n'aurait qu'à lancer un firman dans toutes les villes de ce pays en promettant au peuple de venir à son secours. << Pour perdre mon indigne vassal d'Égypte, répondit le Grand Seigneur, je ne veux rien faire en Syrie; en voulant occuper de force cette belle et riche contrée de mon empire, Méhémet-Ali (que Dieu maudisse!) travaille lui-même à sa propre chute. » Il y a bien quelque chose de fondé dans ces paroles; mais l'empereur de Stamboul aurait chassé facilement son vassal rebelle de la Syrie, s'il avait envoyé en 1834 une armée au secours des peuples de la Palestine et de la Syrie qui lui tendaient les bras.

Les maronites et les druses du Liban et de l'AntiLiban sont maintenant tranquilles dans leurs montagnes, parce que, je le répète encore, le gouvernement leur a enlevé toutes leurs armes, toutes leurs munitions; il ne leur a rien laissé, pas une seule balle, pas un tronçon de yatagan. «< Ibrahim nous a tout pris, jusqu'à nos couteaux, me disait, il y a dix-huit jours, le bon cheik George de Bescharré, que vous connaissez. Dans cet etat de désarmement absolu, ces fiers montagnards rongent leur frein en silence, et dévorent leurs douleurs en aftendant que le jour de la justice se lève. La population maronite s'élève à deux cent cinquante mille habi

tants, et pourrait fournir cinquante mille guerriers; la population druse du Liban est beaucoup moins nombreuse depuis la guerre d'extermination que lui a faite l'émir Beschir, il y a vingt-huit ans; toutefois, huit ou dix mille druses pourraient, au besoin, sortir du Liban et de l'Anti-Liban pour grossir les rangs des ennemis d'Ibrahim. Le canton de Baal Bek fournirait cinq ou six mille guerriers mutualis, farouches musulmans de la secte d'Ali dont vous avez parlé dans le sixième volume de la Correspondance d'Orient. De plus, les ansariens des montagnes de Latakié, et les fellahs de Naplouse qui n'ont pas perdu le souvenir de l'affreuse conduite d'Ibrahim envers eux, ne demandent que des armes et le moment favorable pour entreprendre de jeter à bas le gouvernement égyptien. Maintenant que le Syrien est faible et désarmé, il se soumet, car, de l'avis des sages d'Orient, il ne faut pas lutter contre le lion, et un homme ne doit pas se mesurer avec des bras nus contre des gantelets armés d'ongles et de fer; mais le jour où le combat deviendra égal et la victoire possible, les maronites et les druses descendront des hauteurs du Liban, et des quatre coins de la Syrie soufflera un tourbillon de colère contre l'oppresseur égyptien (1).

Je compléterai le tableau de la Syrie en proie au despotisme du vice-roi, par une importante remarque que nous avons faite souvent ensemble. En Égypte, à côté

(1) Pour suivre la chaîne des événements arrivés en Syrie depuis 1851 jusqu'en 1840, voyez, à la fin du volume, le récit des insurrections de 1838 et 1840. La première de ces révoltes éclata dans le Haouran; la seconde, celle qui a amené la signature du traité de Londres du 15 juillet, a éclaté dans le Liban.

du déplorable spectacle d'un peuple qui respire à peine sous la pesanteur du joug, à côté des œuvres de mort multipliées sous le souffle d'un pouvoir violent, vous voyez des tentatives heureuses, des créations empreintes d'un caractère civilisateur; vous trouvez sur les bords du Nil, des hôpitaux, des écoles, des fabriques, des établissements d'utilité publique; mais rien de tout cela ne se rencontre en Syrie : là, Méhémet-Ali ne s'est pas occupé à couvrir avec le masque de la civilisation sa face de tyran : le despotisme se montre dans toute son affreuse nudité depuis le Liban jusqu'aux frontières du désert de Gaza; la Syrie est une proie sur laquelle s'est abattu le vautour; c'est quelque chose qui peut produire de l'argent, et que Méhémet-Ali tourne et retourne, tourmente et déchire pour en tirer tout le profit imaginable. Et cela se passe à une époque où de toutes les bouches de l'Europe s'échappent les grands mots d'humanité et de civilisation! Et ce pays ainsi dévoré, c'est le berceau des croyances qui ont régénéré le monde, c'est la Syrie où la bravoure de nos pères a laissé des traces immortelles!

POUJOULAT. T. III.

LETTRE XXXII.

MADEMOISELLE MALA GAMBA. - LA TRIBU DE ZABULON.

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SOU

VENIRS DE L'ÉVANGILE A NAZARETH. LOUIS IX A NAZARETH. HISTOIRE D'UNE JEUNE FILLE CHRÉTIENNE DE NAZARETH ET D'UN BÉDOUIN DU DÉSERT.

A MON FRÈRE.

Nazareth, 1er décembre 1857.

Nous sommes venus de Saint-Jean-d'Acre à Kaïpha en côtoyant le rivage de ce golfe où mouillèrent, à différentes époques, des navires de guerre appartenant à toutes les nations du monde. Ce fut à Kaïpha, dans ce cloaque dégoûtant, que M. de Lamartine vit mademoiselle Malagamba. Parmi toutes les œuvres de notre grand poëte, nous ne connaissons rien de plus délicieux, de plus frais que son portrait de mademoiselle Malagamba dans son livre sur l'Orient. Je ne crois pas qu'il soit possible de pousser plus loin le charme de la description; il y a dans ces quatre pages une richesse de style, une variété de tons et de couleurs qui enchantent l'imagination. Mademoiselle Malagamba, telle que l'auteur des Méditations la représente, assise sur un tapis, les jambes repliées sous elle, le coude appuyé sur les genoux de sa mère, est une céleste apparition qui laisse bien loin

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