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comme l'ont fait des dieux. « Les hommes sont-ils donc coupables, dit Euripide, quand ils croient imiter les actions des dieux? Malheur à ceux qui les ont ainsi racontées! » La philosophie, en effet, avait rougi de la religion; elle aurait voulu balayer toute cette théologie impure 1. Mais les vices humains tenaient pieusement à cette foi qui fournissait à l'adultère, à l'inceste, à toutes les infamies, des justifications théologiques. « Ce qu'a fait le maître des dieux, disent-ils, celui dont le tonnerre ébranle les voûtes du monde, moi, faible créature, je m'abstiendrais de le faire! Je l'ai fait, certes, et avec joie 3. »

La dévotion mènera donc au vice par les exemples qu'elle lui propose; ajoutons encore par l'aide qu'elle lui donne. « Si vous voulez rester pur, fuyez les temples; si la jeune fille veut demeurer chaste (c'est la vertu d'un Ovide qui lui donne ce conseil), qu'elle craigne le temple de Jupiter et les souvenirs de ce dieu adultère : ou pour mieux dire, qu'elle craigne tous les temples; car Ovide les énumère tous et les trouve tous habités (y compris celui de Diane et celui de Pallas) par quelque souvenir impudique. Qu'elle craigne même les mythes nationaux ; car l'enfantement d'Enée par Vénus et de Romulus par Ilia n'a rien de bien édifiant *. » Si l'adoration des dieux romains est impure, que sera-ce de ces cultes étrangers tout empreints de la mollesse orientale? Une religion toute pu

1. V. ci-dessus, p. 215 et s., Denys d'Halicarnasse, et Varron, dans saint Aug., de Civ. Dei; Senec., de Brevit. vitæ.

2. V., entre autres, Ovide, Métam., IX, 789; Martial, XI, 44; Méléagre, Epig. 10, 14, 40. V. aussi le docteur Tholuck: Ueber das Wesen und den sittlichen Einfluss des Heidenthums (sur l'état et l'influence morale du paganisme). Dans les Mémoires sur l'Histoire du christianisme, du docteur Néander. Berlin, 1823, t. I.

3. Térence, Eun., III, sc. V, 34. 4. Trist., II, 259-263, 287-300.

blique n'est pas sans souillure : que sera-ce des mystères? Un culte aussi grave et aussi officiellement réglé que le culte romain laisse une large place au vice : que dire des mille aberrations d'une superstition cosmopolite? Le temple où prie la vestale est souillé par d'indignes prières qu'adviendra-t-il dans la boutique où le magicien, l'astrologue, le prêtre efféminé de Cybèle débite sa fantasmagorie? Il y a toute une classe d'hommes, étrangers, mendiants, vagabonds, dont l'existence est précaire, le métier occulte, le renom mauvais, le pouvoir surnaturel redouté, et qui fournissent à toutes les débauches et même à tous les crimes des ministres, des ressources, des asiles. Ce sont ces prêtres dont « la cellule est plus impure que le bouge de la courtisane ; » ce sont ces dieux que l'on vient consulter sur l'efficacité d'un poison. La grande Isis, la plus populaire de toutes les déesses, est surnommée la corruptrice 2: dans ses jardins et dans son temple, elle fait trafic de l'adultère. La débauche qui lui est payée d'un côté, elle l'exige et la commande de l'autre ; et Josèphe peut vous dire par quel excès d'une crédulité inimaginable et d'une dévotion vraiment païenne, Pauline, «< cette matrone romaine, illustre par sa naissance et par sa vertu,» tomba dans un infâme guet-apens 3.

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Nous arrivons ici au dernier degré de la corruption des cultes païens, et nous devons montrer comment le vice

1. Frequentiùs in ædituorum cellis quam in lupanaribus libido defungitur... inter åras et delubra conducuntur stupra, etc. (Minutius Félix, in Octavio, 25.)

2. Isis, lena conciliatrix, dit le Scholiaste de Juvénal, V. V. Juvénal, VI, 488.

3. C'est pour ce fait que, par ordre de Tibère, les prêtres d'Isis furent crucifiés, le temple détruit, et la statue de la déesse jetée dans le Tibre. (Josèphe, Antiq., XVIII, 4. V. aussi Tacite, Annal., II, 85; Suet., in Tiber., 36; Dion, LIV; Senec., Ep. 108 (an de J.-C., 19).

écouté, justifié, protégé, encouragé par les dieux, était encore commandé par eux. Il faut ici remonter à l'origine. Lorsque l'âme humaine dévia pour la première fois, au milieu de ces adorations errantes qui partout cherchaient un dieu, une pensée la frappa; elle remarqua cette double loi de la nature, loi de naissance et de mort par laquelle les créatures sans cesse périssant, sans cesse reproduites, renouvellent la face du monde. Il sembla aux peuples que, dans cette lutte de la nature contre ellemême, tous les antagonismes et toutes les contradictions. se résumaient et s'expliquaient. Et comme tout ce qui était grand, général, incompris s'appelait dieu, les peuples divinisèrent la génération et la mort.

Disons plus (car la science serait trop candide si elle s'obstinait à ne voir là que d'abstraites et philosophiques allégories 1): tous les penchants de la nature corrompue, penchants impurs et cruels, avaient ici leur part. Celui << par qui la mort était entrée dans le monde, » et qui << fut homicide dès le commencement 3, » faisait des homicides de ses adorateurs; celui qui savait qu'un fils de la femme devait l'écraser, voulait corrompre jusqu'au bout les générations humaines. Le culte de la génération fut impur, le culte de la mort fut sanguinaire. L'homme, pour plaire aux dieux, dut être immolé et corrompu; on dut égorger sur l'autel des générations déjà vivantes, éteindre par la débauche les générations à naître. Partout où il y a eu des idolâtres, les sacrifices humains se sont renouvelés,

1. Varron aussi expliquait, par des allusions au système du monde, le culte obscène et sanguinaire des prêtres de Cybèle; sur quoi saint Augustin lui répond: « Hæc omnia, inquit, referuntur ad mundum, videat potiùs ne ad immundum. » De Civ. Dei, VII, 26.

2. Sap., II, 24.

3. Joan., VIII, 44.

joints à l'adoration des dieux impurs : à vingt siècles et à cinq mille lieues de distance, dans un autre monde, à Mexico et à Tlascala se sont retrouvés les infâmes objets des adorations égyptiennes, que Rome et la Grèce ont vénérés dans leurs mystères, et que l'Inde à son tour nous montre à chaque pas. Dans les mêmes lieux se sont retrouvées également les immolations humaines de Carthage et de Tyr, reproduites encore à cette heure dans les suttees de l'Inde, et qui ont été communes aux Grecs, aux Romains, aux Gaulois, aux Asiatiques, aux Germains, enfin à tous les peuples du monde, excepté au peuple de Dieu.

Rome, il est vrai, après avoir versé tant de sang par la guerre, avait eu horreur du sang des sacrifices; elle avait prétendu faire cesser dans tout l'univers les immolations humaines 3. En effet, ces infâmes sacrifices avaient cessé d'être pratiqués publiquement; mais il est trop certain qu'ils se continuaient encore en secret. La Gaule ne s'était pas tout à fait déshabituée des immolations druidiques ; Laodicée n'avait pas tout à fait abandonné le sacrifice annuel d'une vierge qu'elle faisait à Diane 5; l'Afrique n'avait pas cessé d'immoler des enfants à Baal, dont elle déguisait seulement le nom sous les surnoms du Vieux ou de l'Éter

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1. V. Garcilasso de la Véga, II, 6, etc.; Tholuck, p. 143. Sur ce culte chez les Égyptiens, V. Hérodote, II, 45; en Syrie, Lucien, de Ded Syrâ. Chez les anciens Germains. Tholuck, ibid.

2. Tacite, German., 7, 39.

3. Sénatus-consulte contre les sacrifices humains, en 656 de R. Pline, (Hist. nat., XXX, 1. Paul, V. Sentent, XXIII, 16.) Ce qui n'empêche pas Porphyre de placer la cessation des sacrifices humains au temps d'Hadrien seulement, c'est-à-dire plus de cinquante ans après Pline. Porph., de Abstinentia carnis, II, 56. Porphyre convient, du reste, qu'il s'en faisait encore de son temps.

4. Strabon, III, 2. Tertull., Apolog., 9.

5. Porph., ibid. Eusèbe, Præp. evang. A une époque postérieure on substitua une biche (peut-être au temps d'Hadrien.)

nel 1; et au milieu de cette Grèce qui élevait des autels à la Miséricorde, l'Arcadie sacrifia des hommes pendant trois siècles encore 2. Rome, d'ailleurs, était-elle bien en droit de sévir contre ces crimes provinciaux? Ses combats de gladiateurs étaient-ils autre chose, dans l'origine, que des expiations religieuses 3? et ne faisait-on pas à Jupiter Latiaris des libations de leur sang 4? Rome, cette miséricordieuse, Rome civilisée par la Grèce, courait aux mystères de Bacchus que souillait l'effusion du sang humain. Rome, au temps même des empereurs, n'avait pas abandonné la coutume, dans les jours de grande calamité, d'enterrer vivants, en un lieu marqué du Forum, un homme et une femme de race ennemie 5. Sous la clémente domination de

1. Ces immolations avaient été publiques jusqu'au proconsulat de Tibérius (quand?), mais depuis elles se continuaient en secret. Tertull., Apolog., 9. Eusèbe, Præp. evang., IV, 16. Porph., ibid. — Il dit ailleurs, il est vrai, qu'Iphicrate avait aboli les sacrifices humains à Carthage. Mais quand ce fait serait avéré, il s'agirait d'une interdiction légale comme celle que prononcèrent depuis les Romains, et qui n'empêchait pas la pratique secrète de ces sanguinaires coutumes.-On faisait périr des esclaves, non-seulement à titre de punition ou pour des opérations magiques, mais même à titre de sacrifice. Juvénal, V, 551; XII, 145.

Sur les immolations humaines destinées à des opérations magiques, voyez les reproches de Cicéron à Vatinius (in Vutin., 6); Juvénal, aux endroits cités; Salluste, au sujet de Catilina; Horace; Lucain, Pharsale, VI, 554; et ce que Pline dit à Néron (Hist. nat., XXX, 2 et ci-d. t. II, p. 268). Aux époques postérieures, bien d'autres faits.

2. Porphyre, apud Euseb. De Abstinentia carnis.

3. Valer. Max., III, 4, § 7. Les jeux de gladiateurs étaient consacrés Jupiter, les chasses ou combats contre les bêtes féroces à Diane. Cassiodore, Martial, Tertullien, Apolog. et Adv. gnosticos. Lactance.

4. Justin, Apol., II, 12, 30. Tertul., Apolog., 9; Scorpiace. Cyprien, de Spectaculis. Eusèbe, loco cit. Cyrille, Contrà Julian., II. Minutius Felix, in Octavio, loco cit. Porph. Tatian, adv. Græcos, 29. Prudentius. Daprès Porphyre, Eusèbe et Tertullien, il semble qu'outre le sang des gladiateurs qu'on offrait à Jupiter Latiaris, une victime humaine lui était encore immolée le jour de sa fête.

5. «Minimè Romano sacro, » dit Tite-Live, XXII, 57. Néanmoins, comme ce passage même le prouve, il se renouvela plus d'une fois. Ainsi, en 581 de Rome; en 538 (après la bataille de Cannes); puis au temps de

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