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pensée que le croyant vit de lui, que tout entier (corps, sang et âme) lui Jésus est la vie du vrai fidèle, il disait à ses disciples : « Je suis votre nourriture,» phrase qui, tournée en style figuré, devenait : « Ma chair est votre pain, mon sang est votre breuvage. » Puis les habitudes de langage de Jésus, toujours fortement substantielles, l'emportaient plus loin encore. A table, montrant l'aliment, il disait : « Me voici; » tenant le pain: « Ceci est mon corps; » tenant le vin : «Ceci est mon sang; » toutes manières de parler qui étaient l'équivalent de « Je suis votre nourri

ture ».

Ce rite mystérieux obtint du vivant de Jésus une grande importance. Il était probablement établi assez longtemps avant le dernier voyage à Jérusalem, et il fut le résultat d'une doctrine générale bien plus que d'un acte déterminé. Après la mort de Jésus, il devint le grand symbole de la communion chrétienne', et ce fut au moment le plus solennel de la vie du Sauveur qu'on en rapporta l'établissement. On voulut voir dans la consécration du pain et du vin un mémorial d'adieu que Jésus, au moment de quitter la vie, aurait laissé à ses disciples. On

4. Act., 11, 42, 46.

2. Luc, xxII, 49; I Cor., XI, 20 et suiv.; Justin, Dial. cum Tryph., 41, 70; Apol. 1, 66.

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retrouva Jésus lui-même dans ce sacrement 1. L'idée toute spirituelle de la présence des âmes, qui était l'une des plus familières au maître, qui lui faisait dire, par exemple, qu'il était de sa personne au milieu de ses disciples quand ils étaient réunis en son nom, rendait cela facilement admissible. Jésus, nous l'avons déjà dit, n'eut jamais une notion bien arrêtée de ce qui fait l'individualité. Au degré d'exaltation où il était parvenu, l'idée chez lui primait tout le reste à un tel point, que le corps ne comptait plus. On est un quand on s'aime, quand on vit l'un de l'autre; comment lui et ses disciples n'eussent-ils pas été un ? Ses disciples adoptèrent le même langage. Ceux qui, durant des années, avaient vécu de lui le virent toujours tenant le pain, puis le calice « entre ses mains saintes et vénérables », et s'offrant lui-même à eux. Ce fut lui que l'on mangea et que l'on but; il devint la vraie Pâque, l'ancienne ayant été abrogée par son sang. Impossible de traduire dans notre idiome essentiellement déterminé,

A. I Cor., x, 16.

2. Matth., xvIII, 20.

3. Voir ci-dessus, p. 254.

4. Jean, XII entier.

5 Ephes., 1, 47.

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6. Canon des messes grecques et de la messe latine (fort an

où la distinction rigoureuse du sens propre et de la métaphore doit toujours être faite, des habitudes de style dont le caractère essentiel est de prêter à la métaphore, ou pour mieux dire à l'idée, une pleine réalité.

CHAPITRE XIX.

PROGRESSION CROISSANTE D'ENTHOUSIASME

ET D'EXALTATION.

Il est clair qu'une telle société religieuse, fondée uniquement sur l'attente du royaume de Dieu, devait être en elle-même fort incomplète. La première génération chrétienne vécut tout entière d'attente et de rève. A la veille de voir finir le monde, on regardait comme inutile tout ce qui ne sert qu'à continuer le monde. Le goût de la propriété était regardé comme une imperfection1. Tout ce qui attache l'homme à la terre, tout ce qui le détourne du ciel devait être fui. Quoique plusieurs disciples fussent mariés, on ne contractait plus, ce semble, de mariage dès qu'on entrait dans la secte. Le célibat était hautement préféré. Un moment, le maître semble approuver ceux

4. Matth., XIX, 21; Luc, xiv, 33; Act., iv, 32 et suiv.; v,
2. Matth., XIX, 40 et suiv.; Luc, xvIII, 29 et suiv.
3. C'est la doctrine constante de Paul. Comp. Apoc., XIV,

1-11.

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qui se mutileraient en vue du royaume de Dieu1. Il était en cela conséquent avec son principe: « Si ta main ou ton pied t'est une occasion de péché, coupeles, et jette-les loin de toi; car il vaut mieux que tu entres boiteux ou manchot dans la vie éternelle, que d'être jeté avec tes deux pieds et tes deux mains dans la géhenne. Si ton œil t'est une occasion de péché, arrache-le et jette-le loin de toi; car il vaut mieux entrer borgne dans la vie éternelle, que d'avoir ses deux yeux et d'être jeté dans la géhenne. » La cessation de la génération fut souvent considérée comme le signe et la condition du royaume de Dieu3.

Jamais, on le voit, cette Église primitive n'eût formé une société durable, sans la grande variété des germes déposés par Jésus dans son enseignement. Il faudra plus d'un siècle encore pour que la vraie Église chrétienne, celle qui a converti le monde, se dégage de cette petite secte des « saints du dernier jour », et devienne un cadre applicable à la société humaine tout entière. La même chose, du reste, eut lieu dans le bouddhisme, qui ne fut fondé d'abord

4. Matth., XIX, 12.

2. Matth., XVIII, 8-9. Cf. Talm. de Babyl., Niddah, 13 b.

3. Matth., XXII, 30; Marc, x11, 25; Luc, xx, 35; Évangile ébio

nite dit «< des Égyptiens », dans Clém. d'Alex., Strom., III, 9, 43, et Clem. Rom., Epist. II, 42.

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