Obrazy na stronie
PDF
ePub

vient; mais est-il fou précisément parce qu'il soutient qu'il est roi de France? Non; car il existe un autre homme qui dit aussi, Je suis roi de France, et qui seroit fou s'il ne le disoit pas. Mais tout le monde dépose en faveur de la royauté de celui-ci ; il a pour lui le témoignage général : dès lors plus de doute. L'autre contredit obstinément ce témoignage, c'est un fou; cette preuve suffit, et même il n'y en a pas d'autre preuve certaine. A la place de ce malheureux, supposons un homme qui dise: Je suis souverain; nous aurons un exemple de la folie volontaire.

Il arrive souvent que la folie, même physique, a pour cause l'obstination avec laquelle l'esprit s'attache à certaines idées fausses. On doit donc trouver plus de fous de cette espèce dans les pays où, le principe d'autorité étant affoibli, les esprits sont moins défendus contre eux-mêmes. Effectivement, l'expérience prouve qu'il en est ainsi. Sous le règne d'Henri VIII le nombre des fous augmenta prodigieusement en Angleterre, et depuis il a toujours été croissant. I augmente de même chaque année en

France (1). Nous sommes persuadés qu'il y a trente ans l'Espagne étoit le pays de l'Europe où il y en avoit le moins; ils s'y multiplieront,

(1) Cela est si marqué, qu'en beaucoup de lieux les conseils de département demandent qu'on forme de nouveaux établissemens pour les recevoir. La note suivante, qu'un des plus habiles médecins de Paris à bien voulu nous communiquer, confirme d'une manière frappante ce que nous disons de la folie. Il est si vrai qu'elle consiste à refuser obstinément de reconnoître une autorité supérieure à notre raison individuelle, que le seul moyen de guérir le fou est de le forcer de se soumettre à cette autorité qu'il méconnoît.

>>

« L'insuffisance de tous les moyens tirés de l'hygiène et de la thérapeutique pour la guérison de la folie, est depuis long-temps >> reconnue des médecins. La saignée, les vomitifs, les purgatifs, >> les bains, les douches font bien quelquefois cesser des accidens purement physiques qui accompagnent l'aliénation de l'es

[ocr errors]

prit et qui troublent la santé corporelle de l'aliéné, ou le ren » dent plus difficile à contenir. Mais ces remèdes ne produisent » que bien rarement une amélioration réelle dans les fonctions » de l'intelligence. Aussi les médecins qui s'occupent avec le plus de succès du traitement de la folie n'emploient-ils ces » sortes de moyens que comme accessoires. Leur moyen princi>> pal est ce qu'ils appellent le traitement moral.

[ocr errors]
[ocr errors]

>> Ce traitement moral consiste à contraindre le malade, par un

juste mélange de fermeté et de persuasion, à reconnoître l'au>> torité, à lui soumettre ses actions, sa volonté et son propre ju»gement. Lorsque ce dernier point est obtenu, le malade agit et >> raisonne comme un autre homme; il est guéri. Les moyens que >> l'on emploie pour arriver à ce but, sont de séparer le malade de

sans aucun doute, à mesure que la foi diminuera. Un médecin italien avoit calculé, dans

>> toutes les personnes qu'il connoît, et particulièrement de celles >> auxquelles il est habitué à commander; de ne le contrarier » jamais en lui parlant le langage de la raison, sans lui présen» ter en même temps l'appareil d'une force physique à laquelle » il ne puisse espérer de résister. Ainsi à un fou furieux qui re» fuse d'entrer dans sa loge, ou qui s'est armé d'un débris de >> meuble pour en défendre l'entrée, on envoie dix domestiques : >> si on ne lui en opposoit que deux ou trois, quoique plus foi>> ble que chacun d'eux, il essaieroit de leur résister, et on ne » pourroit le désarmer qu'en le blessant ; mais dès qu'il voit une >> force tout-à-fait supérieure, il se rend. Il apprend ainsi peu à >> peu à reconnoître la supériorité physique, et de là il est con>>> duit à reconnoître la supériorité morale. Il obéit d'abord dans >> ses actes; il finit par soumettre son jugement. C'est dans ce >> dernier point que consiste la plus grande difficulté du traitement; >> et cette difficulté est d'autant plus grande que le malade, par » son caractère propre, ou son genre de vie, est naturellement >> plus impérieux, ou plus indépendant. Il est d'expérience que >> les hommes les plus exposés à l'aliénation mentale, et les plus » difficiles à guérir, sont les célibataires, qui vivent dans un état » d'isolement, et par conséquent dans une grande indépendance » de l'autorité, et même des idées d'autrui, et les hommes ha>> bitués au commandement. Personne n'est plus difficile à gué>> rir qu'un officier-général, et surtout qu'un capitaine de navire. >> On sait que l'autorité de ce dernier est plus despotique que >> celle du potentat le plus absolu.» Voyez le Traité de la manie, de M. Pinel, et les Mémoires de M. le docteur Esquirol sur le même sujet.

le dernier siècle, qu'il existoit en Italie, proportionnellement à sa population, dix-sept fois moins de fous que dans les contrées protestantes. Ces faits, sous plus d'un rapport, méritent d'être remarqués. Nous sommes loin de nier que la folie ne soit fréquemment produite par des causes particulières, des émotions vives, de profondes douleurs; mais cela n'empêche pas de reconnoître une cause générale de folie, dont l'action se manifeste uniformément chez tous les peuples, à mesure que cette cause s'y développe, c'est-à-dire à mesure que les esprits s'affranchissent davantage de l'obéissance à l'autorité.

En cherchant par quelles voies l'homme parvient à la connoissance certaine de la vérité, nous avons été conduits à examiner une question peu éclaircie jusqu'à ce jour, et qui a fait naître un grand nombre d'erreurs. On s'est imaginé qu'il existoit des vérités indépendantes de la raison, des vérités senties avant d'être conçues, et qu'à cause de cela l'on nomme vérités de sentiment. On ne pouvoit confondre plus dangereusement des facultés distinctes, et, par

une suite nécessaire de leur nature, liées entre elles dans l'ordre inverse de celui qu'on supposoit. Les déistes ont étrangement abusé de ce faux principe: les athées mêmes s'en accommodent; et ils en ont tiré une espèce de religion où tout entre, excepté Dieu.

Nous montrons que tout sentiment suppose une vérité ou une idée préexistante dans l'entendement: car il faut connoître avant d'aimer ; et l'homme aime naturellement la vérité, qui est le bien des intelligences. Ainsi la foi précède l'amour; et l'amour n'est que le mouvement de l'âme, qui se porte vers l'objet de sa foi. Le bon croit à la vertu ; il la regarde comme son véritable bien, et il l'aime. Le méchant, qu'elle fatigue, la hait, parce que, dans l'erreur de son esprit offusqué par les passions, elle est à ses yeux un mal. Le bien, pour lui, c'est ce qui flatte ses penchans corrompus; il croit au plaisir, et cette foi aveugle et déraisonnable détermine un amour désordonné. Chaque croyance, vraie ou fausse, produit ainsi un sentiment analogue; et si l'on observe chez tous les peuples des sentimens généraux inaltérables

« PoprzedniaDalej »