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peuples? On n'aperçoit qu'un chaos d'idées inconciliables; et dans les peuples une violence, et dans les souverains une foiblesse, présage d'un sinistre avenir.

Tantôt la nécessité de la religion se fait sentir, et l'on protége la religion; tantôt on s'effraie des cris de fureur que poussent ses ennemis, et l'on se hâte de la bannir des lois, et de désavouer Dieu comme un allié dont on

rougiroit. Si l'État déclare qu'il est catholique, les tribunaux décident qu'il est athée. Que croire au milieu de ces contradictions? quel effet doivent-elles produire sur le peuple? Les bons sont ébranlés: les méchans, avertis de leur force, se flattent d'un triomphe complet; ils redoublent d'audace et d'activité. N'est-ce pas là ce que nous voyons? Une nouvelle société se constitue secrètement au sein de l'ancienne, et deviendra bientôt peut-être la société publique. Le mal régnera: on a douté de l'ordre, on aura foi dans le crime. Ceci n'est point exagéré, l'expérience ne le prouve que trop. Quand les esprits sont dans le vague, ils s'inquiètent; dans leurs ténèbres et dans

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leur effroi, ils se font des croyances terribles: et déjà n'avons-nous pas une religion secrète qui se révèle par le meurtre?

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L'athéisme aussi a la sienne, froide comme l'orgueil; ce qui n'exclut pas le fanatisme. On adore sous le nom de science la raison humaine la science, pour certains esprits, est le Dieu de l'univers: on n'a foi qu'en ce Dieu, on n'espère qu'en lui; sa sagesse et sa puissance doivent renouveler la terre, et, par de rapides progrès, élever l'homme à un degré de bonheur et de perfection dont il ne sauroit se faire une idée. Cette religion se développe; elle a ses dogmes, ses mystères, ses prophéties même et ses miracles; elle a son culte, ses prêtres, ses missions; et ses sectateurs se flattent de la substituer à toutes les autres.

En considérant la société sous un point de vue plus général, il est impossible de n'y pas remarquer un principe de division qui en pénètre toutes les parties, et par conséquent une cause très active de dissolution. Deux doctrines sont en présence dans le monde : l'une tend à unir les hommes, et l'autre à les séparer; l'une

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conserve les individus en rapportant tout à la société, l'autre détruit la société en ramenant tout à l'individu (1). Dans l'une, tout est gé

(1) Hors de la société, l'homme ne peut ni se conserver ni se perpétuer. Se perpétuer, c'est se conserver toujours; et le désir de se perpétuer, de même que le desir de se perfectionner, n'est que le désir de vivre : car être plus parfait, c'est vivre davantage; la perfection est le développement complet de la vie.

L'esprit, le cœur, les sens mêmes ou le corps, en un mot l'homme tout entier désire naturellement se conserver ou se perpétuer, parce que naturellement il veut vivre, et qu'il n'est point en son pouvoir de ne pas vouloir vivre.

Mais dans l'isolement contre nature où le place la philosophie, tous les efforts qu'il fait pour se conserver tendent à le détruire. Seul, l'homme, ne produit rien; la vie est un don du souverain Ètre, les créatures la transmettent, et voilà tout. Or transmettre, c'est communiquer ce qu'on a reçu. Recevoir et rendre, voilà donc en quoi consistent la vie et le moyen par lequel elle se conserve: donc point de vie hors de la société ; et la société, considérée dans son existence intellectuelle, se compose essentiellement de trois personnes, celle qui reçoit, celle dont elle a reçu, et celle à qui elle rend ou transmet ce qu'elle a reçu.

Tout ce qui, dans l'homme, a un mode de vie particulier, l'esprit, le cœur, les sens ou le corps, est soumis à cette loi universelle d'union et de dépendance.

Qu'arrive-t-il donc quand l'homme est seul ?

L'esprit veut vivre ou se conserver; vivre, pour lui, c'est connoître, ou posséder la vérité. Quand il la reçoit, il est passif ; quand il la communique ou la transmet, il est actif; mais, dans ces deux états, toujours faut-il qu'il soit uni à un

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néral, l'autorité, les croyances, les devoirs; et chacun, n'existant que pour la société, con

autre esprit qui agisse sur lui, ou sur lequel il agisse. Ne pouvant, lorsqu'il est seul, ni recevoir ni transmettre, et néanmoins voulant vivre, il essaie de se multiplier ou de créer en lui les personnes sociales nécessaires pour conserver et perpétuer la vie : vain travail, stérile effort d'un esprit qui, cherchant à se féconder lui-même, veut enfanter sans avoir conçu. Ce genre de dépravation, ce vice honteux de l'intelligence, l'affoiblit, l'épuise, et conduit à une espèce particulière d'idiotisme qu'on appelle idéologie.

Il en est ainsi du cœur, il veut vivre; et vivre, pour lui, c'est aimer, ou s'unir à un autre être. Quand il n'a point au dehors un objet d'amour ou de terme de son action, il agit sur lui-même ; et que produit-il? de vagues fantômes, comme l'esprit qui est seul produit de chimériques abstractions. L'un se nourrit de rêves, l'autre de rêveries; ou plutôt ils essaient inutilement de s'en nourrir. Dans sa solitude et dans ses désirs, le cœur se tourmente pour jouir de lui-même. C'est l'amour de soi ou l'égoïsme à son plus haut degré. Ce genre de dépravation, ce vice honteux du cœur, l'affoiblit, l'épuise, et conduit à une espèce particulière d'idiotisme qu'on appelle mélancolie.

Un désordre semblable dans l'homme physique affoiblit, épuise le corps, dégrade toutes les facultés, et conduit à l'idiotisme absolu, qui est la mort de sens, du cœur et de l'intelligence.

Il est à remarquer que, chez les anciens, l'idéologie proprement dite, et la mélancolie considérée comme passion, étoient inconnues, et que le vice des sens qui correspond à ces vices de l'esprit et du cœur étoit beaucoup moins commun qu'il ne l'est

court au maintien de l'ordre par une obéissance parfaite de la raison, du cœur et des sens à une loi invariable. Dans l'autre, tout est particulier; et les devoirs, dès lors, ne sont plus que les intérêts, les croyances que des opinions; l'autorité n'est que l'indépendance. Chacun, maître de sa raison, de son cœur, de ses actions, ne connoît de loi que sa volonté, de règle que ses désirs, et de frein que la force. Aussi, dès que la force se relâche, la guerre commence aussitôt; tout ce qui existe est attaqué; la société entière est mise en question.

On se tranquillise sur les suites d'un pareil état, en se disant qu'il y eut toujours des troubles et des crimes dans le monde. Sans doute,

devenu de nos jours. L'homme alors ne se séparoit point de la famille et de la société ; il ne cherchoit point à vivre seul. Mais trop souvent des opinions ct des institutions fausses établissant de faux rapports entre les personnes sociales, il en résultoit, dans les esprits et dans les mœurs, des désordres analogues. Il y avoit, sous ce rapport, entre les anciens et les disciples de notre moderne philosophie, la différence de l'erreur à l'idiotisme. Le mot même d'idiotisme, selon son étymologie, désigne l'état d'un être séparé de la société, ou qui vit à part, qui vit seul.

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