ment à celle de la cour. Par là, il fut à la fois moins poétique et moins simple, moins vrai que ses grands devanciers. Voltaire n'en exerça pas moins sur son siècle la puissance prestigieuse du poëte. Par une rare exception, il la garda même toujours, sachant la transformer selon les âges de la vie, et laissant échapper à quatre-vingts ans quelques-uns de ses plus beaux vers. Il est vrai que ces vers étaient dans un style familier, sur le ton sceptique d'un vieillard qui se permet tout; et cette liberté était peut-être plus favorable au naturel d'un poëte qui n'était pas né, comme Racine, pour la perfection de l'art, et n'avait pas la patience d'y atteindre.» (Villemain.) 2. «< Racine et Voltaire ont possédé ce mérite si rare de l'élégance continue et de l'harmonie, sans lequel, dans une langue formée, il n'y a point d'écrivain; mais l'élégance de Racine est plus égale, celle de Voltaire est plus brillante. L'une plaît davantage au goût, l'autre à l'imagination. Dans. l'un, le travail, sans se faire sentir, a effacé jusqu'aux imperfections les plus légères; dans l'autre, la facilité se fait apercevoir à la fois et dans les beautés et dans les fautes. Le premier a corrigé son style, sans en refroidir l'intérêt ; l'autre y a laissé des taches, sans en obscurcir l'éclat. Ici les effets tiennent plus souvent à la phrase poétique; là, ils appartiennent plus à un trait isolé, à un vers saillant. « L'art de Racine consiste plus dans le rapprochement nouveau des expressions; celui de Voltaire, dans de nouveaux rapports d'idées. L'un ne se permet rien de ce qui peut nuire à la perfection, l'autre ne se refuse rien de ce qui peut ajouter à l'ornement. Racine, à l'exemple de Despréaux, a étudié tous les effets de l'harmonie, toutes les formes du vers, toutes les manières de le varier. Voltaire, sensible surtout à cet accord si nécessaire entre le rhythme et la pensée, semble regarder le reste comme un mérite subordonné, qu'il rencon tre plutôt qu'il ne le cherche. L'un s'attache plus à finir le tissu de son style; l'autre à en relever les couleurs. Dans l'un, le dialogue est plus lié; dans l'autre, il est plus rapide. « Dans Racine, il y a plus de justesse; dans Voltaire, plus de mouvement. Le premier l'emporte pour la profondeur et la vérité le second pour la véhémence et l'énergie. Ici, les beautés sont plus sévères, plus irréprochables; là, elles sont plus variées, plus séduisantes. On admire dans Racine cette perfection toujours plus étonnante à mesure qu'elle est plus examinée; on adore dans Voltaire cette magie qui donne de l'attrait même à ses défauts. L'un vous paraît toujours plus grand par la réflexion. l'autre ne vous laisse pas maître de réfléchir. Il semble que l'un ait mis son amour-propre à défier la critique, et l'autre à la désarmer. Enfin, si l'on ose hasarder sur des objets livrés à la diversité des opinions, Racine, lu par les connaisseurs, sera regardé comme le poëte le plus parfait qui ait écrit ; Voltaire aux yeux des hommes rassemblés au théâtre, sera le génie le plus tragique qui ait régné sur la scène. » (La Harpe.) 3. De toutes les compositions historiques de Voltaire, dit un habile critique, le Siècle de Louis XIV est, sinon la plus parfaite, du moins la plus brillante l'Histoire de Charles XII est peut-être, dans son ensemble, supérieure à celle de Louis XIV. Les connaisseurs observent, dans le second de ces ouvrages, une plus grande liaison des différentes parties de la narration, un plan mieux conçu et plus décidé, une marche plus suivie, plus rapide et plus entraînante. Mais le sujet du premier a bien plus d'éclat. Quelle comparaison entre un jeune roi du Nord, presque aussi insensé que valeureux, qui, sans autre projet que celui de braver tous les périls et de tenter toutes les aventures, court des bords de la Baltique au rivage de la mer Noire. parvient à se rendre ridicule à force d'exploits, et meurt sans avoir assuré aucun avantage réel à ses États, et sans avoir pu même les gouverner; quel parallele, dis-je, entre un tel prínce et le monarque qui régla tout dans son royaume et qui l'agrandit; qui fit fleurir autour de lui les arts et les lettres, qui créa pour ainsi dire des grands hommes; qui développa, dans le cours d'un très-long règne, autant de magnificence que de noblesse, autant de politesse que de fierté, autant d'amabilité, de grâce, que de majesté, et finit par établir ses descendants, au milieu même des revers, sur un des plus beaux trônes du monde ! L'un n'est qu'un héros de roman; l'autre est véritablement un personnage historique. « L'Histoire de Charles XII est plus détaillée, et, au fond, plus instructive, toute proportion gardée; Voltaire répète souvent qu'il n'a voulu faire qu'un tableau du règne de Louis XIV et de l'esprit qui distingua le siècle de ce grand roi; mais ce tableau brillant est un peu superficiel, il laisse trop à désirer du côté de l'instruction quand on a lu le Siècle de Louis XIV sur le même sujet, l'imagination est frappée de cette belle peinture; mais l'esprit n'est point satisfait. Qui n'aurait lu que l'ouvrage de Voltaire connaîtrait fort imparfaitement les temps et les événements qui y sont tracés. L'auteur n'a pris que la fleur de son sujet; mais cette fleur est trop légère il pouvait, je crois, sans trop s'écarter de son plan entrer un peu plus avant dans les parties intéressantes de sa matière. Il est rapide sans être concis; il ne fait jamais plus entendre qu'il ne dit, et il dit peu. Ses coups de pinceau sont éclatants et spirituels; ils ont toujours de l'effet, souvent de la justesse, jamais cette profondeur qui, par un seul trait, supplée à de longs développements et à beaucoup de détails.... Les beautés et l'éclat du style du Siècle de Louis XIV couvrent, du moins en grande partie, le défaut du plan; la narration est vive, animée, pittoresque, semée de petites digressions nécessaires et attachantes, de pensées aussi nettes que fines et brillantes; les portraits sont placés avec cette sobriété de goût qui exclut l'affectation dont ce genre d'ornement est toujours voisin; les descriptions sont placées à propos, et traitées avec autaut de sagesse que d'imagination; le ton général est d'une élévation proportionnée au sujet; la diction est aisée, simple, périodique, harmonieuse. On a quelquefois vanté et cité, dans les Traités de littérature, les belles périodes des historiens latins, en indiquant que la langue française n'est point, dans l'histoire, susceptible du même genre d'ornements; on a reproché avec raison, à Voltaire lui-même, d'avoir écrit l'Essai sur les mœurs des nations d'un style trop haché; mais on trouve, dans le Siècle de Louis XIV, des morceaux qu'on peut placer, pour l'harmonie, à côté des pages les plus remarquables, sous ce rapport, des historiens de l'antiquité notre langue, sous la plume de Voltaire, rivalise quelquefois très-heureusement avec les langues anciennes. » sault.) (Dus 4. « En résumé, pitié sincère et ardente pour les souffrances des malheureux, haine vigoureuse contre tous les genres d'oppression, raison exquise, talent prodigieux appliqués avec une admirable constance à la défense des opprimés et à la propagation des sentiments généreux : voilà les qualités de Voltaire, voilà ses ti tres à une admiration reconnaissante! Hostilités coupables autant qu'insensées contre les croyances naturelles à l'homme, folles attaques contre les révélations de la conscience éclairée par la raison, la philosophie morale et religieuse, absurde mépris des mœurs domestiques manifesté par de trop fréquents outrages à la pudeur et aux vertus du foyer; en somme, violentes et incessantes atteintes portées aux colonnes de l'édifice social: voilà les erreurs et les excès de réprobation dans ce génie immense, toutes les fois que ses passions l'égarent. Croire, comme lui, qu'il suffisait de détruire ce qu'il jugeait nuisible fut une erreur pleine de périls. En portant la cognée dans la forêt des préjugés, il fallait se garder d'abattre les arbres qui abritent le genre humain sous leur ombrage et l'alimentent du suc de leurs fruits. A quoi sert-il de savoir ce qui n'est pas, si l'on ignore ce qui est et ce qui doit être ? Comment le voyageur suivrat-il avec sécurité une route environnée de précipices, s'il lui manque la lumière qui seule peut le guider? Voltaire à encombré cette route de ruines. Il a légué à notre temps un travail immense pour les réparer. Nous nous épuisons en efforts pour reconstruire sur de solides bases l'édifice que sa main puissante a si fortement aidé à renverser. »> (Aubert de Vitry.) VOLUME. En mathématiques, s0lide ou volume, signifie l'une des trois espèces de corps qui sont l'objet des études de la géométrie c'est celle qui réunit à la fois les lignes, les surfaces et les capacités, ou les trois dimensions en longueur, largeur, profondeur ou épaisseur. L'existence même de la matière n'est pas nécessaire pour formuler dans l'esprit l'idée d'un solide géométrique; ainsi, la capacité intérieure d'un vase, d'une chambre, quand on les supposerait absolument vides d'air et de toute espèce de corps, n'en représente pas moins l'idée de l'être solide geomerique, et se trouve soumise, dans l'appréciation de ses divers attributs ou propriétés, telle que la mesure de son étendue, par exemple, à l'application rigoureuse de toutes les règles mathématiques applicables aux solides représentés par des corps matėriels. Les solides sont réguliers ou irréguliers, suivant la nature des surfaces qui en forment la partie extérieure. Le cube ou solide, qui sert de moyen de mesure conventionnelle pour tous les autres, est terminé par six faces régulières, qui sont chacune un carré parfait. Le parallelipipède est engendré par l'une de ses bases qui se meut le long d'une de ses arêtes et perpendiculairement à celle ci. La pyramide est un solide terminé en pointe, dont la base est figurée par un polygone quelconque, régulier ou irrégulier, et dont les autres faces figurent autant de triangles qui se réunissent au sommet. Il y a trois espèces de solides terminés par des faces sphériques ou circulaires; ce sont le cylindre, le cône et la sphère. Le cercle, l'ellipse, la parobole et l'hyperbole sont des courbes résultant de diverses sections particulières d'un cône par un plan, et c'est un phénomène bien admirable que celui par lequel l'action des diverses forces en activité dans la nature reproduit ces sections dites coniques. La solidité d'un cube s'obtient en en mesurant la surface de la base par la hauteur; celle du cylindre est dans le même cas. Celle de la pyramide et du cône résulte de la multiplication de la base par le tiers de la hauteur. Celle de la sphère qui est la réunion d'une infinité de cônes ou de pyramides, se mesure de même, c'est-àdire qu'on multiplie la surface des bases ou de la sphère, ou quatre fois celle d'un des grands cercles, par le tiers du rayon. (Voyez STERE ET FORMULES.) X XENOPHON. « Xenophon, qu'on a surnommé l'Abeille attique, pour désigner la douceur de son style, publia et continua l'histoire de Thucydide, à laquelle il ajouta sept livres. Il avait été disciple de Socrate, et commandait dans cette mémorable retraite des Dix mille, l'une des merveilles de l'antiquité, et dont il était digne d'écrire l'histoire. Il fut, comme César, l'historien de ses propres exploits; comme lui, il joignit le talent de les écrire à la gloire de les exécuter; comme lui, il mérite une entière croyance, parce qu'il avait des témoins pour juges. Ce dernier mérite n'est pas celui de la Cyropédie, dans laquelle, au jugement de Cicéron, il a moins consulté la vérité historique que le désir de tracer le modèle d'un prince accompli et d'un gouvernement parfait. Si les gens de l'art l'étudient comme général dans la Retraite des Dix mille, on l'admire comme philosophe et comme homme d'Etat dans ce livre charmant de la Cyropédie, qu'on peut comparer à notre Télémaque. On a dit de Xénophon que les Grâces reposaient sur ses lèvres; on peut ajouter qu'elles y sont près de la sagesse. Depuis lui jusqu'à Fénelon, nul homme n'a possédé au même degré le talent de rendre la vertu aimable. Les anciens ne parlent de lui qu'avec vénération, et l'on sait que Scipion et Lucullus faisaient leurs délices de ses ouvrages. Cet homme, qui eut dans ses écrits tout le charme de l'éloquence attique, avait dans l'âme la force d'un Spartiate. Il sacrifiait aux dieux, la tête couronnée de fleurs; tout à coup, on vient lui apprendre que son fils a été tué à la bataille de Mantinée : il ôte ses couronnes et verse des larmes; mais lorsqu'on ajoute que ce fils, combattant jusqu'au dernier soupir, a blessé mortellement le général ennemi, il reprend ses couronnes Je savais, dit-il, que mon fils était mortel, et sa gloire doit me consoler de sa mort. Nous avons de lui beaucoup d'autres ouvrages, entre autres un Eloge d'Agesilas, roi de Lacédémone, un Recueil des paroles mémorables de Socrate, et l'Apologie de ce philosophe. Mais ses deux chefs-d'œuvre sont la Retraite des Dix mille et la Cyropédie.» (La Harpe.) ZINC. (Voyez MÉTALLURGIE.) ZOOLOGIE (du grec zoon, animal, et logos, discours), partie de l'histoire naturelle qui traite des animaux. (Voyez ORGANISATION, RÈGNE.) 1. Le développement du système entier de l'animalité sur notre globe se rattache aux considérations les plus élevées de la philosophie naturelle, puisque son anneau le plus inférieur, ou l'extrémité originelle, est la monade microscopique, la vésicule protogène de l'organisation, tandis que le plus haut échelon de sa perfection constitue l'homme-roi, première créature, portant sur son front l'empreinte intellectuelle de la divinité. Il fut un temps où n'existaient encore ni animaux, ni plantes. Quelle dut être leur cause formatrice, et quel limon conçut les germes de tant de merveilleuses structures animées? Nous ne pouvons le comprendre sans l'intervention d'une intelligence toutepuissante. Ces essais d'organisations imparfaites, progressivement élaborées au sein de la fange, quoique célébrés par la poésie antique de Lucrèce ou d'Ovide, ne satisfont point nos intelligences, aujourd'hui éclairées de la science anatomique, qui contemplent les admirables rapports d'harmonie entre toutes les parties de chaque animal, de chaque plante, pour atteindre un but manifeste se nourrir, se défendre, se reproduire. La plante est proportionnée à l'insecte qu'elle nourrit, comme on peut dire que l'animal est constitué et calculé par rapport au végétal qu'il transforme dans sa propre substance. L'abeille doit recueillir le nectar et le pollen des fleurs, comme la mouche à viande et sa larve doivent subsister d'un cadavre putréfié. Il y avait donc un plan, un ensemble combiné dans l'intelligence organisatrice du tout, pour s'entr'aider et constituer un corps. Si tout a dù commencer sur notre sphère au sein d'un limon fertilisant, par la mixtion des éléments terrestres et aqueux, aidés de la chaleur, de la lumière, de l'électricité et autres agents impondérables, tout fut d'abord une imparfaite ébauche. Des essais végétaux et animaux procédèrent, par les globules, les vésicules, prototypes des mucédinées, des infusoires monadaires ou autres esquisses primitivement informes, régularisées ensuite, de toutes les espèces vivantes, d'après leurs besoins. Mais puisque le règne végétal et le règne animal, chacun étant parti de cette ténébreuse origine, se sont agrandis, développés, multipliés et enchevêtrés en races et espèces infinies, dans tous les espaces du globe, sur les continents ou dans les eaux, en se diversifiant selon les circonstances, pour s'approprier aux localités, on peut dire de plus que les modifications de l'organisme sont l'expression de l'intelligence supérieure qui préside au tout. Il n'est pas probable, en effet, comme l'a soutenu Lamarck, que l'oiseau et le papillon aient inventé leurs ailes d'eux-mêmes, pour s'élancer dans le champ de l'atmosphère, ni que la taupe se soit privée volontairement des yeux, pour s'enfouir sous terre. Nul être n'avait à choisir sa destinée; une plus haute providence ordonnait chaque structure pour la fonction qu'elle devait accomplir en ce monde. Cela est évident pour les plantes, que nulle volonté personnelle ne peut faire agir; et, cependant, ce n'est point une nécessité aveugle que celle qui protége la graine par un noyau dur ou sous des enveloppes coriaces, et qui dispose savamment toutes les parties d'une fleur, pour la reproduction du végétal. Le cercle régulier des années, le retour des saisons et des températures, entraînent nécessairement cet enchaînement de révolutions annuelles, diurnes et autres, qui renouvellent les générations des êtres organisés sur notre planète. Ainsi apparaissent et meurent des myriades de plantes dans le cours de l'année, comme se reproduisent les feuilles et les fruits, comme s'opèrent les mues, les métamorphoses dans l'un et l'autre règne. Une puissance, ou fatale ou providentielle, assiste donc toutes ces légions de créatures, qui se dressent, puis se couchent, à l'ordre général prescrit par la nature. Or, si tout est réglé d'avance, ou plutôt si les êtres inférieurs sont forcés de se conformer à ces révolutions du grand univers, comment le monde vivant serait-il abandonné au hasard des circonstances? 2. « Puisqu'il est manifeste que l'homme s'élève au plus haut faîte de l'animalité, tandis que la monade microscopique en paraît être la base initiale, on peut concevoir comme un grand corps, essentiellement uni, tout le règne animal, quel que soit le nombre ou la diversité de ses embranchements ou de ses classes. Certes, les végétaux, dans leurs tribus les plus perfectionnées, ne constituent pas un seul tronc ascensionnel, pour monter, sans déviation, de la moisissure et du lichen cryptogame à l'herbe monocotylédone, douée des organes sexuels les plus compliqués. De même, on ne s'élève point, dans le règne animal, sans interruption, du polype au ver, à l'insecte, aux crustacés, aux mollusques; on trouve de vastes hiatus entre les animaux invertébrés et vertébrés. Les oiseaux ne lient point les reptiles aux mammifères: il se projette des branches en dehors de chaque classe. Mais toutes ces modifications partielles n'empêchent pas le déploiement général de l'animalité dans ses attributions les plus importantes. Ainsi, le cerveau du ver de terre est déjà l'ébauche de celui de l'homme, et l'on reconnaît dans le plus simple des vertébrés, tous les organes principaux de l'humaine structure. Or, cet enchaînement de la série animale se manifeste en petit, dans chaque individu, depuis l'état de fœtus jusqu'au développement complet. Si tout est créations et élaborations successives, toutes les vies s'entretiennent, s'exaltent les unes à la suite des autres; toutes ces existences ne sont que des manifes |