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du bien à un peuple; il éprouva combien -le préjugé et l'habitude opposent de résistance. et d'obstacles aux innovations les -plus salutaires. Il disait souvent que ce que les hommes connaissaient le moins, c'était deur intérêt, et que pour les rendre plus -heureux, il fallait commencer par les éclairer.

Quoique Clément XIV ne fût pas aussi plaisant que Benoît XIV, il avait de la gaité, et il aimait les bons mots, même les pointes. Lorsqu'il tomba de cheval, on lui demanda s'il n'avait pas quelque contusion: Non, répondit-il, mais bien un peu de confusion.

Lorsqu'on lui dit que le cardinal de Bernis avait pris beaucoup d'intérêt à son exaltation: Je le crois volontiers répondit-il, un poëte doit aimer les métamorphoses.

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Un anglais qui passait à Ferney en allant en Italie, offrait à M. de Voltaire de lui rapporter de Rome ce qu'il désirerait : Eh bien ! rapportez-moi, lui dit M. de Voltaire, les oreilles du grand inquisiteur. L'anglais causant familièrement avec Clément XIV, lui conta cette plaisanterie :

Dites de ma part à M. de Voltaire, lai répondit en riant le pape, que notre inqui sition n'a plus d'yeux ni d'oreilles.

Le pape Ganganelli disait à un savant suédois (M. Bjornstahl): « Quand j'aurai ter«miné les affaires étrangères que j'ai sur les « bras, je réaliserai un systême de gouvernement que je me suis proposé, et je don« nerai dans Rome une nouvelle vie et un « nouvel éclat aux sciences. J'y érigerai une << académie qui s'occupera des langues, des antiquités et de l'histoire de la ville, et qui sera composée de ce qu'il y a de plus << habile dans l'univers. »

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M. Bjornstahl a fait imprimer la relation d'un voyage qu'il a fait à Rome; il y parle avec la plus grande vénération de Clément XIV; il y relève sur-tout la modeste simplicité avec laquelle il aime à se souvenir et à parler de son état précédent. L'humilité du pape et la fierté des cardinaux, dit le voyageur suédois, forment un contraste très-apparent. Il reçoit avec affection des gens qui, selon sa religion, sont hérétiques et damnés. Olim non erat sic. Il n'y a point d'étranger qui ne célèbre et n'honore l'es prit et les manières de ce pontife. Plusieurs

prélats de sa cour m'ont dentandé, après l'audience, ce que nous pensions du pape. Je leur ai répondu que je voudrais être catholique, si tous les catholiques lui ressemblaient, et qu'ayant beaucoup disputé de religion avec de savans théologiens, aucun ne m'avait donné des preuves aussi touchantes de la bonté de leur doctrine, que ne l'avait fait le pape sans dire un mot de théologie....

On cite de lui des traits plus intéressans encore, parce qu'ils annoncent tout-à-lafois de l'esprit et de la bonté. Le peuple s'empressait un jour pour le voir, et ses gardes écartaient la foule : Laissez approcher ces bonnes gens, dit-il au commandant de ses chevaux-légers, leur amourpropre est flatté de voir un homme de leur classe parvenu à une si grande élévation.

Deux soldats avaient mérité la mort; Ganganelli trouvant la loi trop rigoureuse, voulut qu'il n'y en eût qu'un d'exécuté, et que le sort en décidât; puis, touché de compassion en faveur du malheureux que le sort avait condamné, il dit : J'ai défendu les jeux de hasard, je dois lui faire

grace.

Il semble qu'un prince doux, modeste; humain, juste, populaire, devrait être aimé de son peuple. Il l'avait été dans les premières années de son règne; il ne l'était plus à la fin. Le bled était rare dans toute l'Italie. Le pape donna sa confiance à des hommes suspects, et fit faire des opérations qui renchérirent le grain. Il n'y a point de bonne administration pour un peuple qui meurt de faim. Que lui importe alors les vertus et les talens de son souverain? Sous le meilleur des gouvernemens, il ne demande, il n'espère que le plus étroit nécessaire. S'il manque de pain, que pourrait lui faire de pire le plus cruel des tyrans? Le peuple de Rome s'en prenait de la disette des grains à Ganganelli, qui, pour l'appaiser, s'avisa un jour d'abréger le tems des spectacles, en y substituant des prières publiques. Les anciens romains ne demandaient que du pain et des spectacles.

Clément XIV ôtait aux romains modernes les spectacles pour les consoler du pain qui leur manquait; plaisante politique, assez semblable à celle de Sganarelle, à qui sa femme dit que ses enfans lui demandent du pain, et qui répond: Donne-leur le fouet.

Clément XIV, né le 31 octobre 1705, élu pape le 19 mai 1769, mourut le 21 Septembre 1774: On a observé, comme un hasard en effet remarquable, que. SixteQuint, sorti, comme Ganganelli, de l'ordre de Saint-François, était mort comme lui, soupçonné d'avoir été empoisonné, après avoir régné, de même, cinq ans quatre mois trois jours. Sixte-Quint, à la sollicitation de l'Espagne, avait pensé à supprimer la société de Jésus, ou du moins à la réformer. Clément XIV eut avec ce pape d'autres rapports assez singuliers. On aime à relever ces jeux du hasard, quoiqu'il n'y ait aucune instruction à en recueillir.

On a imprimé quelques lettres de ce pape, qui ajoutent encore à l'idée qu'on avait de son caractère et de son esprit. II y en a une sur-tout qui mérite d'être lue. Elle est adressée à un maître de novices, et contient des conseils sur la manière de gouverner ses élèves. Ces conseils sont pleins de sagesse, de raison, d'humanité et de connaissance des hommes.

Ecartez l'espionnage, dit-il, il éteint dans des ames encore neuves la candeur, la confiance et l'amitié ; il rend les

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