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des, qu'au milieu des révolutions de leur gouvernement et de leurs mœurs, même long-tems après que l'ordre des druïdes fut détruit et que la religion nationale fut changée, les Bardes florissaient encore, non comme une troupe de chanteurs errans, tels que du les rapsodes des grecs, tems d'Homère, mais comme un ordre d'hommes très-considéré dans l'état, et soutenu par un établissement public. Ils ont subsisté presque jusqu'à notre tems, sous le même nom, et exerçant les mêmes fonctions qu'autrefois en Irlande et dans le nord de l'Ecosse. On sait que dans l'un et dans l'autre de ces pays, chaque régulus ou chef avait son Barde, qui était regardé comme un officier considérable de la cour; il avait des terres qui lui étaient assignées, et qui passaient à sa postérité. On trouve dans les poëmes d'Ossian un grand nombre d'exemples de la considération qu'on avait pour

les Bardes.

Si l'on étudie l'histoire ancienne des peuples de l'Orient, on y trouve des poëtes musiciens à la suite des princes. Le poëte Chéryle, qui accompagnait Alexandre dans son expédition de l'Inde, était un de ces

poëtes ambulans; mais il ne paraît pas qu'il fut traité avec la distinction dont les Bardes jouissaient chez les celtes. Il s'offrit pour chanter les exploits d'Alexandre, qui ne le permit qu'à la condition que le poëte recevrait une pièce d'or pour chaque bon vers, et un soufflet pour chaque mauvais. L'ancien scoliaste Horace, qui nous a trasmis cette anecdote, ajoute que ce malheureux poëte fut souffleté à mort par une suite de cette singulière convention.

Les portraits de Démodocus et de Phémius, qu'Homère a introduits dans l'Odissée pour célébrer son art, prouvent que les poëtes de son tems étaient des improvisateurs ambulans, semblables aux Bardes des celtes, aux scaldes des scandinaves, aux troubadours et aux ménestrels des tems plus modernes. Comme ceux-ci, les rapsodes grecs poëtes et musiciens, allaient chanter chez les grands dans les fêtes et les festins et en étaient bien traités.

Ces poëtes passaient pour être inspirés ; on regardait l'enthousiasme subit dont ils semblaient saisis, comme une véritable inspiration de la Divinité : on croyait qu'ils disaient ce dont ils n'avaient pas même

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la connaissance. Voyez l'IoN de Platon. Poëte et prophète (Vates) étaient deux noms synonymes. Dans le huitième livre de l'Odissée, Démodocus ayant amusé ses hôtes du récit de quelques aventures de la guerre de Troie, Ulysse lui dit : «< Vous << avez chanté ces faits d'une manière très«< intéressante, et comme si vous en aviez « été témoin; mais chantez à présent l'aven«ture d'Ulysse dans le cheval de bois, telle

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qu'elle s'est passée, et je reconnaîtrai que << les dieux vous ont inspiré vos chants. >> Démodocus se met à chanter cet évènement, et Ulysse en pleurant reconnaît la vérité.

Dans les tems plus modernes, les califos et les autres princes de l'Orient avaient leurs Bardes. Le chevalier Maundeville, qui voyageait dans le Levant en 1340, rapporte dans sa relation, que lorsque l'empereur du Cathay, ou le grand khan de Tartarie est à table avec les grands de sa cour, personne n'est assez hardi pour lui adresser la parole, excepté ses musiciens chargés de le divertir. Le même voyageur dit que ces chanteurs de cour étaient des officiers distingués de l'empereur. Leon

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l'Africain parle aussi des poëtes de cour (poetae curiae), qui étaient à Bagdad vers l'an 990. Ces rapports entre les usages du midi et ceux du nord, ont pu faire croire que l'institution des Bardes avait été transportée de l'Orient en Europe.

C'est une circonstance remarquable, que les Bardes celtiques, ainsi que les anciens Bardes de l'Orient et de la Grèce, se distinguaient par la richesse de leurs vêtemens. Hérodote nous dit qu'Arion sauta dans la mer avec les riches habits qu'il portait ordinairement en public (Clio ). Suidas parle de la robe élégante, dans la forme milésienne, que portait le rapsode Antégénide (Str, in Antegen). Virgile, toujours si vrai dans ses peintures, ne manque pas de décrire la robe flottante qui distinguait Orphée, dans son triple emploi de prêtre, de législateur, et de musicien (Eneid. VI, 645.)

Les Bardes ne négligeaient aucun moyen de fortifier et d'étendre l'espèce d'empire que les charmes de leur art leur donnaient sur des peuples ignorans et barbares..

Suivant une ancienne tradition du pays

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de Galles, Edouard Ier., ayant fait la conquête de la province, fit massacrer tous les Bardes. Voici comment le sage Hume raconte le fait « Le roi, persuadé que << rien n'était plus propre à entretenir parmi le peuple les idées de la valeur militaire et le sentiment de son ancienne gloire, que cette poésie traditionnelle qui, jointe aux charmes de la musique et « à la gaîté des fêtes publiques, faisait une impression profonde sur l'esprit des jeu<< nes gens, fit rassembler dans un même lieu « tous les Bardes du pays; et par une poli

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tique, qu'on peut bien appeler barbare; «mais non absurde, ordonna qu'on les «mît à mort. » Quelques auteurs ont contesté ce fait; il semble cependant confirmé par des traditions authentiques et par des raisons assez plausibles. Il parait, par d'anciennes lois du pays de Galles, que ces Bardes, semblables l'ancien Tyrtée, étaient sur-tout employés à exciter le courage des gallois contre les anglais. Nous citerons ici le texte curieux d'une de ces lois : Quandocumque musicus aulicus iverit ad prædam cum domesticis, si illis precinuerit, habebit ju

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