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Aucune ne put le fixer; mais on lui pardonnait ses infidélités, même ses indiscrétions; car, comme il n'avait rien de caché pour ses amis, il n'avait jamais une femme sans leur en faire confidence. Cependant les soins qu'exigeaient les honnêtes femmes, même les moins exigeantes, le gênaient et le rebutaient. Il se répandit parmi les beautés complaisantes qui ornent la capitale. La facilité de ce commerce lui plut beaucoup; mais ses plaisirs ne furent pas toujours purs, et il y trouva quelque amertume.

Sa santé n'était pas forte; cependant il mangeait et buvait comme les hommes les plus robustes. Il ne voulait pas troubler la gaîté d'un souper agréable par une sobriété déplacée, presque toujours incommode pour les autres, et souvent susceptible de ridicule, car il aimait mieux une indigestion qu'un ridicule.

En passant de plaisirs en plaisirs, il se trouva bientôt avec un corps épuisé et une fortune délabrée. On lui dit qu'il fallait songer à prendre un état ; il le sentit et y songea.

Il avait inspiré une véritable passion à Elmire, jeune veuve, belle, honnête et trèsintéressante, qu'il aimait lui-même autant

qu'il pouvait aimer. Cette femme avait fait de grands sacrifices à l'espérance qu'il lui avait donnée de l'épouser; mais elle n'était pas riche: il avait dérangé ses affaires, et il songea qu'il pourrait les rétablir par un bon mariage. On lui proposa la fille d'un millionnaire. Il eut quelques scrupules sur la peine que ce mariage causerait à Elmire ; mais ses amis trouvèrent cette délicatesse exagérée ; il en convint lui-même, et épousa la riche héritière. La tendre veuve se retira dans un couvent, où elle mourut peu de temps après de douleur et d'ennui. Cléon en fut sincèrement affligé; car il était bon homme.

Sa femme était jolie et naïve ; elle l'aima comme une jeune fille qui sort du couvent aime ordinairement son mari, quand elle ne le hait pas. Cléon se crut obligé, par décence et pour sa commodité, de modérer ce sentiment; il traita d'enfance et les caresses, et les jalousies, et les petites exigences de sa femme; il lui dit qu'ils devaient vivre ensemble comme des gens raisonnables. Elle en fut d'abord au désespoir. Un de leurs amis communs tenta de dissiper son chagrin, et le calma un peu. Vingt au

tres consolateurs se succédèrent en une année, et parvinrent à la consoler parfaitement. Cléon se trouva fort à son aise; il se vit successivement père de deux fils et d'une fille, qu'il fit élever de son mieux; mais l'enchaînement des plaisirs et des devoirs de la société ne lui permettait pas de s'occuper de leur éducation; et les dissipations de sa femme, les siennes propres, jointes à l'aversion insurmontable qu'il avait pour toute espèce d'ordre et d'affaires, mirent sa fortune dans un état qui lui permettait encore moins de faire donner à ses enfans les secours dont ils auraient eu besoin pour leur instruction.

Enfin sa femme, égarée par le besoin de multiplier et de varier ses consolations, eut une aventure d'éclat qui la força de se retirer dans un couvent avec sa fille, qui y prit le voile pour délivrer son père de l'embarras de la marier. Les deux fils, presque inconnus à leur père, ont été un peu trop connus du public. Cléon, obligé d'abandonner ses biens à ses créanciers, et de se retirer du grand monde, où il ne lui était plus possible de se montrer, vivait depuis quelques années en fort mauvaise

compagnie, pauvre et accablé d'infirmités, oublié de tous ces honnêtes gens à qui il avait dévoué sa vie, sa réputation et sa fortune, et qui disaient quand on parlait de lui: C'était un homme charmant ; c'est dommage qu'on ne puisse plus le voir!

Enfin il est mort avant l'âge, des suites de sa belle vie, abandonné de sa femmé, de ses enfans, de ses amis et de ses valets; c'était cependant un bon homme que Cléon.

S.

9

DE L'EUROPE,

CONNUS SOUS LE NOM DE BARDES.

Si l'on observe l'histoire des peuples sauvages, on y verra la poésie, unie à la musique, former le premier des arts, avant même que les arts mécaniques les plus communs et les plus nécessaires aux premiers besoins de la vie y fussent établis ;; c'est que le goût comme le talent de la poésie et de la musique, tient à un instinct naturel, d'autant plus énergique et plus impérieux, que l'homme s'est moins altéré par les progrès de la société et de la civilisation.

quer

Ces poëtes musiciens ne pouvaient mand'être très-considérés chez les peuples sauvages; ils les animaient au combat par leurs chansons, et amusaient leurs loisirs dans la paix c'était l'emploi des Bardes chez les celtes et les gaulois.

Les nations celtiques avaient un si grand attachement pour leur poésie et leurs Bar

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