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yeux et qui désole tous les amis de la religion. Il faut donc qu'un état autrefois si grand, si honorable, si recherché ait été rendu par le nouveau régime bien vil, bien abject, bien méprisable pour rebuter ainsi tout le monde.

En effet, quelle perspective offre aujourd'hui parmi nous cet état à ses aspirans? Voyez et jugez: c'est de tous les états celui qui exige la préparation la plus longue et la plus pénible; un jeune homme fait huit ans de classes communes; il reste cinq ans au séminaire appliqué aux études les plus sèches, les plus difficiles, les plus rebutantes pour l'âge du plaisir et de l'imagination. Il faut qu'il se séquestre des amis de son enfance, qu'il renonce à tous les amusemens si chers à la jeunesse, qu'il se prive à jamais des douces jouissances de la famille et de l'espérance de se voir renaître. Qu'aperçoit-il pour le dédommager de tant et de si grands sacrifices? Un traitement de huit cents francs qu'on peut lui enlever à volonté et à toute heure; un ignoble casuel qu'on lui jette avec dédain ou ironie; le séjour dans une paroisse écartée, loin de ses parens

et des personnes de son état, exposé à tous les tourmens de la solitude et de l'ennui. Là il est continuellement livré à la volonté, à l'arbitraire de ses supérieurs, aux caprices des autorités civiles, à la grossièreté, au mépris et aux tracasseries de ses paroissiens, aux délations, aux calomnies, aux persécutions de quiconque veut l'attaquer, sans qu'il lui reste aucun moyen de se défendre. Sans cesse il doit être le serviteur et l'esclave de tout le monde, toujours prêt à obéir et le jour et la nuit; et puis, quand viennent les infirmités contractées à un si rude labeur; quand les veilles et les travaux l'ont usé, on le met à l'écart comme un instrument désormais inutile, on le laisse se suffire comme il peut à lui-même, ou, si l'on vient à son secours, on suppute exactement ce qu'il faut pour l'empêcher de mourir de faim, et l'on finit par déshonorer ses cheveux blancs en lui faisant l'aumône d'un traitement qui lui est dû.

Et vous êtes surpris que personne ne veuille d'un pareil état, que les classes aisées ne lui fournissent plus de sujets, que les parens les plus pauvres, en y poussant leurs enfans, ne

craignent d'en faire des victimes dévouées et des êtres malheureux, et que les jeunes gens eux-mêmes, comme le disent si bien nos évêques dans leur lettre au pape, ne soient rebutés d'avance par les dégoûts et la misère qui les attendent dans l'exercice du saint ministère ! Une seule chose doit étonner : c'est qu'on trouve encore des hommes capables de se vouer à un état si misérable. Un tel dévouement, s'il est calculé, tient de l'héroïsme.

Le nouveau régime attaque donc l'état ecclésiastique jusque dans sa source, et s'il dure encore quelque temps, il finira par faire périr en France le saint ministère et v éteindre le y sacerdoce.

Il attaque encore directement la religion et lui porte les coups les plus terribles. Nous avons cru devoir consacrer un cha

pitre particulier à cet effrayant résultat.

CHAPITRE V.

Résultats du changement par rapport à la religion.

La religion chrétienne n'est point un être de raison. Elle existe par elle-même, toujours grande, noble, divine; toujours indépendante des qualités et de la position du ministre qui l'annonce, également digne de nos respects dans l'abbé Dubois et dans Fénelon, dans un prêtre ignorant et dans Bossuet; mais le petit nombre peut seul la voir à cette hauteur et la séparer ainsi de l'homme. Pour le peuple elle n'existe dans le prêtre; elle s'identifie avec le prêtre; elle est, si nous l'osons dire; incarnée dans le prêtre.

que

Elle doit donc suivre toujours les destinées du sacerdoce, grandir et décroître avec lui, partager sa gloire ou son avilissement. C'est pourquoi les législateurs de toutes les nations ont entouré le prêtre d'honneurs, de priviléges, de distinctions, de tout ce qui pouvait relever l'éclat du sacerdoce; bien persuadés que la religion n'aurait sur les esprits d'influence sérieuse qu'autant que ses ministres seraient respectés, et que son action cesserait, qu'elle disparaîtrait elle-même, dès que le prêtre serait avili aux yeux du peuple (1). Si ces vérités éternelles avaient besoin

(1) On convient généralement que le sort de la religion ne peut être séparé du sort de ses ministres, et que l'un dépend essentiellement de l'autre. Cependant tout le monde s'occupe aujourd'hui de religion, et personne ne pense au clergé. On ne daigne pas même s'informer s'il est dans les conditions de force, de dignité, d'influence, que réclament les besoins actuels; on le laisse dans le plus profond oubli. Il est très étonnant qu'on n'aperçoive pas cette inconséquence qui devrait frapper tous les esprits. Les grands écrivains qui ont déterminé le mouvement religieux en Europe ne sont pas eux-mêmes exempts de cette sorte de contradiction. Mais à quoi servira de remettre en honneur les principes de la religion, si on laisse dans l'oubli et l'avilissement les ministres qui seuls peuvent les soutenir et les propager?

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