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Commençons avec allégresse à publier les miséricordes que notre bon Père exerce sur nous, lorsqu'il daigne nous appeler à la gloire de son royaume. Disons, confessons, publions que nous n'y pouvons entrer que par grâce, par un pur effet de bonté, par un sentiment de miséricorde. Et le Sauveur nous le dit dans notre Évangile misericordiam consequentur 1, « ils obtiendront << miséricorde. »> Quelle est cette miséricorde que le Fils de Dieu leur promet? Je soutiens que c'est la vie éternelle : regnum cœlorum3, « le royaume « des cieux : » Deum videbunt 4, « ils verront «Dieu : » possidebunt terram 5, « ils posséderont la terre: » ferram viventium << la terre des vi⚫vants: » saturabuntur 7, « ils seront rassasiés : » inebriabuntur 8, « ils seront enivrés : » Satiabor cùm apparuerit gloria tua 9, « Je serai ras«sasié lorsque votre gloire se manifestera : » consolabuntur 1o, « ils seront consolés : » Absterget Deus omnem lacrymam 1, « Dieu essuiera toutes les larmes : » ainsi, misericordium consequentur, « ils obtiendront la miséricorde. »

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6

En effet, que pouvons-nous espérer, misérables bannis, enfants d'Ève, c'est-à-dire, enfants de colère, enfants de malédiction, naturellement ennemis, chassés du paradis de délices? Si l'on nous rappelle à notre patrie, si l'on nous tire de l'abîme, que devons-nous faire autre chose que de louer la miséricorde de ce charitable Pasteur qui nous a retirés du lac par le sang de son Tes

Matth. v, 7.

* Bossuet s'était contenté de mettre dans son manuscrit les textes latins qu'il emploie dans ce sermon ; il se proposait sans doute d'ajouter la traduction de ces textes, lorsqu'il prècherait. Nous avons donc cru devoir la suppléer aussi dans l'impression. C'est la règle que nous suivrons à l'égard de tous les sermons qui se trouveraient dans le même état. Il nous suffira d'en avoir prévenu le lecteur en commençant, sans être obligés à chaque fois de réitérer l'avertissement. (Edit. de Déforis.)

* Matth, 3.

• Ibid. V, 8.

• Ibid. 4.

Psal. XXVI, 13.

Matth V, 6.

* Ps. XXXV, 9.

Ibid. XVI, 17.

Matth. v, 5.

"Apoc. XXI, L

tament, et nous a reportés au ciel chargés sur ses épaules? Misericordias Domini in æternum cantabo, « Je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur : » in æternum, «éternel«lement; » ce n'est pas seulement dans le temps, mais encore principalement dans l'éternité.

Toutefois on me pourrait dire que cela n'est pas de la sorte; la gloire leur étant donnée comme récompense, il semble que c'est plutôt la justice qui la distribue au mérite, que la miséricorde qui la donne gratuitement. Esprits saints, esprits bienheureux, ne fais-je point tort à vos bonnes œuvres? J'entends un de vous qui dit : Bonum certamen certavi, « J'ai livré un glorieux com<< bat. >> On vous rend la couronne : mais c'est que vous avez combattu: on vous honore; mais vous avez servi: on vous donne le repos; mais vous avez fidèlement travaillé : ce n'est donc pas miséricorde. A Dieu ne plaise, mais c'est cette doctrine qui fait éclater la miséricorde. Expliquons cette doctrine: saint Augustin [ nous l'a développée par ces paroles ]: Reddet omnino Deus, et mula pro malis, quoniam justus est; et bona pro malis, quoniam bonus est; et bona pro bonis, quoniam bonus et justus est 3 : « Dieu nous renadra certainement le mal pour le mal, parce qu'il « est juste: Dieu nous rendra le bien pour le mal, « parce qu'il est bon: enfin Dieu nous rendra le << bien pour le bien, parce qu'il est bon et juste << en même temps. » A cela se rapporte toute la conduite de Dieu envers les hommes. L'une semble diminuer les autres; non point en Dieu : les ouvrages de Dieu ne se détruisent point les uns les autres. Cette justice n'est pas moins justice pour être mêlée de miséricorde; cette grâce n'est pas moins grâce pour être accompagnée de justice: au contraire, c'est le comble de la grâce et de la miséricorde.

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Pour l'entendre encore plus profondément, considérons avec le même saint Augustin de quelle sorte les âmes saintes se présentent devant leur Juge, devant la justice: Redde quod promisisti, fecimus quod jussisti1 : « Rendez, disent-elles, ce que vous avez promis, nous avons « fait ce que vous avez commandé. » Nulle obligation de justice entre Dieu et l'homme. La promesse et l'alliance l'a faite. Elle a mis quelque égalité. Qui a fait l'alliance, et qui a donné la promesse? la miséricorde. La justice la tient; mais la miséricorde la donne. Mais pénétrons encore plus loin. Cette promesse était conditionnelle. Je vous ai promis le ciel : oui, si vous veniez à moi sans

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Qui replet in bonis desiderium 1 : « C'est lui qui
remplit tous nos désirs par l'abondance de ses
biens, en nous traitant selon sa miséricorde.
Amour prévenant dès l'éternité, par lequel il
les a choisis; par quels secrets il a touché leurs
cœurs; le soin qu'il a eu de détourner les occa-
sions, les périls infinis du voyage se connaîtront
à la fin, lorsqu'ils seront arrivés, voyant les dam-
nés, et que la seule miséricorde les a triés : Mise-
ricordia ejus præveniet me2, « Sa miséricorde
<< me préviendra:» Misericordia ejus subsequetur
me « Sa miséricorde m'accompagnera.
» Le

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"

peu de proportion de leurs œuvres avec leur gloire: supra modum, in sublimitate, æternum gloriæ pondus, « un poids éternel d'une gloire « souveraine et incomparable. » Ils ne peuvent comprendre comment une créature chétive a été capable de tant de grandeur. Alleluia: Dieu les loue, ils louent Dieu 5. Vous avez bien fait, leur dit Dieu : quia digni sunt, « parce qu'ils en sont dignes. » C'est vous qui l'avez fait : Omnia opera nostra operatus es in nobis, Domine 7 : « Vous « avez, Seigneur, opéré en nous toutes nos œu« vres. » C'est à ce lieu de paix que nous aspirons; c'est après cette patrie bienheureuse que notre pèlerinage soupire : c'est à cette miséricorde que nous espérons. Se peut-il faire que nous attendions tant de grâces sans en vouloir faire à nos frères? La miséricorde nous environne de toutes parts : Misericordia ejus circumdabit me3. Cet exemple de notre Dieu ne nous attendrit-il pas? Si un maître est indulgent à ses domestiques, il ne peut souffrir les insolents et les fâcheux : il veut que sa douceur serve de loi à toute sa famille. Sous un père si bon que Dieu, quelle douceur pouvonsnous prétendre si nous sommes durs et inexora

Ne voyez-vous donc pas que la justice cherche à récompenser? mais elle ne trouve rien à récompenser que ce qu'a fait la miséricorde. Il a l'habit nuptial, il est juste qu'il soit du banquet; mais cet habit nuptial lui a été [donné] par présent : Datum est illis ut cooperiant se byssino splendenti et candido: « Il leur a été donné de se revêtir d'un fin lin pur et éclatant. » Il faut qu'ils entrent au royaume, parce qu'ils en sont dignes; mais c'est Dieu qui les a faits dignes : leurs œuvres les suivent; mais Dieu les a faites. Dieu ne peut avec justice les rejeter de devant sa face, parce qu'ils sont revêtus de sainteté; mais saint Paul, aux Hébreux: Aptet vos in omni bono, ut facialis ejus voluntatem, faciens in vobis quod placeat coram se per Jesum Christum 3 : « Que Dieu vous rende parfaits en toute bonne œuvre, « afin que vous fassiez sa volonté, lui-même fai<< sant en vous ce qui lui est agréable par Jésus« Christ: » quod placeat coram se,... in omni bono, « ce qui lui est agréable... en toute bonne « œuvre. » C'est une suite de la loi éternelle par laquelle Dieu aime le bien; c'est justice: mais aptet nos, faciat in nobis. Il est juste que cette pierre soit mise au plus haut de cet édifice, qu'elle fasse le chapiteau de cette colonne, qu'elle soit mise en vue sur ce piédestal; mais c'est parce qu'il a plu à l'Ouvrier de la façonner de la sorte. Plus il y a de mérite, plus il y a de grâce : plus il y a de justice, plus il y a de miséricorde. C'est pour-bles? Vous voyez donc déjà, chrétiens, la liaison quoi les vingt-quatre vieillards jettent leurs couronnes aux pieds de l'Agneau 4. Combat de Dieu et de l'homme. Dieu leur donne; voilà la justice: ils la lui rendent par actions de grâces; c'est qu'ils reconnaisent la miséricorde Gratias Deo qui dedit nobis victoriam 5: « Grâces soient rendues « à Dieu qui nous a donné la victoire. » Ravissement des saints en voyant la miséricorde divine: Benedic, anima mea, Domino, qui coronat te in misericordia et miserationibus 6: « O mon âme, s'écrient-ils, bénis le Seigneur, qui te « comble des effets de sa miséricorde et de sa ten« dre compassion. Voyez la miséricorde encore plus evidemment reconnue au couronnement:

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qu'il y a entre la miséricorde reçue et la miséricorde exercée : mais entrons plus profondément dans cette matière, et expliquons notre seconde partie.

SECOND POINT.

Je crois que vous voyez aisément que de tous les divins attributs celui que nous devons reconnaître dans un plus grand épanchement de nos cœurs, c'est sans doute la miséricorde. C'est celui dont nous dépendons le plus : nous ne subsistons que par grâce: il faut la reconnaître en la publiant; la publier en l'imitant: Estofe miseri

II.

1 Psal. CII, 6.
2 Ibid. LVIII,
3 Ibid. XXII, 6.

4 II. Cor. IV, 17.

5 Apoc. XIX, I, 3, 4, 6.

• Ibid. III, 4.

* Isa. XXVI, 12.

8 Psal. XXXI, IŮ.

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cordes, sicut et Pater vester misericors est: Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » Nous ayant faits à son image, il n'aime rien plus en nous que l'effort que nous faisons de nous conformer à ses divines perfections. Saint Paul aux Colossiens, après leur avoir montré la miséricorde divine dans la grâce de leur élection, conclut en ces termes : Induite vos ergo sicut electi Dei, sancti et dilecti: a Revêtez-vous done, comme étant élus de Dieu, saints et bien-aimés, d'entrailles de miséri& corde : " electi, élus, par miséricorde et par grâce: dilecti, bien-aimés, par pure bonté : sancti, saints, par la rémission gratuite de tous vos péchés : Induite vos ergo viscera misericordiæ: « Revêtez-vous donc d'entrailles de miséricorde.» Pouvez-vous mieux confesser la miséricorde que vous recevez, qu'en la faisant aux autres en simplicité de cœur? Si vous êtes durs et superbes sur les misérables, il semble que vous ayez oublié votre misère propre. Si vous la`faites aux autres dans un sentiment de tendresse, vous ressouvenant des grâces; c'est alors que vous honorez ces bienfaits c'est là le sacrifice que demande sa miséricorde : Talibus hostiis promeretur 3: C'est par de semblables hosties qu'on se rend « Dieu favorable. » Il y a un sacrifice de destruction; c'est le sacrifice de la justice divine, en témoignage qu'elle détruit les pécheurs. Mais le propre de la miséricorde, c'est de conserver; il lui faut pour sacrifice conserver les pauvres et les miserables voilà l'oblation qui lui plaît. Vous prétendez au royaume céleste: Dieu vous en a donné la connaissance; il vous y appelle par son Évangile, il vous y conduit par sa grâce: Quid retribuam Domino 4? « Que rendrai-je au Sei* gneur? » Quelle victime lui offrirez-vous? voyez tous ces pauvres malades: offrez-lui ces victimes vivantes et raisonnables, conservées et soulagées par vos charités et par vos aumônes. Ils sont dans la fournaise de la pauvreté et de la maladie ; que ne descendez-vous avec la rosée de vos aumônes? O sacrifice agréable! Viscera sanctorum requieverunt perle, frater 5: « Les cœurs des saints ont ⚫ reçu beaucoup de soulagement de votre bonté, mon cher frère. » A qui cela convient-il mieux, sinon aux pauvres malades? Je ne néglige pas pour cela les autres ; mais je prête ma voix à ceux-ci, parce qu'ils n'en ont point. Voyez quelle est leur nécessité. Nous naissons pauvres; Dieu a commandé à la terre de nous fournir notre nourriture: ceux qui n'ont point ce fonds, imposent un tribut

12.

Luc VI, 36. 2 Colos. III, Hebr. X11, 16 Psal. CXV, 3.

• Philem. 7.

à leurs mains : ils exigent d'elles ce qui est nécessaire au reste du corps: voilà le second degré de misère. Quand ce fonds leur manque par l'infirmité, mais encore y a-t-il quelque recours : la nature leur a donné une voix, des plaintes, des gémissements, dernier refuge des pauvres affligés pour attirer le secours des autres. Ceux dont je parle n'ont pas ces moyens : ils sont contraints d'être renfermés : leurs plaintes ne sont entendues que de leur pauvre famille éplorée, et de quelquesuns de leurs voisins, peut-être encore plus misérables qu'eux. Mais dans l'extrême misère, quand on a l'usage de son esprit libre, la nécessité fait trouver des inventions : le leur est accablé par la maladie, par les inquiétudes, et souvent par le désespoir. Dans une telle nécessité, puis-je leur refuser ma voix?

Combien de malades dans Metz! Il semble que j'entends tout autour de moi un cri de misère : ne voulez-vous pas avoir pitié? leur voix est lasse, parce qu'elle est infirme: moins je les entends, et plus ils me percent le cœur. Mais si leur voix n'est pas assez forte, écoutez Jésus-Christ qui se joint à eux. Ingrat, déloyal, nous dit-il, tu manges et tu te reposes à tonaise; et tu ne songes pas que je suis souffrant en telle maison, que j'ai la fièvre en cette autre ; et que partout je meurs de faim, si tu ne m'assistes. Qu'attendez-vous, cruels, pour subvenir à la pauvreté de ce misérable? Quoi! attendez-vous que les ennemis de la foi en prennent le soin pour les gagner à eux par une cruelle miséricorde? Voulez-vous que votre dureté leur serve d'entrée? Ah! qu'un homme se fait bien entendre, quand il vient donner la vie à un désespéré! Faiblesse d'esprit dans la maladie. Vous voulez qu'ils soient secourus; favorisez donc de tout votre pouvoir cette confrérie charitable qui se consacre à leur service. Aidez ces filles charitables, dont toute la gloire est d'être les servantes des pauvres malades; victimes consacrées pour les soulager. Et ne me dites point: Les pauvres sont de mauvaise humeur, on ne peut les contenter. C'est une suite nécessaire de la pauvreté. Sont-ils de plus mauvaise humeur que ceux auxquels Jésus-Christ disait : O generatio perversa! usquequo patiar vos? adhuc huc filium tuum.« O race incrédule et dépravée ! jusques à

quand vous souffrirai-je? amenez ici votre fils. >> Mais ils ne se contentent pas de ce que nous leur donnons ils veulent de l'argent et non des bouillons, et non des remèdes. Qui le veut? c'est l'avarice. Vous n'êtes pas assemblées pour satifaire à ce que leur avarice désire, mais à ce qu'exige leur nécessité. Mais il n'y a point de fonds? C'est la charité des fideles; et c'est à vous, mesdames,

1 Luc. IX, 41.

à l'exciter. C'est pour cela, mesdames, que vous | Dieu, demandant de le voir dans sa gloire: Tu ne

vous êtes toutes données à Dieu pour faire la quète.

Si la pauvreté dans le christianisme est honorable, vous devez être honorées de faire pour Jésus-Christ l'action de pauvres. Quoi! rougirezvous de demander l'aumône pour Jésus-Christ? Quand est-ce que vous donnerez, si vous ne pouvez vous résoudre à demander? Vous devriez ouvrir vos bourses, et vous refusez de tendre la main! Mais on ne me donne rien. O vanité, qui te mêles jusque dans les actions les plus humbles, ne nous laisseras-tu jamais en repos? Jésus se contente d'un liard; Jésus se contente d'un verre d'eau bien plus, il ne laisse pas de demander aux plus rebelles, aux plus incrédules. Animez-vous donc les unes les autres; mais persévérez. Quelle honte d'avoir commencé! ce serait une hypocrisie. Rien de plus saint: tout le monde y devrait concourir. N'écoutez pas ceux qui disent: Cet œuvre ne durera pas. Il ne durera pas, si vous êtes lâches : il ne durera pas si 'vous manquez de foi, si vous vous défiez de la Providence. Dieu suscitera l'esprit de personnes pieuses pour vous fournir des secours extraordinaires; mais ce sera si vous faites ce que vous pouvez. Quelle consolation: je n'ai qu'un écu à donner; il se partagera entre tous les pauvres,

comme la nourriture entre tous les membres! C'est l'avantage de faire les choses en union. Si chaque membre prenait sa nourriture de luimême, confusion et désordre; la nature y a pourvu : une même bouche. Comme les membres s'assistent les uns les autres, prêtez-leur vos mains, prêtez-leur vos voix. La main prend un bâton pour soutenir le corps au défaut du pied.

Exhortation, en considérant la miséricorde que nous recevons de Jésus-Christ : que lui rendronsnous ? il n'a que faire de nous. Empressement de la reconnaissance : Sauveur, je meurs de honte de recevoir vos bienfaits sans rien rendre; donnez-moi le moyen de les reconnaître. Pressé par ces raisons que la gratitude inspire, il dit : Je te donne les pauvres, ce que tu leur feras, je le tiens pour reçu aux mêmes conditions qu'eux : je veux entrer en leur place. Ne le crois-tu pas ? C'est lui qui le dit. Il a dit que du pain c'était son corps; tu le crois et tu l'adores. Il a dit qu'une goutte d'eau lavait nos péchés; tu le crois, et tu conduis tes enfants à cette fontaine. Il a dit qu'il était en la personne des pauvres; pourquoi refuses-tu de le croire? si tu refuses de le croire, tu le croiras et tu le verras, lorsqu'il dira : Infiret mus, et non visitastis me1: « J'ai été malade, « vous ne m'avez pas visité. » L'homme devant

Matth. XXV, 43.

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D'UN SERMON PRÊCHÉ DANS UNE ASSEMBLÉE DE CHARITÉ.

Le prophète-roi, chrétiens, était entré bien profondément dans la méditation de la dureté et de l'insensibilité des hommes, lorsqu'il adresse à Dieu ces beaux mots : Tibi derelictus est pauper: «O Seigneur, on vous abandonne le pau« vre. » En effet, il est véritable qu'on fait peu d'état des malheureux; chacun s'empresse avec grand concours autour des fortunés de la terre, les pauvres cependant sont délaissés, leur présence même donne du chagrin, et il n'y a que Dieu seul à qui leurs plaintes ne soient point à charge. Puisque tout le monde les lui abandonne, il était digne de sa bonté de les recevoir sous ses ailes, et de prendre en main leur défense. Aussi s'est-il déclaré leur protecteur : parce qu'on méprise leur condition, il relève leur dignité; parce qu'on croit ne leur rien devoir, il impose la nécessité de les soulager; et afin de nous y engager par notre intérêt, il ordonne que les aumônes nous soient une source infinie de grâces. Dans cette maison des pauvres, dans cette assemblée qui se fait pour eux, on ne peut rien méditer de plus convenable que ces vérités chrétiennes; et comme les prédicateurs de l'Évangile sont les véritables avocats des pauvres, je m'estimerai bien

heureux de parler aujourd'hui en leur faveur

Tout le ciel s'intéresse dans cette cause, et je ne doute pas, chrétiens, que je n'obtienne facilement son secours par l'intercession de la sainte Vierge.

1 Luc. XVI, 9. ? Ps. IX. Hebr. X, 14.

DEUXIÈME SERMON

POUR LA FÊTE

DE TOUS LES SAINTS.

Desseins admirables de Dieu sur ses élus : il les a mis audessus de tous ses ouvrages; il se les est proposés dans toutes ses entreprises; il les a inséparablement unis à la personne de son Fils, afin de les traiter comme lui. Merveilles que Dieu opère dans l'exécution de ces grands desseins.

Omnia vestra sunt, vos autem Christi.

107

sieurs, pour nous délivrer de ce blâme, que nous nous entretenions sur ces desseins si admirables de Dieu sur les bienheureux, en ce jour où l'Église est occupée à les congratuler sur leur félicité? Nous ne pouvons rien dire qui contribue plus à leur gloire ni à notre édification. Certes, je l'oserai dire, si la joie abondante dans laquelle ils vivent leur permet de faire quelque différence entre les avantages de leur élection, c'est par là qu'ils estiment le plus leur bonheur, et c'est cela aussi qui nous doit plus élever le courage. Parlons donc, messieurs, de ces desseins admira

Tout est à vous et vous êtes à Jésus-Christ, dit le grand bles. Nous en découvrirons les plus grands secrets apôtre parlant aux justes. I. Cor. in, 22, 23.

dans ce peu de paroles de l'Apôtre que j'ai alléguées pour mon texte, et tout ce discours sera pour expliquer la doctrine de ces quatre ou cinq mots. Nous y verrons que les élus ont eu la préférence dans l'esprit de Dieu, comme il a mis les saints au-dessus de tous ses ouvrages, et qu'il Omnia vestra: « Tout est à vous; » que c'est sur se les est proposés dans toutes ses entreprises : ce premier dessein qu'il a formé tous les autres; elles nous donneront sujet d'expliquer par quel de son Fils, afin d'être obligé de les traiter comme artifice Dieu les a si bien attachés à la personne

lui: vos autem Christi : « et vous êtes à Jésus« Christ. » Après avoir établi ces vérités, il ne me sera pas beaucoup difficile de vous persuader des merveilles qu'il opérera dans l'exécution de ce grand dessein; ce que je tâcherai de faire fort brièvement en concluant ce discours. Joignons Saint-Esprit, par l'intercession de la sainte nos vœux; implorons pour cela l'assistance du Vierge. Ave.

Si nous employions à penser aux grandeurs du ciel la moitié du temps que nous donnons inutilement aux vains intérêts de ce monde, nous ne vivrions pas, comme nous faisons, dans un mépris si apparent des affaires de notre salut. Mais tel est le malheur où nous avons été précipités par notre péché : ce tyran ne s'est pas contenté de nous faire perdre le royaume dans l'espérance duquel nous avions été élevés ; il nous a tellement ravalé le courage, que nous n'oserions quasi plus aspirer à sa conquête, quelque secours qu'on nous offre pour y rentrer. A peine nous en a-t-il laissé un léger souvenir; et s'il nous en reste quelque vieille idée qui ait échappé à cette commune ruine, cette idée, messieurs, n'a pas assez de force pour nous émouvoir : elle nous touche moins que les imaginations de nos songes. Ce qui est plus cruel, c'est qu'il ne nous donne pas seulement le loisir de penser à nous. Il nous entretient toujours par de vaines flatteries; et, comme il n'a rien qui nous puisse entièrement arrêter, toute sa malice se tourne à nous jeter dans une perpétuelle inconstance, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, et nous faire passer cette misérable vie dans un enchaînement infini de désirs incertains, vagues, et de prétentions mal fondées. Cela fait que nous ne concevons qu'à demi ce qui regarde l'autre vie : ces vérités ne tiennent point à notre âme déjà préoccupée des erreurs des sens. En quoi nous sommes semblables à ces insensés, desquels parle le Sage, qui, sans prendre garde aux grands desseins que Dieu avait conçus dès l'éternité pour ses saints, s'imaginaient qu'ils fussent enveloppés dans le même C'est une chose prodigieuse de voir l'exécution destin que les impies, parce qu'ils les voyaient des desseins de Dieu. Il renverse en moins de rien sujets à la même nécessité de la mort: Videbunt les plus hautes entreprises; tous les éléments chanfinem sapientis, et non intelligent quid cogi- gent de nature pour lui servir; enfin il fait pafinem sapientis, et non intelligent quid cogi-raître dans toutes ses actions qu'il est le seul Dieu

taverit de eo Dominus ' : « Ils verront la fin du

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sage, et ils ne comprendront point le dessein de « Dieu sur lui » Souffrirez-vous pas bien, mesSap. IV, 17

PREMIER POINT.

Pour nous représenter quelle sera la félicité des enfants de Dieu en l'autre vie, il faut considérer premièrement en gros combien elle doit être grande et inconcevable, afin de nous en imprimer l'estime; et après il faut voir en quoi elle consiste, pour avoir quelque connaissance de ce que nous désirons.

Pour ce qui regarde la première considération, nous la pouvons prendre de la grandeur de Dieu et de l'affection avec laquelle il a entrepris de donner la gloire à ses enfants.

et le créateur du ciel et de la terre. Or il s'agit ici de l'accomplissement du plus grand dessein de Dieu, et qui est la consommation de tous ses ouvrages.

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