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tions, enfantées par le fanatisme oriental, et diversement modifiées par les circonstances et les préjugés de ceux qui se sont depuis donnés pour des inspirés, pour des envoyés de Dieu, pour des interprêtes de ses volontés nouvelles.

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Vous frémissez des horreurs que l'esprit intolérant des chrétiens leur a fait commettre, toutes les fois qu'ils en ont eu le pouvoir; vous sentez qu'une religion, fondée sur un Dieu sanguinaire, ne peut être qu'une religion de sang; vous gémissez de cette phrénésie, qui s'empare dès l'enfance de l'esprit des princes et des peuples, et les rend également esclaves de la superstition et des prêtres, les empêche de connoître leurs véritables intérêts, les rend sourds à la raison, les détourne des grands objets qui devroient les occuper. Vous reconnoissez qu'une religion fondée sur l'enthousiasme ou sur l'imposture, ne peut avoir de principes assurés, doit être une source éternelle de disputes, doit toujours finir par causer des troubles, des persécutions et des ravages, sur-tout lorsque la puissance politique se croira indispensablement obligée d'entrer dans ses querelles. Enfin, vous allez jusqu'à convenir qu'un bon chrétien, qui suit littéralement la conduite que l'évangile lui prescrit comme la plus parfaite, ne connoît en ce monde aucun des rapports sur lesquels la vraie morale est fondée, et ne peut être qu'un misantrope inutile s'il manque d'énergie, et n'est qu'un fanatique turbulent s'il a l'ame échauffée.

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Après ces aveux, comment peut-il se faire que vous jugiez que mon ouvrage est dangereux ? Vous me dites sage doit penser pour lui seul; qu'il faut une religion, bonne ou mauvaise, au peuple; qu'elle est un frein nécessaire aux esprits simples et grossiers, qui sans elle n'auroient plus de motifs pour s'abstenir du

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crime et du vice. Vous regardez la réforme des préjugés religieux comme impossible; vous jugez que les princes, qui peuvent seuls l'opérer, sont trop intéressés à maintenir leurs sujets dans un aveuglement dont ils profitent. Voilà, si je ne me trompe, les objections les plus fortes que vous m'ayez faites, je vais tâcher de les lever.

D'abord je ne crois pas qu'un livre puisse être dangereux pour le peuple. Le peuple ne lit pas plus qu'il ne raisonne; il n'en a ni le loisir, ni la capacité : d'un autre côté, ce n'est pas la religion, c'est la loi qui contient les gens du peuple, et quand un insensé leur droit de voler ou d'assassiner, le gibet les avertiroit de n'en rien faire. Au surplus, si par hazard il se trouvoit parmi le peuple un homme en état de lire un ouvrage philosophique, il est certain que cet homme ne seroit pas communément un scélérat à craindre.

Les livres ne sont faits que pour la partie d'une nation, que les circonstances, son éducation, ses sentimens, mettent au-dessus du crime. Cette portion éclairée de la société, qui gouverne l'autre, lit et juge les ouvrages; s'ils contiennent des maximes fausses ou nuisibles, ils sont bientôt ou condamnés à l'oubli, ou dévoués à l'exécration publique : s'ils contiennent des vérités, ils n'ont aucun danger à courir. Ce sont les fanatiques, les prêtres et les ignorans, qui font les révolutions; les personnes éclairées, désintéressées et sensées, sont toujours amies du repos.

Vous n'êtes point, Monsieur, du nombre de ces penseurs pusillanimes, qui croyent que la vérité soit capable de nuire : 'elle ne nuit qu'à ceux qui trompent les hommes, et elle sera toujours utile au reste du genre humain. Tout a dû vous convaincre depuis long-tems que tous les maux, dont notre espèce est affligée, ne

viennent que de nos erreurs, de nos intérêts mal entendus, de nos préjugés, des idées fausses que nous attachons aux objets.

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En effet, pour peu que l'on ait de suite dans l'esprit il est aisé de voir que ce sont en particulier les préjugés religieux qui ont corrompu la politique et la morale. Ne sont-ce pas nos idées religieuses et surnaturelles qui firent regarder les souverains comme des dieux ? C'est donc la religion qui fit éclore les despotes et les tyrans; ceux-ci firent de mauvaises loix (2); leur exemple corrompit les grands; les grands corrompirent les peuples; les peuples viciés devinrent des esclaves malheureux, occupés à se nuire, pour plaire à la grandeur, et pour se tirer de la misère. Les Rois furent appellés les images de Dieu; ils furent absolus comme lui; ils créèrent le juste et l'injuste, leurs volontés sanctifièrent souvent l'oppression, la violence, la rapine; et ce fut par la bassesse, par le vice et le crime, que l'on obtint la faveur. C'est ainsi que les nations se sont remplies de citoyens pervers qui, sous des chefs corrompus par des nations religieuses, se firent continuellement une guerre ouverte ou clandestine, et n'eurent aucuns motifs pour pratiquer la vertu.

Dans des sociétés ainsi constituées, que peut faire la religion? Ses terreurs éloignées, ou ses promesses ineffables, ont-elles jamais empêché les hommes de se livrer à leurs passions, ou de chercher le bonheur par les voies les plus faciles: Cette religion a-t-elle influé sur les mœurs des souverains, qui lui doivent leur pouvoir divin? Ne voyons-nous pas des princes, remplis de foi, entreprendre à chaque instant les guerres

(1) Cette vérité est dans tout son jour dans les Recherches sur l'ori gine du Despotisme oriental.

les plus injustes; prodiguer inutilement le sang et les biens de leurs sujets; arracher le pain des mains du pauvre, pour augmenter les insatiables; permettre et même ordonner le vol, les concussions, les injustices? Cette religion, que tant de souverains regardent comme l'appui de leur trône, les rend-elle donc plus humains, plus réglés, plus tempérans, plus chastes, plus fidèles à leur serment? Hélas! pour peu que nous consultions l'histoire, nous y verrons des souverains orthodoxes, zélés et religieux jusqu'au scrupule, être en même tems des parjures, des usurpateurs, des adultères, des voleurs, des assassins, des hommes enfin qui agissent comme s'ils ne craignoient point ce Dieu qu'ils honorent de bouche. Parmi ces courtisans qui les entourent, nous verrons un alliage continuel de christianisme et de crime, de dévotion et d'iniquité, de foi et de vexations, de religion et de trahisons. Parmi ces prêtres d'un Dieu pauvre et crucifié, qui fondent leur existence sur sa religion, qui prétendent que sans elle il ne peut y avoir de morale, ne voyons-nous pas régner l'orgueil, l'avarice, la lubricité, l'esprit de domination et de vengeance (2) Leurs prédications continuelles et réitérées depuis tant de siècles, ont-elles véritablement influé sur les mœurs des nations? Les conversions, que leurs discours opèrent, sont elles vraiment utiles? Changent-elles les cœurs des peuples qui les écoutent? De l'aveu même de ces docteurs, ces conversions sont très-rares, ils vivent toujours dans la

(1) Quand nous nous plaignons des désordres des prêtres, on nous ferme la bouche en disant qu'il faut faire ce qu'ils disent et ne pas faire ce qu'ils font. Quel'e confiance pouvons nous donner en des médecins qui, lorsqu'ils ont les mêmes maux que nous, ne veulent jamais se servir des mèmes remèdes qu'ils prescrivent ?

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lie des siècles; la perversité humaine augmente chaque jour, et chaque jour ils déclament contre des vices et des crimes, que la coutume autorise, que le gouvernement encourage, que l'opinion favorise, que le pouvoir récompense, et que chacun se trouve intéressé à commettre, sous peine d'être malheureux.

Ainsi, de l'aveu même de ses ministres, la religion, dont les préceptes ont été inculqués dès l'enfance et se répétent sans relâche, ne peut rien contre la dépravation des mœurs. Les hommes mettent toujours la religion de côté, dès qu'elle s'oppose à leurs desirs, ils ne l'écoutent que lorsqu'elle favorise leurs passions, lorsqu'elle s'accorde avec leur tempérament, et avec les idées qu'ils se font du bonheur. Le libertin s'en moque, lorsqu'elle condamne ses débauches: l'ambitieux la méprise lorsqu'elle met des bornes à ses vœux; l'avare ne l'écoute point, lorsqu'elle lui dit de répandre des bienfaits; le courtisan rit de sa simpliciré, quand elle lui ordonne d'être franc et sincère. D'un autre côté, le souverain est docile à ses leçons, lorsqu'elle lui dit qu'il est l'image de la divinité; qu'il doit être absolu comme elle; qu'il est le maître de la vie et des biens de ses sujets; qu'il doit les exterminer, quand ils ne pensent point comme lui. Le bilieu écoute avidement les préceptes de son prêtre, quand il lui ordonne de haïr; le vindicatif lui obéit, quand il lui permet de se venger lui-même, sous prétexte de venger son Dieu. En un mot, la religion ne change rien aux passions des hommes, ils ne l'écoutent, que lorsqu'elle parle à l'unisson de leurs désirs; elle ne les change qu'au lit de la mort alors leur changement est inutile au monde, et le pardon du ciel, que l'on promet au repentir infructueux des mourans, encourage les vivans à persister dans le désordre jusqu'au dernier

instant.

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