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prêtres eux-mêmes attendent du prince les objets de leurs desirs, et la plupart d'entr'eux sont toujours disposés à lui sacrifier les intérêts prétendus de la religion et de la conscience, quand ils jugent ce sacrifice nécessaire à leur fortune.

Si l'on me dit que les princes se croiront toujours intéressées à maintenir la religion et à ménager ses ministres, au moins par politique, lors même qu'ils se seront détrompés intérieurement; je réponds qu'il est aisé de convaincre les souverains par une foule d'exemples, que la religion chrétienne fut cent fois nuisible à leurs pareils; que le sacerdoce fut et sera toujours rival de la royauté; que les prêtres chrétiens sont par leur essence les sujets les moins soumis; je réponds qu'il est facile de faire sentir à tout prince éclairé que son intérêt véritable est de commander à des peuples heureux; que c'est du bien-être qu'il leur procure, que dépendra sa propre sûreté et sa propre grandeur; en un mot, que son bonheur est lié à celui de son peuple, et qu'à la tête d'une nation, composée de citoyens honnêtes et vertueux, il sera bien plus fort, qu'à la tête d'une troupe d'esclaves ignorans et corrompus, qu'il est forcé de tromper pour pouvoir les contenir, et d'abreuver d'impostures pour en venir à bout.

Ainsi, ne désespérons point que quelque jour la vérité ne perce jusqu'au trône. Si les lumières de la raison et de la science ont tant de peine à parvenir jusqu'aux princes, c'est que des prêtres intéressés et des courtisans faméliques cherchent à les retenir dans une enfance perpétuelle; leur montrent le pouvoir et la grandeur dans des chimères, et les détournent des objets nécessaires à leur vrai bonheur. Tout souverain qui aura le courage de penser par lui-même, sentira

que sa puissance sera toujours chancelante et précaire tant qu'elle n'aura d'appui que les fantômes de sa religion, les erreurs des peuples, les caprices du sacerdoce. Il sentira les inconvéniens resultans d'une administration fanatique, qui jusqu'ici n'a formé que des ignorans présomptueux, des chrétiens opiniâtres et souvent turbulens, des citoyens incapables de servir l'état, des peuples imbécilles, prêts à recevoir les impressions des guides qui les égarent; il sentira les ressources immenses que mettroient dans ses mains les biens si longtems usurpes sur la nation par des hommes inutiles, qui, sous prétexte de l'instruire, la trompent et la dévorent (1). A ces fondations religieuses, dont le bon sens rougit, qui n'ont servi qu'à récompenser la paresse, qu'à entretenir l'insolence et le luxe, qu'à favoriser l'orgueil sacerdoral, un Prince ferme et sage substituera des établissemens utiles à l'état, propres à faire germer les talens, à former la jeunesse, à récompenser les services et les vertus, à soulager les peuples, à faire éclore des citoyens.

Je me flatte, Monsieur, que ces réflexions me disculperont à vos yeux. Je ne prétends point aux suffrages de ceux qui se croient intéressés aux maux de leurs concitoyens; ce n'est point eux que je cherche à convaincre; on ne peut rien prouver à des hommes vicieux et déraisonnables. J'ose donc espérer que vous cesserez de regarder mon livre comme dangereux et mes espérances comme totalement chimériques. Beaucoup

(1) Quelques personnes ont cru que le clergé pouvoit servir quelquefois de barrière au despotisme, mais l'expérience suffit pour prouver que jamais ce corps n'a stipulé que pour lui même. Ainsi l'intérêt des nations et celui des bons souverains trouve que ce corps n'est absolument bon à rien.

d'hommes sans mœurs ont attaqué la religion, parce qu'elle contrarioit leurs penchans; beaucoup de sages l'ont méprisée, parce qu'elle leur paroissoit ridicule; beaucoup de personnes l'ont regardée comme indifférente, parce qu'elles n'en ont point senti les vrais inconvéniens: comme citoyen, je l'attaque, parce qu'elle me paroit nuisible au bonheur de l'état, ennemie des progrès de l'esprit humain, opposée à la saine morale, dont les intérêts de la politique ne peuvent jamais se séparer. Il me reste à vous dire avec un poëte ennemi, comme moi, de la superstition:

Dede manus ?

Si tibi vera videtur,

et si falsa est, accingere contra

Je suis, etc....

Paris, le 4 mai, 1758.

DÉVOILÉ,

Ou examen des principes et des effets de la religion chrétienne.

Superstitio error insanus est, amandos timet, quos colit violat: quid enim interest, utrùm Deos neges, an infames?

SENEC. EP. 12.

CHAPITRE PREMIER.

INTRODUCTIO N.

De la nécessité d'examiner sa religion, et des obstacles l'on rencontre dans cet examen,

que

UN être raisonnable doit dans toutes ses actions se

proposer son propre bonheur et celui de ses semblables. La religion, que tout concourt à nous montrer comme l'objet le plus important à notre félicité temporelle et éternelle, n'a des avantages pour nous, qu'autant qu'elle rend notre existence heureuse en ce monde, et qu'autant que nous sommes assurés qu'elle remplira les promesses flatteuses qu'elle nous fait pour un autre, Nos devoirs envers le Dieu que nous regardons comme le maître de nos destinées, ne peuvent être fondés que sur les biens que nous en attendons, ou sur les maux que nous craignons de sa part: il est donc nécessaire

que l'homme examine les motifs de ses craintes; il doit pour cet effet, consulter l'expérience et la raison, qui seules peuvent le guider ici-bas; par les avantages que la raison lui procure dans le monde visible qu'il habite, il pourra juger de la réalité de ceux qu'elle lui fait espérer dans un monde invisible, vers lequel elle luî ordonne de tourner ses regards.

Les hommes, pour la plupart, ne tiennent à leur religion que par habitude; ils n'ont jamais examiné sérieusement les raisons qui les y attachent, les motifs de leur conduite, les fondemens de leurs opinions; ainsi la chose, que tous regardent comme la plus importante pour eux, fut toujours celle qu'ils craignirent le plus d'approfondir; ils suivent les routes que leurs pères leur ont tracées; ils croient, parce qu'on leur a dit dès l'enfance qu'il falloit croire. ils espèrent, parce que leurs ancêtres ont espéré; ils tremblent, parce que leurs devanciers ont tremblé; presque jamais ils n'ont daigné se rendre compte des motifs de leur croyance. Très-peu d'hommes ont le loisir d'examiner, ou la capacité d'envisager les objets de leur vénération habituelle, de leur attachement peu raisonné, de leurs craintes traditionnelles; les nations sont toujours entraînées par le torrent de l'habitude, de l'exemple, du préjugé; l'éducation habitue l'esprit aux opinions les plus monstrueuses, comme le corps aux attitudes les plus génantes: tout ce qui a duré long-tems paroît sacré aux hommes; ils se croiroient coupables, s'ils portoient leurs regards téméraires sur les choses revêtues du sceau de l'antiquité prévenus en faveur de la sagesse de leurs pères, ils n'ont point la présomption d'examiner après eux; ils ne voient point que de tout tems l'homme fut la dupe de ses préjugés, de ses espérances et de ses craintes, et que les mêmes raisons lui ren

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