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teurs, c'est un genre dans lequel l'auteur a depuis longtems fait preuve d'une incontestable supériorité : mais ne peut-on pas y voir aussi les tourmens que cause dans une âme le vide de la foi, l'absence de Dieu indignement chassé? Pas un Chrétien n'en doute et la Revue des Deux-Mondes est presque de leur avis, comme nous le verrons.

Les mêmes observations s'appliquent très-exactement à la preuve tirée du succès des prédications modernes; on peut demander encore où et en quoi le succès se manifeste. M. de Lamennais répond qu'il chasse les démons en masse, qu'il ramène les pécheurs ; « Ecoutez la » voix de l'esprit, dit-il,................................... sur le passage de cette voix, les » morts se lèvent et marchent vers une terre que leurs yeux ne voient » point (p. 351). » Ces morts qui marchent et qui n'y voient rien, qui les a vus? comment les journaux, qui inventent des nouvelles,plutôt que de n'en pas imprimer, ne nous ont-ils pas conté celle-là? Mais c'est de la métaphore, de l'allégorie! A la bonne heure, et les conversions lamennaisiennes aussi. D'ailleurs le prophète ne cache pas que le fruit de ses travaux et de ses souffrances est encore à venir : « Une génération sème, une autre moissonne (p. 355). » Et la nôtre n'a guère l'apparence d'être la moissonneuse : « Semez, mais en » sachant que vous semez pour un tems que vous ne verrez point. La » plante céleste croîtra, mais son ombre ne recouvrira que vos cen » dres (p. 144). » Quelle foi robuste! Pour nous, si nous étions des disciples de M. de Lamennais, nous renverrions à l'époque de la récolte pour nous prononcer sur la valeur de la semence.

4. Autres preuves de la mission des prophètes : la pureté du cœur. Mais M. de Lamennais n'est pas réduit aux preuves qui viennent d'être énumérées, il en a une autre qu'il tient en réserve, comme une petite batterie contre ceux qui le presseraient trop sur ses titres d'envoyé céleste : ils sauront qu'ils courent grand risque de n'avoir pas le cœur droit ni la conscience pure : « L'œil pur de la conscience >> reconnaît aussitôt la doctrine de vie, et ne demande point d'autre » preuve (p. 268). » « Est-ce vraiment Dieu qui envoie Jésus? où en est la preuve? dans ce qu'il dit, dans ce qu'il fait, dans l'instinct de la » multitude, dans l'écho que sa voix éveille au fond des cœurs simples » et droits (p. 139), » « La mission de Jésus et celle de Jean se justi

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» fiaient assez par elles-mêmes, par le caractère intrinsèque de vérité » et de sainteté qui frappait la conscience du peuple dont l'acquies>> cement achevait d'en former la sanction. On voit ici comment >> s'opèrent les transformations, les développemens qu'implique la loi » du progrès, loi première de l'humanité et de la création toute » entière................. La plante nouvelle vient de celui de qui tout >> vient (p. 179).

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Véritablement, personne, du moins parmi les Catholiques, ne doute que toute plante ne vienne de Dieu, comme la Genèse l'enseigne ; mais cela n'empêche pas que certains végétaux portent en eux un poison mortel; de même, si l'on veut, aucune doctrine ne se produit sans la permission de Dieu, et néanmoins bien des doctrines sont la mort de l'âme et de la société : comment les éviter, encore une fois?

Outre la pureté de cœur, on trouve ici un autre moyen, l'interprétation de l'Évangile par les peuples; c'est une vieille idée républicaine qui trouve place dans le nouvel Évangile, mais convenablement corrigée et amendée, comme nous allons le montrer.

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5. L'assentiment populaire.

M. l'abbé Gerbet avait fait à ce sujet les réflexions qu'on va lire : « Placer le critérium du Christianisme dans la conscience des peuples » abandonnés à eux-mêmes, dans ce pêle-mêle d'ignorance, de pas»sion et d'oubli de Dieu... c'est intervertir l'économie de la rédemp» tion, en plaçant la règle de la foi qui sauve, la loi de l'esprit, dans les jugemens du monde où prédomine la loi de la chair. Il y a au » fond de cette doctrine une adoration idolâtrique de la nature cor» rompue, une prostitution de la vérité régénératrice....... N'est-ce » pas infliger un outrage à la sainte et pudique foi, que de la livrer >> en proie à je ne sais quel suffrage populaire, dans lequel, sans par>>ler de la masse des indifférens, des hommes frivoles, oublieux de » leur salut, les Robespierre et les Arétin apporteraient leur voix tout » aussi bien que Fénelon et sainte Thérèse, pour interpréter le ser» mon de la montagne sur la mansuétude et l'humilité évangéliques, et >> les maximes de saint Paul sur l'excellence de la virginité 1? » M. de

Réflexions sur la chute de M. l'abbé de Lamennais. p. 34, 35 et 36.

Lamennais semble avoir peu profité de ces observations, mais, in vitium ducit culpæ fuga.

6. Le peuple éclairé par les anges, et l'origine de la mission remontant à celui qui la reçoit,

Ainsi c'est bien toujours l'assentiment du peuple qui forme le critérium de la vérité : « Le Christianisme que les disciples ne com» prennent point, le peuple commence à le comprendre (p. 169). » Mais tout ce qui paraît peuple ne l'est pas réellement : « Il y a un » peuple qui, au moment suprême, s'est laissé entraîner par les » Pontifes à demander la mort de Jésus, et qui les a suivis de» puis (p. 197). » « Le vrai peuple se reconnaît à des signes certains, »` la régularité de la vie, la fidélité aux devoirs, le zèle du bien (p. 218). » Ce peuple n'est point abandonné à lui-même comme le craignait M. l'abbé Gerbet: « C'est au peuple que parlent les Anges, quand » ceux qui l'instruisent ne sauraient que l'égarer (Ibid.). » Ces anges, « ce sont des hommes qui marchent à la tête de l'humanité, la guident » dans la voie qu'elle doit suivre, pour arriver au terme qui lui est assigné, et auxquels de vives intuitions des grandes lois des êtres » sont providentiellement accordées (p. 370). »

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L'auteur de l'Essai sur l'indifférence s'est rendu complétement à la brillante argumentation que lui poussait le Manuel Mallet; il convient aujourd'hui « qu'il est en dehors des masses, et placées » au-dessus d'elles, quelques natures privilégiées auxquelles il est donné de les devancer et de les guider dans la voie de la civilisation » et du progrès....; que le rôle de ces apôtres du progrès est d'en» seigner les masses et de leur préparer les voies..... Noble et sainte » mission, s'écrie-t-on avec enthousiasme, que la Providence a con>> fiée à ces hommes ! » Dans l'économie de l'Église, tous sont enseignés de Dieu, selon la parole évangélique : les philosophes regrettent cet enseignement divin, comme un opprobre pour la raison humaine; ils déclarent absolument que l'homme n'a rien à apprendre d'une révélation extérieure et positive, parce qu'il est capable de tout

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▪ Manuel de Phil.; logique, p.87.

• Joan., vi, 45.

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découvrir tout seul et par ses propres forces; cela fait, et Dieu étant expulsé, au lieu de rendre la liberté à l'espèce humaine, ils se mettent à la place du Très-Haut. Ils s'érigent en docteurs et en instituteurs suprêmes de ceux qu'ils appellent dédaigneusement les masses, et pour ceux-là ce ne sera plus un opprobre de recevoir un enseignement que leur raison n'a pas trouvé, qu'elle n'a pas même songé à chercher, ils seront au contraire trop honorés de suivre fidèlement toutes les variations qué le caprice inspirera à leurs maîtres: c'est là l'égalité et la fraternité que l'on prétend inaugurer en religion, pour relever les hommes de l'humiliation où les retient la hiérarchie catholique le genre humain croira en quelques sophistes, au lieu de croire en Dieu. Mais ce n'est pas ici le lieu de faire le parallèle instructif entre l'Église libérale et l'Église de Jésus-Christ: remarquons seulement que la prétendue interprétation populaire de M. de Lamennais n'est appelée ainsi que parce que le peuple a le bonheur de la recevoir toute faite de ceux qui s'appellent eux-mêmes des anges. Cette théorie pourrait servir de base à une démocratie qui serait fort du goût du czar de toutes les Russies. En parcourant tous les degrés par lesquels M. de Lamennais veut qu'on remonte jusqu'à l'origine de sa mission, on arrive toujours jusqu'à lui, mais pas plus haut: il est lui-même l'envoyant et l'envoyé; or, il dit lui-même : « Si Jésus venait de lui» même, pourquoi l'écouterait-on plus qu'un autre? Qui vient de » soi-même s'en va comme il est venu; c'est ce qui se voit tous les jours (p. 373), » et ce qui se verra dans M. de Lamennais.

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D***.

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Polémique Catholique,

ono

DE

QUELQUES NOUVELLES ASSERTIONS THÉOLOGIQUES

DE M. L'ABBÉ MARET,

ET D'UNE

APOLOGIE DE SON SYSTÈME THÉOLOGIQUE,

PAR LE P. DOM GARDEREAU.

Premier Article.

Il y a longtems que nous aurions cessé de nous occuper de M. l'abbé Maret et de l'école qu'il veut former, si nous n'avions été soutenu par les suffrages des honorables professeurs de théologie et de philosophie qui nous ont écrit sur cette question, ou avec lesquels nous avons pu nous entretenir de vive voix. Mais il n'y en a aucun qui n'ait réprouvé les principes que nous avons attaqués et qui n'ait regardé comme très-dangereuse la voie où l'on veut faire entrer, ou maintenir, l'enseignement et la polémique catholiques, et qui ne nous ait engagé à continuer nos remarques et nos critiques. Dès lors c'est un devoir pour nous de tenir nos lecteurs au courant des publications nouvelles de M. l'abbé Maret, afin de connaître jusqu'à quel point il maintient ou il modifie ses doctrines. C'est ce que nous aurons soin de faire à mesure qu'il expliquera de nouveau sa pensée.

Depuis nos premières critiques, l'honorable professeur de Sorbonne a publié dans le Correspondant du 25 avril dernier un travail intitulé: Le néo-christianisme de M. de Lamennais et sa traduction des évangiles. M. l'abbé Maret ne parle ici en aucune manière de nos critiques; mais comme il lui est impossible d'écrire quoi que ce soit sur l'apologétique chrétienne sans se déclarer pour ou contre nous, il a été forcé de toucher à la plupart des questions débattues entre nous.

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