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avec une admirable vigilance. L'apôtre des nations n'avait-il pas condamné comme sacrilege toutes les altérations de ce dépôt sacré? N'avait-il pas dit encore qu'il ne faudrait pas croire un ange qui prétendrait tenir du ciel un nouvel Évangile 1 ? D'ailleurs, il y a un fait décisif qui prouve l'antipathie qu'avait pour les légendes toute l'Église primitive. Si, comme on le suppose, elle s'est plue à suspendre au gibet sanglant du fils de Marie tant de fleurs de poésie, pourquoi n'a-t-elle pas mis d'autres couronnes sur la tête des disciples du Sauveur, compagnons et continuateurs de son œuvre? Pourquoi a-t-elle conservé avec tant de fidélité la dureté de leurs cœurs, la paresse de leur intelligence, le souvenir de leur abandon, enfin tout ce qui dans l'imagination d'une foule amie du merveilleux devait singulièrement rapetisser les proportions de leur caractère?

Ce n'est pas ainsi qu'agit la poésie légendaire. Elle peint Roland et Renaud tout aussi grands que Charlemagne. Les fils d'Odin dans les Eddas se placent avec une audacieuse majesté autour du trône formidable du Jupiter des Scandinaves. Ici, les choses se seraient passées tout autrement: l'Église primitive qui avait un si grand intérêt à peindre sous des traits merveilleux les premiers prédicateurs de l'Évangile, leur a laissé toute la rudesse prosaïque, les pensées populaires des rudes pêcheurs galiléens. Il est impossible d'admettre tout à la fois, dans l'Église primitive, une extravagante passion du merveilleux en même tems qu'un sentiment si vif de la vérité historique. M. Edgar Quinet disait à Strauss, en parlant des apôtres : Ce sont bien là des hommes et non pas des mythes! Et nous, nous ajouterons avec J.-J. Rousseau: La vie et la mort du fils de Marie sont la vie et la mort d'un Dieu 3.

Le 3e chapitre intitulé: De la plus haute mythique dans ses rapports avec l'histoire évangélique, développe l'opinion personnelle de l'auteur. Lange résume dans une phrase la pensée de ce chapitre : Il est peut-être possible d'établir une idée plus élevée du mythe que

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Voyez les Épitres à Timothée et aux Galates.

2 E. Quinet, All. et Ital., t. 11.

3 J.-J. Rousseau, Émile, prof. de foi du vicaire savoyard; ou J.-J. Apolog. de la religion chrétienne dans les Demonst. de Migne, t. ix, p. 1196.

celle de Strauss, une notion du Mythisme pur, qui non-seulement s'accorderait avec l'histoire évangélique, mais qui s'y trouverait véritablement réalisée. Nous avouerons naïvement n'avoir pas compris toute la portée des considérations transcendentales présentées sur cette question par le pasteur de Duisbourg. Nous allons pourtant essayer de traduire en langage ordinaire les points de la discussion qui touchent de plus près à l'histoire.

La vie des peuples enfans c'est le tems des légendes. Les mythes sont comme un bois sacré qui cache la source profonde des peuples. Quand les nations se séparèrent de la tradition révélée, tout pleins qu'ils étaient de jeunesse, de passions fougueuses et d'imagination, ils produisirent le monde des fables, mélange bizarre des conceptions sensuelles ou sanguinaires. Mais dans le développement de l'histoire, les peuples en vieillissant prennent un caractère positif et pratique. La réalité pâle et sévère déchire les guirlandes fanées de la poésie. Ce n'est pas dans l'âge mûr des nations que se trouvent les vainqueurs des monstres et les Titans audacieux. Auguste n'est pas, comme le fondateur de Rome, allaité par une louve, Thémistocle ne recommence pas les travaux d'Hercule ou de Thésée. Or, la société chrétiennene s'est pas développée dans la jeunesse enthousiaste d'une nation. Le Christ est né sous Auguste, et il est mort sous Tibère. Il est bien vrai qu'on peut dire que la première communauté chrétienne était aussi un peuple nouveau qui allait verser dans les veines épuisées du genre humain un sang plus jeune et plus pur. L'Eglise de ces tems-là ne peut pas être cependant comparée aux peuples primitifs tout bouillans de passions effrénées et dominés par une imagination tour à tour barbare ou sensuelle. Sa jeunesse n'a pas les rêves de l'enfance. Elle n'a pas grandi dans la profondeur mystérieuse des forêts ou des sanctuaires voilés. Elle est née dans la controverse et dans la lumière par le souffle puissant de l'Esprit divin. Elle a, dès les premiers jours de sa vie, foulé aux pieds toutes les illusions orgueilleuses ou sensuelles qui pesaient fatalement sur l'ancien monde. Les premiers disciples du Christianisme n'étaient pas une horde d'Arabes pillards et cruels qui racontent autour des feux d'un bivouac les grossières légendes du désert. La première communauté chrétienne n'était pas un chœur de bacchantes gorgées de vin et de débauches, faisant retentir l'air du III SÉRIE. TOME XIV.- N° 79; 1846.

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bruit des cris sauvages et des cymbales barbares. Il y a de fausses comparaisons qui séduisent les esprits vains et superficiels; mais quand on vient à pénétrer jusqu'à la source même des choses, on s'aperçoit bientôt que le Christianisme est né de la vérité, tandis que a mythologie païenne est née de la passion.

Cependant, nous rencontrons ici une objection que nous avons déjà signalée. Il est incontestable, nous disent nos adversaires, qu'il y a entre la mythique des peuples païens et la théologie du Christianisme des ressemblances profondes et saisissantes. Pierre Le Roux, dans l'Encyclopédie nouvelle, a beaucoup insisté sur ces analogies afin de prouver que les fondateurs du Christianisme n'avaient fait que développer et populari ser tous les principes de l'ancien dogme païen conservé mystérieusement dans les écoles philosophiques ou bien dans les sanctuaires du sacerdoce. Cette objection, qui paraît très-forte au premier coup-d'œil, ne peut véritablement pas supporter l'examen de la science. Ce qui en fait la force c'est la supposition complètement arbitraire que le Sauveur prétendait annoncer à la terre une doctrine jusqu'alors complètement inconnue. Mais si l'on vient à réfléchir que la religion chrétienne se proposait de continuer les révélations de l'Eden et du Sinaï, l'on comprendra facilement que bien avant JésusChrist le Christianisme avait de profondes racines dans l'ancien monde. D'ailleurs, du fond de l'abîme de corruption et de servitude où il était plongé, le genre humain devait rêver sans cesse les merveilles de la réparation future. Il y a tant de sang et de larmes dans toute cette histoire déchirante du vieux monde, qu'on comprend facilement que l'humanité, dans ses rêves ardens, entrevît dans les cieux les premiers rayons du soleil de justice. M. Gerbet, dans son profond ouvrage sur le dogme générateur, a fait sentir d'une manière énergique et vive le besoin perpétuel de la présence de Dieu qui dévorait la société païenne. Ce besoin, d'ailleurs, n'avait-il pas sa racine dans une ancienne promesse faite aux ancêtres de la famille humaine 1? C'est

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Voyez sur ce point l'ouvrage de Schmitt qui a pour titre: De la rédemption du genre humain, traduction Henrion dans les Demonstrations evangéliques de Migne, t. xш, p. 1082, et dans nos Annales les travaux du P. Prémare, de Riambourg, de Grassellini, de Brunati, de B. Bergman, etc., etc., dans les Tables générales.

là le principe mystérieux des théophanies et des incarnations. Il est essentiel de remarquer que les peuples qui ont conservé le plus longtems les souvenirs traditionnels ont donné beaucoup plus de développement que les autres à la théorie de la rédemption divine. Il est étonnant que nos adversaires aient méconnu si complètement un enchaînement d'idées pourtant si facile à saisir. La précipitation avec laquelle ils examinent et jugent le magnifique ensemble des faits qui composent l'histoire de la révélation peut seul expliquer leurs erreurs, Le Christianisme, qui est une chose si grave, est étudié dans les livres de nos savans modernes avec une pétulance déplorable qu'on rougirait d'employer s'il s'agissait de fixer la date d'un Pharaon ou de reconstruire le squelette d'un ptérodactyle. Pourtant il s'agit d'une doctrine qui a construit de ses mains vigoureuses le merveilleux édifice de la société moderne. Il s'agit d'une doctrine de laquelle dépend évidemment la vie morale des peuples, et sans laquelle la force prévaudrait contre le droit, la chair contre l'esprit. Quoi qu'on dise du spiritualisme prétendu de ce siècle, il ne comprend véritablement que les forces matérielles. On voit des hommes qui se disent graves, consumer leur intelligence et leur vie sur une question de statistique, de chemins de fer ou de canalisation. Mais quand il est question des bases les plus profondes de la religion, de l'ordre et des mœurs, ils répondent avec dédain, comme les savans de l'aréopage répondaient à saint Paul: « Un autre jour nous parlerons avec vous de tout cela ! »

Dans le 4o chapitre, après les préliminaires que nous avons essayé d'exposer, Lange aborde enfin la question capitale de son livre, c'està-dire la naissance et l'enfance du Sauveur. Ce point de l'histoire évangélique avait été bien longtems avant Strauss combattu par les docteurs de l'exégèse protestante. Comme toutes les circonstances merveilleuses de la vie du Sauveur blessaient fortement la tendance naturaliste des écoles antérieures à Strauss, elles admettaient assez volontiers que les deux premiers chapitres de saint Luc devaient être considérés comme de véritables interpolations. La nouvelle critique, dont le point de départ est plus décidé, a positivement repoussé cette hypothèse timide et inconséquente. Lange s'adressait à un adversaire

Audiemus te de hoc iterùm. dcl. apost., xvII, 22.

qui déclare hardiment mythologiques toutes les circonstances merveilleuses de la naissance et de l'enfance de Jésus-Christ. « Il soumet » donc à l'examen, dit Zeller, les argumens à l'aide desquels Strauss >> s'efforce de représenter l'histoire de l'enfance de Jésus comme une >> histoire mythique. Il suit exactement les divisions adoptées par Strauss » dans sa vie de Jésus. Il passe en revue l'annonce et la naissance de >> saint Jean-Baptiste ; la descendance de Jésus de David, d'après les >> deux arbres généalogiques; l'Annonciation de l'Incarnation de J.-C. ; » la manière d'agir de saint Joseph et la visite de Marie à sainte Elisa»beth; la naissance et les premiers destins du Messie; son éducation et premier voyage au Temple. Lange suit pas à pas l'interprétation mythique de l'histoire évangélique. Il réfute les attaques dirigées » contre la réalité de cette histoire. Souvent il reproduit les opinions » d'Alshausen, mais sans leur ôter leur cachet particulier. Il ajoute » encore des aperçus sur les Anges, sur la Conception, sur les Mages, » et sur leur Etoile. »

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Nous sommes obligés de nous borner ici à la simple indication de la marche de l'auteur, parce que nous nous proposons de traiter bientôt avec plus d'étendue quelques-uns de ces points importans, en analysant le célèbre ouvrage du Dr Tholuck.

L'abbé F. EDOUARD.

Appendice sur saint Paul.

M. Athanase Coquerel, dans sa spirituelle Réponse au livre du D. Strauss, a démontré invinciblement, en parlant de saint Paul, combien il est impossible d'expliquer par l'hypothèse mythique les premiers prédicateurs de l'Evangile. « Il est vraiment inutile de s'arrêter à examiner si des faussaires auraient réussi, ou non, à imaginer une telle scène que la vocation de Paul sur le chemin de Damas, et à écrire sous son nom telle ou telle de ses épitres. Il faut considérer saint Paul tout entier, saint Paul juif et chrétien, saint Paul apôtre et écrivain, saint Paul persécuteur et martyr, saint Paul au supplice d'Etienne et aux approches de son propre supplice, saint Paul l'auteur de l'éloge de la charité dans son Epitre aux Corinthiens, et le rigoureux logicien qui compare la Loi et l'Evangile dans l'Epitre aux Romains; saint

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