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faite exclusivement au profit de l'autorité, peut tourner à sa ruine aussi bien qu'à son avantage. Il est évident qu'elle favorise et encourage les prétentions de tous les usurpateurs qui réussissent ou croient pouvoir réussir à renverser l'autorité établie et à s'asseoir à sa place. Aussi, pour me borner à des exemples pris dans notre histoire, Pépin le Bref, Hugues Capet, Bonaparte ont-ils invoqué le bénéfice du texte de Paul, et rencontré dans le clergé des complices très empressés. C'est donc une arme dont tout le monde peut faire usage, et il est curieux de voir les théologiens s'en servir également tout en suivant des doctrines opposées. Par exemple, lorsque, sous le regard de Louis XIV, qui malgré sa bigoterie n'était pas d'humeur à reconnaître au pape le droit de mettre en interdit son royaume de France, Bossuet rédigeait la fameuse déclaration de 1682, constituant ce code des Libertés de l'église gallicane, qui nous paraît aujourd'hui une si parfaite niaiserie, il ne manquait pas de s'appuyer sur le chapitre 15 de l'Épître aux Romains pour établir deux prétendus pouvoirs, également souverains, l'un spirituel et l'autre temporel, ayant chacun son domaine propre et devant se garder d'empiéter sur celui de l'autre, tout en se prêtant une mutuelle assistance et en associant leurs glaives dans un intérêt commun de conservation et d'affermissement. De leur côté, les Ultramontains ne paraissent pas gênés le moins du monde par le même texte pour établir un pouvoir unique, dominant tous les autres pouvoirs de la terre et ayant sa personnification dans le vicaire du Christ. Voici en effet comment ils raissonnent: <«< Puisque, selon saint Paul, il n'y a pas « d'autre pouvoir que celui qui vient de Dieu, c'est donc Dieu qui donne ou qui ôte tout pouvoir dans ce monde. Mais Dieu « a sur terre un représentant visible et permanent, le succes

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seur de saint Pierre, et il n'en a pas d'autre. C'est donc par << l'intermédiaire du Pape que Dieu exerce son souverain << domaine sur toutes les puissances temporelles. En le consti<< tuant chef de la grande société chrétienne, il a dû d'ailleurs << lui donner tout ce qui lui était nécessaire pour la gouverner, « et par conséquent un pouvoir supérieur à tout autre pouvoir, << sans quoi le chef de l'Église pourrait rencontrer des obstacles <«< qui rendraient impossible l'accomplissement de sa mission << divine (1). >> Cette doctrine antisociale de l'omnipotence.

(1) Si quelqu'un s'était laissé persuader que jamais les souverains pontifes n'ont élevé de pareilles prétentions, qu'il lise, entr'autres actes innombrables, les préludes suivants de deux bulles du pape Boniface VIII, l'une du 4 avril 1297, par laquelle il donne, à titre bénéficiaire, le royaume de Sardaigne et de Corse à Jacques II, roi d'Aragon, et l'autre du 8 septembre 1303, par laquelle il excommunie le roi de France, Philippe IV, dit le Bel:

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Super Reges et regna positi ex divinæ præeminentiá potestatis, de ipsis opportunè disponimus, prout commodiùs ex alto prospicitur, actionum se qualitas ingerit et judicium sanioris inspectionis inducit. Non nunquam enim in ipsis evellimus, de gente in gentem propter culpas et dolos solia "transferendo regnantium interdùm plantamus et colimus, caros filios et "devotos almæ matris Ecclesiæ ad nova regnorum præficiendo dominia. " (Bullaire de Cocquelines, tome III, Rome, 1741.)

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Super Petri solio, excelso throno, divinâ dispositione sedentes, illius vices gerens cui per Patrem dicitur: Filius meus es tu, ego hodiè genui te pos"tula à me et dabo tibi gentes hæreditatem tuam et possessionem tuam ter"minos terræ. Reges eos in virgâ ferreâ et tanquam vas figuli confringes eos. "Quo monemur ut intelligant Reges, disciplinam apprehendant, erudiantur judicantes terram, quòd serviant Domino cum timore et exultent ei cum ☛ tremore; ne, si irascatur aliquandò, pereant cùm exarserit ira ejus. Ideòque magnum judicamus et parvum, quia ejus sumus vicarii apud quem personarum acceptio indigna reperitur. Hoc novi et veteris testamenti veritas habet;

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T. II.

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pontificale, sous laquelle le monde a gémi pendant des siècles, ne saurait être assez détestée; mais, j'en suis bien fâché pour la gloire de Bossuet, force est de convenir que la théorie de la puissance unique et universelle des papes, son point de départ étant donné, est plus logique que la théorie contraire. Quelque opposée qu'elle fût à l'esprit de certain texte évangélique (Jean, ch. 18, v. 56), où Jésus avait décliné toute prétention à la royauté temporelle, elle devait résulter naturellement de l'organisation hiérarchique de l'Église et de l'ensemble des formules données à la doctrine chrétienne, et finir par prévaloir aussitôt que le dogme et la discipline auraient atteint leur dernier développement. Aussi la doctrine gallicane de deux pouvoirs, également souverains et existant dans le même État, cherche-t-elle aujourd'hui des défenseurs sérieux, et c'est en France qu'elle en trouve le moins.

§ 55.

DOCTRINE DE SAINT PAUL SUR LES RAPPORTS DES
DEUX SEXES.

Dans sa première Épître aux Corinthiens, ch. 7, saint Paul recommande le célibat comme étant infiniment supérieur au

hoc venerandorum conciliorum probat auctoritas; id sanctorum Patrum " tenet sententia; id etiam naturalis ratio manifestat. " (Ibidem.)

Qu'on lise encore ce prélude d'une bulle de 1346, par laquelle le pape Clément VI confirme l'élection de l'empereur Charles IV: "Romanus Pontifex, " cui Rex æternus et summus in personâ Beati Petri apostoli, æternæ vitæ clavigeri, cælestis simul et terreni jura imperii et plenitudinem potestatis concessit, suprà cunctos fideles suæ curæ commissos invigilans et intendens, etc. (Ibidem.)

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mariage, comme un état non seulement plus saint et plus agréable à Dieu, mais encore plus avantageux à l'homme : « A «< ceux qui ne sont point mariés ou qui sont veufs, je dis qu'il « leur est bon de demeurer en cet état comme j'y demeure moi« même, v. 8. » « N'êtes-vous point lié à une femme? N'en « cherchez pas. Si vous avez pris une femme, vous n'avez point péché : et si une vierge s'est mariée, elle n'a point péché. <«< Mais ils souffriront les tribulations de la chair. Or je vous les « épargne, v. 27 et 28. » « Je veux que vous soyez dégagés de toute << sollicitude, v. 52. » « Je vous dis cela pour votre utilité, non pas <«< pour vous tendre un piége, mais pour vous porter à ce qui est << honnête et à servir le Seigneur sans distraction, v. 55. » « Celui «< donc qui marie sa fille fait bien; mais celui qui ne la marie «pas, fait mieux, v. 58. » C'est en conformité de cette doctrine que l'église chrétienne a imposé le célibat à son clergé, soit séculier soit régulier, et que le concile de Trente a frappé d'anathème la Réforme, qui refusant de reconnaître cet état comme meilleur et plus heureux que le mariage, en a dispensé ses ministres (1). On pourrait demander d'abord si les recommandations de saint Paul se concilient avec un passage de sa première Épître à Timothée, ch. 5, v. 14, où il prescrit à de jeunes veuves de se remarier et de faire des enfants (2). Mais, laissant de côté cette contradiction, contentons-nous de dire qu'une société qui met en pratique les recommandations de

(1) Si quis dixerit statum conjugalem anteponendum esse statui virgini"tatis vel cælibatûs, et non esse meliùs ac beatiùs manere in virginitate aut » cælibatu quàm jungi matrimonio, anathema sit." (21e session, canon 10, collection des conciles, tome XXXV, Paris, 1644.)

(2) Βούλομαι οὖν νεωτέρας γαμεῖν, τεκνογενεῖν.

l'apôtre en faveur du célibat, doit arriver bientôt non pas seulement à toutes ces inutilités et toutes ces petitesses si chères à l'ascétisme, mais à la dépravation des mœurs; car la nature finit toujours par se rire des systèmes qui la méconnaissent, et lorsqu'on lui barre le chemin, elle franchit tous les obstacles et se jette trop souvent dans de déplorables écarts. Les plus tristes expériences ont été faites à ce sujet : la chrétienté n'a-t-elle pas été, pendant des siècles, rongée par la plaie du monachisme, et aujourd'hui encore, sur plusieurs points, n'expose-t-elle pas effrontément aux regards étonnés cette plaie honteuse? Qui ne sait que c'est au célibat forcé ou volontaire de tant de personnes des deux sexes qu'il faut attribuer ce débordement d'impuretés qui afflige le véritable sage, et qu'au contraire l'union sacrée du mariage, à laquelle l'attrait le plus puissant convie également les deux sexes, est la seule sauvegarde des mœurs, comme elle est la source la plus pure des vertus domestiques et sociales? Lorsque les libertins et les égoïstes s'éloignent du mariage et cherchent par leurs mauvais conseils à en éloigner les autres, n'emploient-ils pas à la lettre plusieurs des arguments mêmes de Paul, quelque différentes assurément que soient leurs intentions? Ne disent-ils pas aussi qu'ils s'épargnent les tribulations de la chair et qu'ils veulent être dégagés de toute sollicitude? N'est-ce pas à des raisons d'utilité qu'ils font aussi appel en proposant aux autres leur propre exemple?

Les docteurs chrétiens ne pouvaient manquer de suivre leur apôtre sur ce terrain. Saint Jérôme, engageant une jeune vierge à demeurer dans le célibat, fait valoir auprès d'elle divers motifs humains, et va même jusqu'à chercher à l'effrayer de cette difformité momentanée de la taille que produit la ges

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