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fermiers des revenus publics, des traitants que leurs exactions faisaient généralement mépriser et hair. Ils étaient particulièrement détestés dans la Judée, qui, asservie alors aux Romains, avait pris en aversion le tribut qu'elle était obligée de payer et surtout ceux qui étaient chargés de le recueillir. Le dédain pour les publicains n'aurait donc rien d'étonnant dans la bouche d'un Juif ordinaire. Mais, dans celle de Jésus, il est déplacé; en effet, loin de fuir les publicains et de recommander à ses disciples d'en parler mal, il les admettait au contraire dans sa société et mangeait avec eux, comme nous le voyons dans Matthieu lui-même, ch. 9, v. 10-12, et ch. 11, v. 19, aussi bien que dans Marc, ch. 2, v. 15-17, et Luc, ch. 5, v. 29-51, ch. 7, v. 54, et ch. 19, v. 2-10. Les pharisiens se scandalisant de ces fréquentations de Jésus qu'ils appelaient l'ami des publicains et des pécheurs, celui-ci leur disait ironiquement : « Ce ne sont « pas ceux qui se portent bien, mais ceux qui se portent mal << qui ont besoin de médecin. » Cette réponse, qui se trouve également dans les trois premiers Évangiles, est la condamnation du langage que Matthieu seul fait tenir à Jésus au verset 17 du chapitre 18. Dans une des meilleures paraboles (Luc, ch. 18, v. 19-14), Jésus, opposant un pharisien à un publicain, donne le beau rôle à ce dernier qu'il représente demandant humblement pardon à Dieu de ses péchés, tandis que le premier, qui jeúne deux fois la semaine, et acquitte régulièrement la dime de tous ses biens, se félicite orgueilleusement, dans ses prières, de ne pas ressembler aux autres hommes. Ajoutons que le mépris pour la profession de receveur d'impôts, qui serait déplacé dans les trois premiers Évangiles, l'est bien plus encore dans celui de Matthieu que dans tout autre; car c'était précisément la profession que ce même évangéliste exerçait avant d'être élevé

à l'apostolat. Oui, Matthieu avait d'abord été publicain, et c'est lui qui nous apprend, ch. 9, v. 9, qu'il était à fonctionner dans son bureau de recettes, lorsque Jésus l'appela. Bien plus, si nous admettons que Marc, ch. 2, v. 14 et 15, et Luc, ch. 5, v. 27 et 29, aient entendu désigner le même Matthieu, lors de sa vocation, sous le nom de Lévi, ce serait chez ce dernier même que Jésus aurait mangé en compagnie d'autres publicains et de pêcheurs, qui auraient nécessairement été invités par le maître de la maison. Quand donc le mépris pour les publicains n'eût pas été contraire aux exemples du maître, il semble au moins que ce ne devait pas être à Matthieu de s'en faire l'éditeur privilégié.

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Au chapitre 9, v. 12, de Matthieu, Jésus, énumérant les diverses manières dont on peut être eunuque, semble donner la préférence à ceux qui se sont mutilés eux-mêmes pour gagner le royaume des cieux. Ce serait plus que l'application littérale des versets 29 et 30 du chapitre 5 et des versets 8 et 9 du chapitre 18, qui se prennent généralement dans un sens figuré, et où Jésus recommande de s'arracher un œil, une main, un pied qui deviendrait une cause de scandale. On rapporte qu'Origène, voulant pratiquer cette morale, contrairement à son habitude de tourner en allégories ceux des textes sacrés qui choquent la raison, se fit eunuque de sa propre main. Si l'on ne savait jusqu'où peuvent aller les inconséquences de l'esprit de l'homme, on douterait de la réalité de ce fait en voyant le même Origène

trouver absurde que l'on entende au propre le précepte de s'arracher l'œil droit parce que la vue d'une femme aura été l'occasion d'un désir impur (1). Il aurait fait pire que cela en exécutant sur sa personne la mutilation qu'on lui attribue. C'était particulièrement sur le verset 12 du chapitre 19 de Matthieu que s'appuyait le cruel fanatisme de Valésius et de ses sectateurs, qui, pour atteindre à la plus haute perfection évangélique, non seulement se mutilaient eux-mêmes, mais encore, si l'on en croit saint Augustin, mutilaient leurs hôtes (2). Chez les payens, les prêtres d'Hiérapolis et de Pessinunte exerçaient également sur eux-mêmes cette mutilation (5).

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RENONCEMENT ABSOLU AUX BIENS DE CE MONDE; NÉGATION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ PRIVÉE.

Matthieu, ch. 19, v. 16-26, Marc, ch. 10, v. 17-27, et Luc, ch. 18, v. 18-27, font dire à Jésus que le renoncement absolu aux biens de ce monde est une condition indispensable pour obtenir la vie éternelle. Un jeune homme riche vient le trouver et lui demande ce qui est nécessaire pour être sauvé. Jésus lui

(1) Τί; δὲ καὶ καταγνοὺς ἑαυτοῦ ἐν τῷ ἑωρακέναι γυναῖκα πρὸς τὸ ἐπιθυμῆσαι, ἀναφέρων τὴν αἰτίαν ἐπὶ μόνον τὸν δεξίον ὀφθαλμόν, εὐλόγως ἂν τοῦτον ἀποβάλλοι; (Περὶ ἀρχῶν. liv. 4, § 18, tome Ier, Paris, 1733.)

(2) " Valesii et seipsos castrant et hospites suos, hoc modo existimantes "Deo se debere servire." (De hæresibus, 37, tome VIII, Paris, 1694.) (3) Religions de l'antiquité par Creuzer, traduction de M. Guigniaut, tome II, Paris, 1829, 1re partie, livre 4, pages 30 et 59-61.

rappelle en peu de mots les préceptes de la loi. Le jeune homme répond qu'il les a tous observés. Jésus réplique que cela ne suffit pas, qu'il faut de plus vendre tout ce que l'on possède, en donner le produit aux pauvres, et venir à sa suite. Le riche s'en va sans mot dire et d'un air triste. C'est alors que Jésus prononce ces paroles : « Il est plus facile à un câble de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux (1). » La doctrine attribuée ici à Jésus semble la négation du droit de propriété personnelle et privée. Si telle est en effet la portée de ses paroles, les modernes ennemis de la propriété individuelle n'ont pas, dans leurs théories, le mérite de la nouveauté; aussi n'y prétendent-ils pas, et plusieurs d'entre eux ont-ils soin de se parer du nom de Jésus comme de celui d'un de leurs plus illustres devanciers, et de reprocher à ses disciples d'avoir négligé la pratique de son enseignement (2). Si, non content de flétrir l'avidité du mau

(1) Hyperbole simple et de bon goût, que des traducteurs dénaturent peutêtre en mettant un chameau au lieu d'un cable. Il est vrai que le gree κάμηλος signifie également chameau et cable. Mais il semble qu'une comparaison prise du trou d'une aiguille, à travers lequel on fait passer des fils plus ou moins gros et non des quadrupèdes, exigeait que le mot fût pris dans sa seconde acception. Il se peut toutefois que l'auteur des paroles en question ait réellement voulu parler d'un chameau; car ces sortes d'expressions pittoresques jusqu'à l'excès sont familières au génie oriental. J'en ai cité plus haut, § 4, un autre exemple, tiré du chapitre 23, v. 24, de Matthieu, où Jésus représente les pharisiens avalant un chameau, quand ils rejettent un moucheron. A la vérité, dans ce dernier cas, il serait impossible, à cause de la nature même de cette opposition, de traduire záμqhos par cáble.

(2) C'est elle (la loi constitutive de la propriété) que le christia♫nisme a condamnée, mais que ses ignorants ministres déifient, aussi peu

vais riche et de préconiser l'humilité du pauvre vertueux, Jésus a bien véritablement entendu nier le droit de propriété privée, c'est à dire le droit le plus indispensable à la vie de l'humanité, la seule base possible de la constitution de la famille et de la société civile, il a commis une des plus pernicieuses erreurs. Examinons donc s'il a réellement refusé aux chrétiens la faculté de posséder quelque chose en propre. On ne saurait nier au moins qu'il ne l'ait refusée à ceux qui prétendraient à la perfection évangélique. Selon Matthieu, v. 21, avant de prescrire au jeune homme qui lui demande ce qu'il a à faire pour obtenir la vie éternelle, de se dépouiller de tout, il met cette condition, Si tu veux être parfait. Mais ces paroles

" curieux d'étudier la nature et l'homme, qu'incapables de lire leurs Écri

"tures.....

"L'infidélité de l'église romaine et des autres églises chrétiennes est fla"grante; toutes ont méconnu le précepte de Jésus-Christ; toutes ont erré dans la morale et dans la doctrine. " (Proudhon, Qu'est-ce que la propriété? ch. 2, § 3, et ch. 5, 2e partie, § 2, Paris, 1848.)

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Il invoquait sans cesse le nom et les paroles de Jésus-Christ en faveur "de l'égalité, de la fraternité et même de la communauté des biens............ Il fut

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exposé publiquement sur un échafaud, comme un voleur, pour avoir dit que "Jésus-Christ était le plus intrépide propagandiste et le plus hardi révolu"tionnaire qui eût jamais paru sur la terre..... Après avoir médité sur la doctrine de Jésus-Christ et sur les milliers de communautés dont cette

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» doctrine est la base, après avoir dressé le plan d'une nouvelle organisation politique et sociale, basée sur le principe de l'égalité parfaite et de la com"munauté des biens, ce fut alors, dis-je, qu'il demeura convaincu, non seulement que cette nouvelle organisation était la seule qui pût faire le bonheur

"

du genre humain sur cette terre, mais encore qu'elle n'était pas impraticable." (Cabet, Voyage en Icarie, 1re partie, ch. 29, Histoire d'Icar, Paris, 1848.)

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