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résignation à la volonté de Dieu est une des dispositions les plus religieuses, et doit constituer une des parties principales de notre hommage. Il faut toutefois bien savoir ce que l'on veut dire quand on parle de la volonté de Dieu; il ne faut lui attribuer que ce qui lui appartient réellement, c'est à dire les faits. inévitables et sur lesquels notre action n'a pas de prise, et non pas ce qui dépend de la volonté, souvent dépravée, de l'homme. En n'empêchant point les choses de ce dernier ordre, il ne les veut pas pour cela, et loin d'exiger que nous les acceptions, il nous prescrit au contraire de chercher à les empêcher. Il y a tel système de résignation, pratiqué dans les religions brahmanique, musulmane et chrétienne, et qui faisant endosser par la volonté divine toutes les sottises humaines, et conduisant à l'apathie, à l'inaction et à la servitude, est bien loin d'être moral. Les mots Sur la terre comme dans le ciel, qui accompagnent la formule de résignation, sont une surcharge qui n'a pas seulement l'inconvénient d'être inutile, mais qui se rattache à l'idée fausse que j'ai signalée tout à l'heure dans les premiers mots de l'oraison dominicale. Donne-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour c'est demander à Dieu d'établir l'ordre de choses qu'il a établi ou de faire ce qu'il veut que nous fassions nous-mêmes. Notre pain quotidien nous vient premièrement de cette splendide création par laquelle la bonté divine pourvoit à nos besoins physiques, en second lieu de notre propre activité, appliquée à l'exploitation des richesses naturelles. Si, au lieu de nous sou

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a été faite au retour de Babylone, pour l'usage du peuple, qui n'entendait plus guère l'hébreu; il la croit par conséquent antérieure au temps de Jésus, qui y aurait pris quelques traits. (Histoire des Juifs, livre 6, ch. 18, § 7, tome X, La Haye, 1716.)

mettre à la loi commune du travail, nous demeurons nonchalamment étendus au soleil, faudra-t-il que Dieu interrompe les lois de la nature pour nous préserver de la faim? Pardonne-nous nos offenses COMME nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés : ici l'homme se pose comme modèle devant son Créateur à qui il semble dire « Je suis généreux envers mes débiteurs; fais « comme moi. » Quand un pareil arrangement serait proposable, Dieu ne l'accepterait probablement pas, et nous n'aurions qu'à gagner à son refus; car il sait encore mieux que nous de quelle façon pardonnent la plupart des diseurs de patenôtres (1). Ne nous induis pas en tentation : c'est tout simplement demander à Dieu de supprimer les conditions mêmes de l'exercice de notre liberté, ces épreuves morales par lesquelles nous nous élevons à la dignité d'êtres qui ont péniblement triomphé et qui méritent récompense. N'avoir point de tentations, ne connaître ni le mal ni le bien par conséquent, c'est l'état d'innocence morale de la bête et de l'enfant au berceau. Mais l'innocence n'est pas la vertu : celle-ci doit consister sans doute à ne pas s'exposer inutilement et par pure bravade aux occa

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(1) Voici comment s'exprimait un des plus généreux d'entre eux, en écrivant à un roi très chrétien: Les ministres sont mes ennemis; je suis le leur; je leur pardonne comme chrétien; mais je ne leur pardonnerai jamais " comme homme." (Chateaubriand, Mémoires d'Outre- Tombe, Lettre à Charles X, tome VIII, Paris, 1849.) C'est là assurément une distinction commode pour ceux qui aiment à lâcher dévotement la bride à la haine. La recette peut être ainsi formulée : Distillez à plaisir du fiel et du venin, et dites-vous que ce n'est pas comme chrétien mais comme homme que vous agissez de la sorte. Cela dit, vous avez la conscience en repos, et vous pouvez continuer de marmotter plusieurs fois par jour : Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

sions de mal faire, ce qui suppose du reste qu'elle en a déjà l'expérience; mais elle consiste surtout à vaincre les tentations. Et puis remarquons la contradiction qu'il y a à prier Dieu de ne pas nous induire en tentation, quand, d'un autre côté, transformant les imperfections de notre nature et les occasions de chute qui en résultent en autant de suggestions extérieures d'un être supérieur et méchant, on croit que Dieu permet au démon d'être sans cesse occupé à nous tenter. Délivre-nous du mal : de quel mal? De celui que nous faisons? C'est lui demander d'agir à notre place; car il nous a pourvus de tout ce qui nous est nécessaire pour bien faire. Du mal auquel on croit qu'il permet au diable de nous exciter? Mais il serait plus simple et plus rationnel de ne pas supposer qu'il permet ce détestable rôle. Du mal physique attaché à notre condition actuelle? Mais c'est lui demander tout à la fois de nous accorder la victoire sans le combat, et de bouleverser les lois générales par lesquelles il régit l'univers.

On retrouve l'oraison dominicale dans l'Évangile de Luc, ch. 11, v. 2-4. Mais elle y est écourtée. Il n'y est pas dit que Dieu réside dans les cieux. On n'y demande pas à être délivré du mal; mais cela est implicitement contenu dans cet autre vœeu, qui s'y trouve, Ne nous induis pas en tentation. Enfin Luc retranche de l'oraison dominicale précisément ce qui, bien compris, s'y trouvait de meilleur, je veux dire cette formule de pieuse résignation, Que ta volonté soit faite.

Dans cette critique de l'oraison dominicale, j'ai dû presque me borner à dire ce que notre hommage ne doit pas être. Je dis ce qu'il doit être, dans l'ouvrage qui est le complément de celui-ci.

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DÉFENSE QUE FAIT JÉSUS, DE DIVULGUER SES MIRACLES.

Si les miracles que les évangélistes attribuent à Jésus ont pour but de manifester sa divinité et de prouver qu'il est le Messie, pourquoi ces mêmes évangélistes, Jean excepté, lui font-ils répéter si souvent la défense de divulguer ses œuvres miraculeuses, et même d'annoncer qu'il est le Christ? On peut voir de nombreux exemples de cette singulière défense dans Matthieu, ch. 8, v. 4; ch. 9, v. 30; ch. 12, v. 16; ch. 16, v. 20; ch. 17, v. 9; dans Marc, ch. 1er, v. 43 et 44; ch. 5, v. 45; ch. 8, v. 26 et 50; ch. 9, v. 8; et dans Luc, ch. 5, v. 14; ch. 8, v. 56; ch. 9, v. 21 (1). Le motif de la modestie ne saurait être allégué; car la modestie qui irait directement contre le but que les évangélistes attribuent à Jésus et auquel ils le font tendre, n'aurait point de sens. Ces observations n'autorisent aucune conclusion contre Jésus, qui était humble sans doute et ennemi de l'ostentation; mais elles concluent contre le rôle que lui font jouer les évangélistes. Au reste la plupart des défenses que fait Jésus de divulguer ses miracles, sont accompagnées de circonstances qui trahissent le narrateur. Par exemple, c'est en présence d'une grande foule que Jésus guérit le lépreux à qui il recommande de n'en parler à personne (Matthieu, ch. 8, v. 1-4); les deux aveugles à qui il rend la vue et à qui il fait ensuite la même recom

(1) On trouve cependant, dans Marc, ch. 5, v. 19, et Luc, ch. 8, v. 39, une recommandation contraire, adressée au démoniaque dont j'aurai à reparler bientôt, au § 20.

mandation, l'avaient suivi en criant, et à peine l'ont-ils quitté qu'ils s'en vont publier la nouvelle de leur guérison (ch. 9, v. 27-31).

§ 7. GUÉRISON D'UN PARALYTIQUE.

Matthieu, ch. 9, v. 2-8, rapporte la guérison d'un paralytique qu'on amène à Jésus et qui s'en va emportant lui-même son lit. Mare, ch. 2, v. 2-12, et Luc, ch. 5, v. 18-26, rapportent le même miracle, mais en ajoutant à la narration fort simple du premier évangéliste, des détails d'exécution auxquels personne n'aurait pensé. Jésus est dans l'intérieur d'une maison; mais les abords extérieurs en sont tellement encombrés par la foule qu'il devient impossible aux porteurs du paralytique de l'introduire par la porte. Que faire donc? Attendre, direz-vous, que la foule se soit dissipée ou réclamer l'intervention du maître de la maison ou de Jésus pour obtenir passage. Ce sont là des moyens trop peu dramatiques. Nos porteurs montent le paralytique avec son lit, ne demandez pas par quelle voie ni par quelles poulies, sur le toit même de cette maison dont ils ne pouvaient pas approcher, puis ils le font descendre, toujours avec son lit, à travers le toit dans la partie intérieure où se trouvait Jésus. A la vérité les maisons de l'Orient ont des terrasses et des plates-formes et non pas des toits comme les nôtres; mais y faire parvenir un paralytique dans son lit autrement que par les passages intérieurs et ordinaires, n'en est pas moins une manœuvre difficile à comprendre. Enfin le récit du second évangéliste contient un incident tout à

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