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mais que, s'ils devaient courir des chances probables de perte, ils pouvaient recevoir des intérêts proportionnés à la qualité et à la probabilité du danger (1). C'était, d'après les termes de la question qui lui avait été posée, permettre aux chrétiens chinois d'aller jusqu'à ce taux de 50 pour 100, autorisé par la loi du Céleste Empire. Il ne s'agit pas là d'une décision isolée, émanée d'un casuiste sans autorité, mais d'une décision rendue par la congrégation des cardinaux de l'Église romaine et approuvée par le pape Innocent X. M. Bouvier, évêque du Mans, en s'étayant de ce document, ajoute qu'ayant lui-même consulté la sacrée Pénitencerie en 1815, il en a reçu la même réponse (2). Autrefois on prenait au sérieux et l'on appliquait rigoureusement la doctrine du maître. Cette doctrine, il est vrai, serait impraticable aujourd'hui; appliquée à la lettre, elle entraînerait à sa suite d'incalculables désordres. Mais enfin, telle qu'elle est, ceux qui s'en déclarent les sectateurs, sont tenus de la respecter sincèrement et d'en appliquer les conséquences. De la situation présente il résulte ce fait vraiment curieux, que la doctrine évangélique du prêt gratuit ne trouve plus de défenseurs que parmi des hommes qui certes sont loin d'être chrétiens. On sait quels efforts a faits dans ces derniers temps M. Proudhon, non pas seulement pour obtenir ce que

(1) Censuit S. Congregatio cardinalium S. R. E. ratione mutui immediatè " et præcisè nihil esse accipiendum ultrà sortem principalem ; si verò aliquid accipiunt ratione periculi probabiliter imminentis, prout in casu, non esse inquietandos, dummodò habeatur ratio qualitatis periculi et probabilitatis ejusdem, ac servatâ proportione inter periculum et id quod accipitur.

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(2) Institutiones theologica, Dr contractibus, pars 2, cap. 8, art. 3, § 4, tome VI, Paris, 1844.

demandent tous les gens de bien, des réformes financières réalisables et des institutions destinées à alléger le fardeau des classes laborieuses et souffrantes, mais pour propager son système de la gratuité absolue du crédit; on sait aussi quelles effrayantes menaces de subversion universelle certains chrétiens croient voir dans ce système, qui est innocent à force d'être insoutenable en théorie et irréalisable en pratique. Ces personnes là sont assurément, sur le point en question, beaucoup moins chrétiennes que M. Proudhon. Je me réserve de signaler bientôt (1) une autre singularité de ce genre, relative au droit de propriété privée. En attendant, je conclus dès à présent que, si vous voulez, en matière de prêt comme en une infinité d'autres, être renseigné sur le bien et le mal, sur l'usage et l'abus, ce n'est pas aux moralistes chrétiens que vous devez vous adresser; car, selon les temps et les circonstances, ils vous feront des réponses contradictoires. Les uns, les vieux théologiens, comme il en restait encore quelques débris il y a une trentaine d'années, conséquents à leur principe, je veux dire à la règle évangélique, qui ne souffre aucune équivoque, ont interdit pendant des siècles et interdisaient encore naguère l'usage de ce qui est évidemment permis, de ce qui peut même être un bien. Les autres, les docteurs à large manche de la congrégation des cardinaux, les évêques et leurs professeurs actuels de théologie, qui accommodent l'enseignement chrétien aux goûts ou aux nécessités d'une époque qui ne peut plus être chrétienne, permettent aujourd'hui jusqu'à l'abus le plus manifeste; ils prêtent eux-mêmes ou empruntent à intérêt, et l'on a vu dernièrement leur chef suprême, le pape

(1) Au § 16 de ce chapitre.

Pie IX, contracter auprès d'un israélite, M. Rothschild, un emprunt au dessous du pair. Ils n'en continueront pas moins en toute rencontre de soutenir que la doctrine de leur église a toujours été parfaitement invariable.

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Dans l'Évangile de Matthieu, ch. 6, v. 5-8, Jésus recommande à ses disciples de n'imiter ni les pharisiens qui prient en public pour être vus, ni les payens qui s'imaginent être exaucés en parlant beaucoup. C'était faire d'avance la plus sévère critique de la manière de prier des chrétiens. En fait d'ostentation et de répétition dans leurs prières, n'ont-ils pas laissé bien loin derrière eux et pharisiens et payens? Après ces bonnes recommandations, Jésus donne lui-même la célèbre formule de l'oraison appelée dominicale, v. 9-13. Les chrétiens en font leur prière par excellence; mais, contrairement aux préceptes du maître, ils la répètent sans cesse et y ajoutent une infinité d'autres prières. On traiterait justement d'idiot un homme qui, ayant à solliciter quelque faveur d'un de ses semblables, lui répèterait cent fois de suite sa demande et dans les mêmes termes, ou le condamnerait à en lire cent exemplaires écrits. La chose est-elle moins ridicule parce qu'au lieu de s'adresser à un homme, on s'adresse à Dieu? Au contraire elle l'est encore davantage, parce qu'on peut absolument espérer arracher à un homme par des importunités quelque faveur qu'il refuserait à une demande unique, tandis qu'on ne peut raisonnablement espérer amener Dieu à accorder à des obsessions ce qu'il voudrait refuser à un simple vou. Il y a, en Orient, des dévots

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qui, plus conséquents que d'autres qui s'en moquent chez nous, vont jusqu'au bout de leur stupidité. Persuadés que la répétition de mêmes sons pris comme formule de prière, est un témoignage de piété très agréable à la Divinité, ils se fabriquent de petites machines qu'ils mettent en mouvement et qu'ils chargent de prier pour eux avec plus de volubilité et moins de distraction qu'ils ne pourraient le faire eux-mêmes. Pour s'approprier tout le prix de ce genre d'oraison, il suffit de s'unir d'une intention générale au tic-tac de l'instrument et de le remettre en train s'il vient à se détraquer.

Comparée à beaucoup d'autres, l'oraison dominicale a au moins le mérite de la brièveté. Mais, quand on l'examine absolument, on y trouve encore plusieurs choses à reprendre. Notre père, qui es dans les cieux : ces mots, Qui es dans les cieux, induisent la multitude des chrétiens dans une erreur grossière, en localisant la demeure de Dieu qui ne réside pas plus dans les cieux que sur la terre, et qui par sa science et sa puissance est partout (1). C'est du reste une juste image que celle qui représente Dieu comme le Père commun des hommes, et si les chrétiens l'avaient eue toujours présente à l'esprit, ils ne l'eussent pas défigurée par des dogmes cruels, et leur histoire n'eût pas été souillée par tant de forfaits. Que ton nom soit sanctifié; que ton règne arrive on ne voit pas bien ce que veut dire cette dernière demande. Généralement parlant, le règne de Dieu est

(1) Cette expression Qui es dans les cieux avait déjà choqué Origène; aussi refusait-il de l'entendre dans son sens naturel : Ου περιγεγράφθαι αὐτὸν σχήματι σωματικῷ ὑποληπτέον καὶ ἐν οὐρανοῖς κατοικεῖν· έπει τοι περιεχόμενος ἐλάττων èv τῶν οὐρανῶν ὁ Θεὸς εὑρεθήσεται, περιεχόντων αὐτὸν τῶν οὐρανῶν. (Περὶ εὐχῆς, § 23, tome Ier, Paris, 1733.)

toujours arrivé, que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas; il est aussi nécessairement passé et présent que futur. Si par le règne de Dieu il faut entendre une autre vie, c'est une formule de désir, qui n'a rien de répréhensible, quoique nos vœux soient également impuissants à hâter ou à retarder le moment où nous devons passer de cette vie dans une autre. Peut-être faut-il entendre ici ce règne de Dieu, que Jésus aurait annoncé comme devant être réalisé par lui sur la terre peu de temps après sa mort, et qui se fait encore attendre après plus de dix-huit siècles (1). Peut-être enfin ne faut-il pas y chercher autre chose qu'une pensée juive et une espérance se rapportant à la venue du Messie; car ces deux premières demandes, Que ton nom soit sanctifié, que ton règne arrive, se retrouvent au début d'une oraison que les Juifs récitent dans leurs prières publiques (2). Que ta volonté soit faite : A la bonne heure. La

(1) J'en reparlerai bientôt, au § 13 de ce chapitre.

(2) Cette oraison, appelée le kaddisch, mot tiré de la sanctification du nom de Dieu, par lequel elle commence, est en chaldéen, ce qui lui assigne une origine très ancienne, remontant peut-être jusqu'au temps de la captivité. Voici la traduction qu'en donne le ministre Vitringa: "Magnificetur et sanctificetur nomen ejus magnum, in mundo quem secundùm beneplacitum suum

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creavit, et regnare faciat regnum suum; efflorescat redemptio ejus et præstò "adsit Messias ejus, et populum suum liberet in vitâ vestrâ et diebus vestris "et in vitâ totius domûs Israelis, idque quàm ocissimè. " (De synagogá vetere, lib. 3, pars 2, cap. 8, Franeker, 1696.) Les Juifs ont-ils copié le Pater des chrétiens ou les chrétiens le Kaddisch des Juifs? La première supposition est tout ce qu'il y a de plus improbable; le même auteur paraît incliner vers la seconde : " Habemus adeò in hâc formulâ precationis kaddisch specimina dua" rum petitionum quas Dominus noster Jesus perfectissimo omnium precum exemplari, ecclesiæ à se commendato, inseruit: Sanctificetur nomen tuum, " et adveniat regnum tuum. ■ (Ibidem.) Basnage conjecture que cette prière

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