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Jusqu'au verset 9 du chapitre 15, Paul est constamment appelé Saul, et puis tout à coup il n'est plus appelé que du nom de Paul, à partir de ce même verset, qui se borne à constater ce changement sans en donner l'explication. Quelque peu d'importance que ce fait ait en lui-même, on cherche néanmoins à s'en rendre compte; mais on ne réussit pas à y trouver un motif raisonnable.

§ 25.

SI LA PROVIDENCE DE DIEU S'ÉTEND JUSQU'AUX

BÊTES.

L'apôtre saint Paul, dans sa première Épitre aux Corinthiens, ch. 9, v. 1-43, revendique, pour lui et pour Barnabé, avec la liberté de se faire accompagner en voyage, comme les autres apôtres, par une femme-sœur, le droit, dont il déclare en même temps ne vouloir pas user, de manger du fruit de la vigne qu'ils ont plantée et de boire du lait du troupeau qu'ils font paître. Les arguments qu'il met au service de cette thèse ne sont pas tous également recevables: on sait, par exemple, l'usage simoniaque que les prêtres chrétiens ont fait du droit de moissonner matériellement dans le champ de celui chez qui l'on a semé spirituellement, et de vivre de l'Évangile quand on annonce l'Évangile, v. 11 et 14. Mais le plus singulier des arguments de Paul est l'interprétation qu'il donne à ce passage du Deuteronome, ch. 25, v. 4 : « Tu ne <«<lieras pas la bouche au bœuf qui foule tes grains dans « l'aire. » Il prétend que ces paroles de l'Ancien Testament n'ont pas d'autre objet que nous-mêmes; il s'écrie ironique

ment: «Est-ce que Dieu prend soin des bœufs (1)? » Remarquez qu'il ne demande pas si Dieu. prend moins souci de nous que des bœufs, mais simplement si Dieu prend soin des bœufs. Cette question, véritable négation dans la circonstance où elle est faite et d'après le commentaire qui la suit, est dénuée de bon sens. S'il y a quelque chose de certain pour quiconque a observé la nature des êtres créés et particulièrement des êtres organisés, c'est qu'ils sont merveilleusement pourvus des moyens d'arriver à leurs fins, et que par conséquent l'action de la cause souveraine, qui embrasse la totalité de la création, s'étend à chacun des êtres les plus chétifs et les plus infimes, aussi bien qu'à ceux que nous croyons les plus élevés. Mais ce que je voulais surtout noter ici, c'est que la théorie de Paul sur la Providence, de l'apôtre Paul dont les Épitres, d'après la doctrine chrétienne, ont été favorisées de la même inspiration divine que les Évangiles, contredit ces paroles, aussi pleines de vérité que de poésie, et par lesquelles Jésus déclare que Dieu prend soin de nourrir les oiseaux du ciel, qui ne sèment ni ne moissonnent, et que les lis mêmes des champs, qui ne travaillent ni ne filent, sont vêtus plus splendidement que ne le fut jamais Salomon dans toute sa gloire (Matthieu, ch. 6, v. 26, 28 et 29, et Luc, ch. 12, v. 24 et 27). En admirant ces dernières paroles, en tant que belles images et même en tant que leçon adressée à l'avarice et à la cupidité, je dois ajouter toutefois qu'elles ne sauraient être acceptées avec toute la

(1) Εν γὰρ τῷ νόμῳ Μωϋσέως γέγραπται· οὐ φιμώσεις βοῦν ἀλοῶντα. Μὴ περὶ τῶν βοῶν μέλει τῷ θεῷ; ἢ δι ̓ ἡμᾶς πάντως λέγει; δι ̓ ἡμᾶς γὰρ ἐγράφη, ὅτι ὀμείλει ἐπὶ ἐλπίδι ὁ ἀροτριῶν ἀροτριῶν, καὶ ὁ ἀλοῶν ἐπ ̓ ἐλπίδι τοῦ μετέχειν. (v. 9 et 10.)

portée que leur donnent les versets qui les accompagnent, et dans lesquels Jésus recommande à ses disciples de ne s'inquiéter de leur nourriture ou de leur vêtement pas plus que ne le font les oiseaux ou les fleurs (Matthieu, v. 25, 50 et 51, et Luc, v. 22, 28 et 29). La vraie morale est loin d'admettre un pareil enseignement. Nous ne sommes ni des oiseaux ni des fleurs, et si nous ne nous occupions pas plus qu'eux de notre nourriture et de notre vêtement, Dieu nous laisserait mourir de faim et de froid, et nous n'aurions pas le droit de nous plaindre; car il veut que nous exploitions par notre travail et notre industrie les forces naturelles et les moyens de production qu'il a si libéralement répandus sur ce globe. Je ferai voir plus loin (1) à quels désordres de semblables préceptes doivent conduire ceux des chrétiens qui demeurent conséquents à leurs principes.

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On ne pardonnerait pas à des historiens ordinaires les contradictions qu'on vient de lire. Sont-elles plus tolérables quand il s'agit de relations écrites sous la dictée de l'Esprit-saint? A toutes ces contradictions on peut appliquer le raisonnement suivant, qui est à la portée des intelligences les plus simples:

Si Matthieu dit oui quand Jean dit non, il faut de toute nécessité que le dire de l'un ou de l'autre, sinon de tous les deux, ne soit pas conforme à la vérité. Et cependant on regarde

(1) Au ch. 2, § 4 et 16 de cette seconde section.

les évangélistes comme également inspirés et également infaillibles. S'ils nous trompent ou s'ils se trompent, ne fût-ce qu'une seule fois, ce n'est pas au nom de Dieu qu'ils nous parlent; car Dieu ne peut pas plus tromper ni se tromper sur un point que sur plusieurs. Si les évangélistes ont, ainsi qu'on le prétend, écrit tous les quatre sous l'inspiration divine, ils doivent être d'accord, la mémoire de Dieu ne faisant pas défaut et n'étant pas obligée de se contenter d'à peu près. Mais ils se contredisent sur une infinité de points; ils ne sont donc pas les organes de Dieu.

Presque tous les docteurs chrétiens nient les contradictions des évangélistes. Après tout ce qu'on vient de lire dans ce premier chapitre, on peut voir de quel nom doit être appelée leur négation. Quelques uns moins hardis et se voyant forcés de convenir qu'il y a des contradictions dans les Évangiles, ont imaginé d'appliquer ces contradictions mêmes à l'intérêt de leur cause: « Elles prouvent au moins, disent-ils, que les << auteurs des récits évangéliques ne se sont point concertés, <«<et qu'ainsi ils sont de bonne foi. » Cela n'est ni sérieux ni dans la question. Il s'agit ici de la vérité intrinsèque des récits évangéliques et non du plus ou moins de bonne foi de ceux qui les ont écrits. On accorde sans peine que les évangélistes ne se sont point concertés; autrement, à moins de les supposer dépourvus de tout jugement, ils ne se seraient pas contredits sur tant de points comme à plaisir; cela est évident surtout du rédacteur du 4o Évangile à l'égard des rédacteurs des trois autres. Mais d'abord de ce qu'ils ne se seraient pas concertés, il ne s'ensuivrait pas encore qu'ils auraient été de bonne foi. Et quand on accorderait, ce que j'admets du reste volontiers, qu'ils ont écrit de bonne foi (ce qui ne veut

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