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Chez Matthieu, v. 59-45, et Marc, v. 29-55, les voleurs crucifiés à droite et à gauche de Jésus, l'insultent tous deux et prennent part aux railleries que lui adressent les passants, les princes des prêtres et les scribes. Chez Luc au contraire, v. 55-45, un seul de ces voleurs insulte Jésus et est repris par l'autre, qui témoigne les meilleurs sentiments et reçoit la promesse d'être le jour même en paradis. Saint Jérôme s'était aperçu de cette contradiction. Il prétend que le bon larron commença aussi par blasphémer, mais qu'effrayé ensuite par les ténèbres et le tremblement de terre qui survinrent, il se convertit et crut en Jésus (1). Non seulement Luc n'a pas un mot qui autorise cette assertion, mais au contraire, aussitôt après qu'il a fait outrager Jésus par un des voleurs, il fait tenir à l'autre un langage absolument opposé. De plus, les trois évangélistes sont d'accord pour placer la scène des larrons avant celle des ténèbres et autres faits miraculeux dont je parlerai tout à l'heure. Ces faits ne peuvent donc pas être la cause d'un incident qui les a précédés. Remarquons du reste combien il est peu naturel que de malheureux crucifiés, qui endurent les horreurs de l'agonie, choisissent ce moment pour outrager un compagnon d'infortune et s'associer aux cruelles plaisanteries que lui adressent leurs bourreaux communs. Ce trait seul ne suffirait-il pas pour proclamer que les narrateurs ne s'inquiètent pas même de la vraisemblance et qu'ils ignorent les

"

(1) " Non quòd discrepent evangelia, sed quòd primùm uterque blasphema

verit, dehinc, sole fugiente, terrâ commotâ saxisque diruptis et ingruen

" tibus tenebris, unus crediderit in Jesum et priorem negationem sequenti

" confessione emendaverit. ■ (Commentaria, lib. 4, in Matthæi caput 27, tome IV, Paris, 1706.)

premières et les plus simples lois de la nature physique et morale de l'homme?

Matthieu, v. 55 et 56, et Marc, v. 40, font assister au crucifiement, mais de loin, Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques le mineur et de Joseph, et Salomé, mère des fils de Zébédée. Luc, v. 49, y fait assister également de loin, toutes les connaissances de Jésus, sans désignation des personnes. Mais voilà que Jean, v. 25-27, dit y avoir assisté lui-même de près, et place au pied de la croix la mère de Jésus avec Marie dite de Cléophas et Marie-Madeleine. Ainsi donc Matthieu et Marc prennent soin de nommer des témoins de second ordre et regardant de loin, et ils ne font aucune mention de la mère et du disciple bien-aimé de Jésus, qui sont là, près de la croix, l'objet de ses touchantes paroles ! Ce n'est pas tout. Au nombre de ces témoins qui regardent de loin, ils nomment Marie-Madeleine que Jean met près de la croix. Enfin Luc, en représentant toutes les connaissances de Jésus comme se tenant à distance et se bornant à jouer un rôle de lâche curiosité, comprend nécessairement dans ce nombre le disciple bien-aimé, qui affirme au contraire avoir assisté son maître jusqu'au dernier soupir.

Au lieu de cette scène si attendrissante, décrite brièvement dans le quatrième Évangile, v. 25-27, et où le Christ, expirant sans proférer aucune plainte, s'occupe encore des êtres chéris qu'il laisse sur terre, et recommande sa mère à Jean et réciproquement, Matthieu, v. 46, et Marc, v. 54, lui font tenir ce langage, plein de découragement et presque d'incrédulité : << Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné (1)? » Il

(1) Cette exclamation est copiée du v. 2 du psaume 22 (21 dans le grec et

אלי אלי למה עזבתני (le latin

T. II.

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faut remarquer que ces paroles sont les dernières que Matthieu et Marc mettent dans la bouche de Jésus. En cela du reste ils sont conséquents; car on a déjà vu qu'au jardin des Oliviers ils l'avaient représenté comme accessible à l'abattement et même à la peur. Comme j'ai plus particulièrement ici pour but de faire ressortir les contradictions que présentent les récits évangéliques, je ne m'arrête pas à relever tout ce qu'il y a de choquant dans de pareils sentiments, prêtés à Jésus, sentiments dont devraient s'étonner les théologiens eux-mêmes, puisque, tout en disant que leur Dieu, se faisant homme, devait revêtir les douleurs et les infirmités de notre nature physique, ils ont grand soin de l'exempter des faiblesses morales de l'humanité.

Selon Matthieu, v. 45, Marc, v. 33, et Luc, v. 44, depuis la sixième heure du jour jusqu'à la neuvième où Jésus rendit le dernier soupir, c'est à dire depuis midi jusqu'à trois heures, des ténèbres se répandirent sur toute la terre. De plus, d'après Marc, v. 25, Jésus avait été mis en croix à la troisième heure du jour, c'est à dire à neuf heures du matin. Voyons maintenant la relation de Jean, v. 14. Vers la sixième heure du jour, c'est à dire vers midi, non seulement Jésus n'était pas encore en croix, mais il n'était pas même encore condamné à mourir. Pilate le présentait aux Juifs en disant : « Voilà votre << roi. » Il le leur livre ensuite. On le conduit alors au supplice et on le crucifie. Et tout cela se fait au milieu de ces profondes ténèbres que personne ne remarque dans le quatrième Évangile, pas même l'évangéliste, qui assistait au supplice, ainsi qu'on l'a vu plus haut! La contradiction peutelle être plus flagrante?

Ces ténèbres étaient miraculeuses comme tous les autres

faits curieux que rapporte Matthieu, v. 51-53; car elles ne pouvaient provenir d'une éclipse de soleil, la fête de Pâques correspondant à la pleine lune, époque où la lune étant en opposition avec le soleil est plus éloignée que jamais de l'occulter. M. Lamennais prétend qu'il y eut alors en Judée une éclipse totale de soleil (1). Il n'est plus guère permis aujourd'hui d'ignorer ce que c'est qu'une éclipse de soleil et à quelles conditions elle peut avoir lieu. Cela se voit encore pourtant, même chez de grands écrivains. La plupart des interprètes chrétiens, prenant dans leur sens naturel les expressions Sur toute la terre (2), soutiennent que les ténèbres se répandirent réellement sur toutes les contrées qui étaient alors éclairées par le soleil. Mais une objection naît aussitôt du silence complet que gardent les annales du genre humain sur un fait qui surpasserait tous les autres prodiges, et dont la moitié de la terre eût été épouvantée pendant trois heures. Quelques interprètes, plus libres et plus prudents, restreignent considérablement le champ de cette merveille, en disant qu'elle n'eut lieu que pour le sol de la Judée. S'ils amoindrissent l'objection, ils ne la détruisent point; car l'historien juif Joseph ne parle pas plus du prodige que Pline le naturaliste ou que Tacite.

Matthieu, v. 50, et Marc, v. 57, font pousser à Jésus un grand cri avant d'expirer. Luc, v. 46, lui fait prononcer en outre des paroles différentes de celles que lui attribue Jean, v. 50, qui se garde bien de lui faire pousser des cris; mais, comme chacun des deux derniers évangélistes, en lui attribuant

(1) Les Évangiles, note sur le v. 45 du ch. 27 de Matthieu, Paris, 1846. (2) Ἐπὶ πᾶσαν τὴν γῆν.

ces paroles différentes, les fait immédiatement suivre de la mort, il s'ensuit qu'elles doivent être les dernières et que par conséquent les deux narrateurs se contredisent.

§ 21.

ENSEVELISSEMENT DE JÉSUS, ANGES ET FEMMES AU SÉPULCRE, GARDE DU TOMBEAU, RÉSURRECTION.

Au dire de Matthieu, ch. 27, v. 59-61, de Marc, ch. 15, v. 46 et 47, et de Luc, ch. 25, v. 55-55, le soir du crucifiement, Joseph d'Arimathée se contenta d'envelopper le corps de Jésus d'un linceul et de le déposer dans le sépulcre en présence de plusieurs des saintes femmes, et d'après Marc, ch. 16, v. 1 et 2, et Luc, ch. 25, v. 56, et ch. 24, v. 1er, ce fut seulement après le jour du sabbat, le surlendemain matin, que les femmes vinrent au monument dans l'intention d'embaumer le corps. Au contraire, d'après Jean, ch. 19, v. 38-42, le soir même du crucifiement, avant d'être déposé dans le sépulcre, le corps fut embaumé par Joseph d'Arimathée, assisté de ce pharisien Nicodème, aux questions ingénues et aux mémorables étonnements (ch. 3, v. 4), et qui avait apporté avec lui environ cent livres d'aromates. Ici il n'est plus fait mention de la présence des femmes, et lorsque, au chapitre suivant, v. 1er, Marie-Madeleine vient au sépulcre, il n'est pas question d'embaumement. A propos de cette opération de l'embaumement, qui avait pour but de préserver le plus longtemps possible le cadavre de la corruption du tombeau, une question se présente naturellement comment des disciples de Jésus eurent-ils la pensée de pratiquer une pareille cérémonie, quand ils devaient savoir,

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