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Chez Matthieu, v. 67, et Marc, v. 65, Jésus n'est l'objet des railleries, des crachats et des soufflets qu'après la condamnation prononcée par les prêtres, et le texte laisse supposer que ce sont les juges eux-mêmes qui se permettent ces infàmes traitements et en donnent l'exemple à leurs valets. Chez Luc au contraire, v. 63 et 64, il les endure de la part des gardes, avant l'interrogatoire du sanhédrin, mais point après la condamnation. Chez Jean, v. 22, c'est pendant l'interrogatoire qu'un des serviteurs du grand-prêtre donne un soufflet à Jésus.

Ainsi que je l'ai déjà fait observer (1), les Juifs, d'après Jean, v. 28-38, n'entrèrent pas dans le prétoire, lorsque Jésus fut amené devant Pilate. Au contraire, d'après Matthieu, ch. 27, v. 11-13, Marc, ch. 15, v. 2-4, et Luc, ch. 23, v. 1-4, 15 et 14, ils sont présents à l'interrogatoire et y jouent le rôle d'accusateurs.

D'après Luc, ch. 25, v. 6-11, Pilate interrompt son interrogatoire au beau milieu pour renvoyer Jésus devant Hérode, tétrarque de la Galilée, qui se trouvait alors à Jérusalem. Celui-ci traite Jésus avec mépris et le renvoie à Pilate. Voilà assurément, dans le procès, un grave incident. Or aucun des trois autres évangélistes n'en dit mot.

Selon Matthieu, ch. 27, v. 26-31, et Marc, ch. 15, v. 15-20, ce n'est qu'après avoir livré Jésus, que Pilate le laisse outrager par ses soldats. Selon Jean, ch. 19, v. 1-16, au contraire c'est avant de le livrer aux Juifs, et, chose étrange! l'évangéliste paraît faire entendre, v. 4 et 5, que Pilate a recours à ces odieux et inutiles traitements comme à un dernier moyen d'apitoyer les Juifs et de sauver Jésus.

(1) § 15 de ce chapitre.

Voyons maintenant si le rôle que les Évangiles font jouer à Pilate, se concilie avec les dispositions qu'ils lui prêtent à l'égard de Jésus, et d'un autre côté si ces dispositions sont d'accord avec le caractère que lui assigne l'histoire. D'après la relation des quatre évangélistes, particulièrement de Luc, ch. 25, et de Jean, ch. 19, il était convaincu de l'innocence de Jésus; et cependant il le livre aux bourreaux, après l'avoir laissé outrager par ses soldats dans son propre prétoire, et lui avoir préféré un prisonnier que Jean, ch. 18, v. 40, appelle un brigand (1), et qui, d'après Marc, ch. 15, v. 7, et Luc, ch. 23, v. 19, était un de ces conspirateurs politiques que soulevait alors à chaque instant la tyrannie de l'occupation romaine, et qui n'inspiraient probablement pas d'intérêt au gouverneur (2)! Dans la relation de Jean, non seulement Pilate est persuadé de l'innocence de Jésus, mais il persiste à l'appeler le Roi des Juifs, et cela en présence des prêtres. Il fait écrire ces mots sur la croix, en hébreu, en grec et en latin, et ne tient aucun compte de la réclamation que lui adressent les Juifs à cet égard. Cette expression Roi des Juifs, il serait trop absurde de supposer que Pilate, serviteur de l'Empereur, l'entendit au propre; il faudrait donc supposer qu'il la prenait

(1) Ἦν δὲ ὁ Βαραββάς ληστής.

(2) Marc, en disant seulement que Barabbas était prisonnier avec des révoltés qui avaient commis un meurtre dans une sédition, Ην δὲ ὁ λεγόμενος Βαραββάς μετὰ τῶν στασιαστῶν δεδεμένος, οιτινες ἐν τῇ στάσει πεποιήκεισαν φόνον, ne le désigne pas pour cela comme l'auteur du meurtre. Saint Jérôme, trouvant sans doute que cela ne rendait pas Barabbas assez laid, lui attribue le meurtre et le lui attribue à lui seul, en traduisant le pluriel par le singulier, Qui in seditione FECERAT homicidium.

dans le sens mystique et religieux, et qu'il croyait à la mission divine de Jésus. Mais alors, puisqu'il avait le courage d'en faire profession publique et qu'il était d'ailleurs revêtu d'une autorité suffisante pour protéger Jésus comme c'était son devoir, et le sauver comme cela était dans son désir, comment admettre qu'il eût été assez lâche pour le livrer aux Juifs et le laisser outrager par ses soldats? Dira-t-on qu'il craignait le peuple ameuté, qu'il craignait surtout qu'on ne l'accusât auprès de l'Empereur de protéger un homme qui se disait roi des Juifs? C'est ce qu'insinuent les évangélistes, et surtout Jean, qui, dans ce but, lui fait répéter avec une affectation marquée, ch. 19, que Jésus est roi des Juifs. Mais Pilate prenait-il quelque souci de la colère du peuple ameuté, qu'il excitait au contraire chaque jour par sa tyrannie, ses exactions et sa cruauté? Philon, qui tout contemporain qu'il était de Jésus, n'en a jamais parlé, et que nous pouvons tenir pour désintéressé dans la question, représente comme un des gouverneurs des plus odieux, rendant la justice pour de l'argent, commettant toutes sortes de sévices, de rapines, de violences et d'outrages, allant jusqu'à ordonner, sans jugements préalables, de nombreuses exécutions qui devenaient ainsi de véritables meurtres, ce Ponce-Pilate que les évangélistes nous peignent comme s'attendrissant sur le sort de Jésus qu'il déclare juste et innocent, qu'il désire sauver et qu'il n'abandonne que par faiblesse (1). Quant à l'accusation qu'on eût portée contre lui

(1) Το τελευταῖον τοῦτο μάλιστα αὐτὸν ἐξετράχυνε, καταδείσαντα μὴ τῷ ὄντι πρεσβευσάμενοι καὶ τῆς ἄλλης αὐτοῦ ἐπιτροπῆς ἐξελέγξωσι τὰς δωροδοκίας, τὰς ὕβρεις, τὰς ἁρπαγάς, τὰς ἀικίας, τὰς ἐπηρείας, τοὺς ἀκρίτους καὶ

auprès de l'Empereur, il savait bien qu'il n'avait rien à redouter de ce côté, pour avoir défendu un innocent contre la fureur des prêtres et de la populace soulevée par eux, et qu'il n'en recevrait au contraire que des éloges. La peinture fidèle de la prétendue royauté de Jésus eût fait sourire l'Empereur, et l'eût laissé dormir bien tranquille sur sa souveraineté juive. Que conclure de tout ceci? Que les relations évangéliques présentent sur le point si important du jugement de Jésus, indépendamment des contradictions signalées au commencement de ce paragraphe, des caractères nombreux d'un arrangement de circonstances, fait après coup et pour le besoin d'une croyance, arrangement incohérent comme toutes les œuvres de la naïve légende, qui n'est pas difficile dans le choix des moyens, et qui ne croit jamais avoir rendu les événements trop dociles à ses intérêts.

Dans plusieurs détails des récits de la passion perce une intention évidente de flatter les Romains aux dépens des Juifs qu'ils asservissaient. Des auteurs ont vu dans ce fait, avec quelque apparence de raison, une preuve que ces récits ont reçu leur forme actuelle de rédaction à une époque où le christianisme commençait à se répandre dans le monde payen et romain, c'est à dire à une époque beaucoup moins rapprochée de celle où aurait vécu Jésus que ne le supposent les auteurs chrétiens.

ἐπαλλήλους φόνους, τὴν ἀνήνυτον καὶ ἀργαλεωτάτην ὠμότητα διεξελθόντες. (Περὶ ἀρετῶν καὶ πρεσβείας πρὸς Γάιον, Paris, 1640.)

$ 20. CRUCIFIEMENT ET MORT DE JÉSUS.

Selon Matthieu, ch. 27, v. 31-55, Marc, ch. 15, v. 20-22, et Luc, ch. 23, v. 26, pendant que Jésus se rend au lieu du supplice, sa croix est portée par un passant, nommé Simon, à qui les soldats imposent cette corvée sans qu'on puisse deviner pourquoi. Selon Jean au contraire, ch. 19, v. 17, c'est Jésus qui porte lui-même sa croix. Cette dernière version, qui se rapporte ici à un fait matériel, a donné plus tard naissance à une expression métaphorique, qu'on s'étonne de rencontrer dans les trois premiers Évangiles où elle figure au moins prématurément. Jésus dit que ceux qui veulent être ses disciples, doivent porter leur croix et le suivre. (Matthieu, ch. 10, v. 58, et ch. 16, v. 24; Marc, ch. 8, v. 54; et Luc, ch. 9, v. 25, et ch. 14, v. 27.) Or cette expression porter sa croix, qui appartient à la langue de l'ascétisme chrétien, ne pouvait pas encore exister du temps de Jésus avec son acception secondaire, puisqu'elle n'a été prise que de son supplice par la croix. Je sais bien qu'on peut objecter que Jésus connaissait, en vertu de sa science divine, son futur crucifiement. Mais ce n'en est pas moins le faire parler d'une manière inintelligible pour les auditeurs, que de lui mettre à la bouche une expression symbolique, qui n'était pas encore faite de leur temps.

Les deux premiers évangélistes rapportent qu'arrivé au Golgotha, on présenta à boire à Jésus avant le crucifiement. D'après Matthieu, v. 34, le breuvage était composé de vin et de fiel, et Jésus, après en avoir goûté, ne voulut pas le boire. D'après Marc, v. 23, le breuvage était composé de vin et de myrrhe, et Jésus le refusa simplement sans en goûter.

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