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un premier message pour le prier de venir sauver son esclave. Jésus se met en marche. Mais, comme il approchait de la maison du centurion, celui-ci lui envoie un second message pour l'inviter à ne pas se déranger davantage. Alors seulement il prononce, comme dans la relation de Matthieu, ces paroles devenues célèbres, Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, et il se borne à demander à Jésus un mot sur l'efficacité duquel il compte pour la guérison du malade. Il est évident que le second message est en contradiction avec le premier et le rend absurde. Car, si le centurion croit qu'un mot de Jésus, prononcé hors de la présence du malade, peut procurer miraculeusement la guérison, la distance à laquelle ce mot sera prononcé est indifférente, et il devait le demander tout d'abord, au lieu de prier Jésus de faire une course inutile et qu'il ne veut pas laisser achever.

Enfin, dans Matthieu, ch. 8, v. 5-15, la guérison du serviteur du centurion de Capharnaüm précède celle de la bellemère de Pierre, tandis que, dans Luc, ch. 4, v. 38 et 39, et ch. 7, v. 1-10, la guérison du serviteur du centurion vient longtemps après celle de la belle-mère de Pierre. Puisque j'ai occasion de mentionner ce dernier miracle, je ferai remarquer cette autre contradiction: dans Matthieu, ch. 8, v. 2, 5, 14 et 15, la guérison du lépreux précède celle de la bellemère de Pierre. Dans Marc, ch. 1er, v. 30, 31 et 40-45; et Luc, ch. 4, v. 38 et 39, et ch. 5, v. 12-14, c'est au contraire la guérison de la belle-mère de Pierre qui précède celle du lépreux.

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Les morts que Jésus rappelle à la vie sont au nombre de trois, la fille de Jaïre, le fils de la veuve de Naïm, et Lazare. Ces résurrections, particulièrement celle de Lazare, figurent parmi les plus grands des miracles attribués à Jésus; ce n'eût donc pas été trop du concours des quatre évangélistes pour témoigner sur un point de cette importance. Or leurs relations sont loin de présenter ce caractère d'unanimité. La résurrection de la fille de Jaïre est racontée par les trois premiers évangélistes (Matthieu, ch. 9, v. 18, 19 et 23-25; Marc, ch. 5, v. 22-24 et 55-43; et Luc, ch. 8, v. 41, 42 et 49-56), lesquels n'en ont pas été témoins, tandis que Jean, qui, d'après Marc, v. 37, et Luc, v. 51, serait le seul évangéliste qui y aurait assisté, est précisément celui qui n'en dit rien. La résurrection du fils de la veuve de Naïm est racontée par Luc, ch. 7, v. 11-15, lequel n'en a pas été témoin, tandis que les trois autres évangélistes, dont deux, Matthieu et Jean, y auraient assisté (1), n'en parlent pas. Enfin la résurrection de

(1) Il résulte de ces expressions du verset 11, Καὶ συνεπορεύοντο αὐτῷ ὁι μxlyrai avtoï, que Jésus était alors accompagné de ses disciples, au nombre desquels on sait qu'étaient compris Matthieu et Jean. Est-ce par inadvertance que les auteurs de la traduction anglicane (The Holy Bible, Oxford, 1843) et de la traduction française protestante (La Sainte Bible, Londres, 1842) ont rendu les mots O μá auto, qui signifient simplement ses disciples, par Many of his disciples et par Plusieurs de ses disciples? Ou bien est-ce pour faire disparaître la difficulté qui naît du silence de Matthieu et de Jean? Ce dernier cas ne serait plus une faute de traduction mais une véritable fraude.

Lazare est racontée par Jean seul, ch. 11, v. 1-44, quoique Matthieu ait dû aussi en être témoin.

Voici maintenant une contradiction formelle. D'après Matthieu, v. 18, lorsque Jaïre vient trouver Jésus, il lui dit que sa fille est morte; il lui demande de venir la ressusciter, et lorsqu'ils entrent dans la maison, ils y trouvent déjà des joueurs de flûte, v. 25, et par conséquent ces dispositions d'ensevelissement qui demandent un certain temps. D'après Marc, v. 23 et 35, et Luc, v. 42 et 49, au contraire, Jaïre, en abordant Jésus, lui dit seulement que sa fille est mourante, et lui demande de venir l'empêcher de mourir, ce qui n'est pas la même chose que de la ressusciter; c'est plus tard qu'il apprend lui-même la mort de sa fille, lorsqu'il revient à sa maison en compagnie de Jésus. Et comment lui annonce-t-on cet événement? En lui disant qu'il est inutile d'importuner davantage le maître, ce qui prouve au moins qu'il n'était pas sorti de chez lui pour aller solliciter une résurrection.

Les relations évangéliques, qui représentent Jésus rappelant les morts à la vie, sont pleines de naïvetés qui trahissent comme d'ordinaire la main de la légende. En voici plusieurs exemples. Lorsque Jésus entre dans la maison de Jaïre, il éloigne la foule des personnes présentes et ne garde avec lui que cinq témoins dont trois étaient de ses disciples (Matthieu, v. 24 et 25; Marc, v. 37 et 40; et Luc, v. 51). Pierre, ressuscitant Tabitha, fait mieux encore que Jésus; il congédie absolument tout le monde (1). Quand on fait des miracles destinés à prouver aux hommes qu'on a une mission divine, loin de fuir la lumière et la publicité, on doit au contraire

(1) Εκβαλών δε πάντα; έξω, Actes des apótres, ch. 9, ν. 40.

appeler le plus grand nombre possible de témoins. Au moment où Jésus s'apprête à ressusciter Lazare, le narrateur (Jean, v. 33-38) le fait frémir, se troubler et pleurer (1). Ce sont là des frais de mise en scène assez maladroits; car Jésus, ayant l'intention de faire revivre son ami, savait fort bien, en tant que Dieu, qu'il réussirait, et par conséquent il n'avait pas à éprouver des sentiments dont d'autres spectateurs pouvaient seuls être animés. On dira peut-être qu'il éprouvait et manifestait ces sentiments uniquement en tant qu'homme et non en tant que Dieu. Mais, puisque ses deux natures étaient étroitement unies et qu'ainsi sa science divine ne pouvait pas l'abandonner, cela revient à dire qu'il agissait comme s'il eût ignoré ce qu'il savait, c'est par conséquent lui faire jouer une indigne comédie. L'évangéliste prétend que les princes des prêtres, non contents d'avoir résolu de concert la mort de Jésus, v. 47 et 55, résolurent aussi celle de Lazare ressuscité, ch. 12, v. 10. C'est faire les ennemis de Jésus maladroits et méchants bien au delà de ce qui est nécessaire à l'intérêt de la cause. Assurément ces princes des prêtres, qui appartenaient au conseil suprême de la nation, ne croyaient pas à la résurrection de Lazare, et il était évident que le meurtre dont on leur attribue la pensée, loin d'empêcher la circulation de ce qui se débitait à ce sujet dans la foule, n'eût fait que venir en aide à l'imposture. Avec Lazare il eût fallu faire périr aussi ceux qui disaient l'avoir vu mort puis ressuscité, et tous ceux qui ayant appris la merveilleuse nouvelle, la distribuaient au peuple. Enfin les sujets, deux hommes et deux femmes, ressuscités soit

(1) Ἐνεβριμήσατο τῷ πνεύματι καὶ ἑτάραζεν ἑαυτόν. ν. 33. καὶ ἐδάκρυσεν ὁ Ἰησοῦς, ν. 35.

par Jésus soit par son disciple Pierre, disparaissent subitement de la scène, comme si leur présence était importune. J'ai fait voir (1) l'impossibilité des miracles proprement dits et par conséquent du fait de rappeler à la vie un homme bien véritablement mort. Mais supposons pour un instant ce dernier fait possible et réalisé. Il donnerait la solution du plus grand de tous les problèmes qui tourmentent aujourd'hui l'intelligence, à savoir quel doit être l'état de l'âme après la mort physique. Dans le livre qui sera le complément de celui-ci, en partant d'un ensemble de faits psychologiques, aussi positifs qu'aucun des faits de l'ordre matériel, j'espère démontrer que le principe qui sent, pense et agit en nous, survit à la mort du corps. Mais à côté de cette grande et fondamentale vérité naissent une foule de questions aujourd'hui complétement insolubles on se demande ce que l'âme éprouve alors, ce qu'elle perçoit, ce qu'elle fait, sous quelles formes s'accomplit le compte inévitable qu'elle doit rendre à la justice suprême de l'emploi de la vie passée, de quelle nature sont les épreuves destinées à continuer l'œuvre de son perfectionnement, si elle anime un nouveau corps et, dans ce cas, quel est le théâtre de sa nouvelle existence, toutes choses dont nous sommes absolument impuissants à nous faire maintenant aucune idée, faute d'expérience directe. Imaginons donc qu'un homme, s'étant trouvé, ne fût-ce que pendant quelques instants, dans un autre monde, revienne dans celui-ci. De quelle curiosité empressée ne sera-t-il pas l'objet de la part des autres hommes, et que de choses inouïes, inattendues, extraordinaires n'aura-t-il pas à leur apprendre? Concevrait-on qu'il

(1) 1re partie, chapitre 6, tome 1er.

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