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n'était pas encore réduite en province romaine, et elle ne le fut qu'après la déposition d'Archélaüs, son fils, qui régna encore après lui pendant 10 ans (1). Or les Romains ne faisaient pas de recensements dans les pays soumis à des rois alliés, lors même que ces rois leur payaient tribut. L'auteur de l'Évangile de Luc a donc ou ignoré ou bouleversé l'histoire. Il lui fallait un prétexte pour faire venir les parents de Jésus à Bethlehem. Le recensement de Cyrénius lui tombe sous la main. Mais ce fait appartient à un autre temps. Eh! qu'importe à un faiseur de légendes? Le recensement est son affaire; il ne le lâchera pas. Pour lui il ne tient pas aux dates, et il ne se demande pas même si l'on y regardera après lui.

S 4.

FUITE EN ÉGYPTE ET MASSACRE DES INNOCENTS.

Matthieu et Luc, les seuls évangélistes qui parlent de la nais sance et de l'enfance de Jésus, se contredisent à cet égard, non pas sur des circonstances ou des faits accessoires, mais sur des points de premier ordre. Il y a, dans l'Évangile de Matthieu, une

" fût gouverneur de Syrie." Herward (Nova, veræ et exactè ad calculum astronomicum revocatæ chronologiæ, cap. 241, Munich, 1612) et après lui Keppler (De vero anno quo æternus Dei filius humanam naturam in utero benedictæ virginis Mariæ assumpsit, cap. 11, Francfort, 1614) avaient déjà interprété de cette façon le texte de Luc. Пres, suivi d'un génitif, a bien quelquefois l'acception de pórepos (par exemple, Jean, ch. ler, v. 15 et 30, et ch. 15, v. 18); mais ici cela ne paraît pas le cas, et je vais en donner la raison.

(1) Joseph, Ibidem.

légende tout à la fois touchante et terrible; mais les faits dont elle se compose ne s'accordent pas avec la relation de Luc. Dans Matthieu, ch. 2, v. 15-16, aussitôt après l'adoration des mages, Joseph et Marie partent de Bethlehem et s'enfuient en Égypte, pour éviter la colère d'Hérode qui ordonne alors ce fameux massacre des Innocents, sur lequel je reviendrai tout à l'heure. Ils restent en Égypte jusqu'à la mort d'Hérode. Consultons maintenant Luc. Peut-être ne serait-ce pas se montrer bien exigeant que de lui demander de confirmer des faits aussi importants que le sont cette fuite et ce massacre. Mais au moins faut-il qu'il ne rapporte rien qui les contredise. On va voir s'il en est ainsi. D'après sa narration, ch. 2, v. 22-39, Joseph et Marie viennent publiquement au temple de Jérusalem, le quarantième jour après la naissance de Jésus, afin d'accomplir les cérémonies prescrites par Moyse (Lévitique, ch. 12) pour la purification de la mère et le rachat de l'enfant comme premierné. Loin de se cacher pour remplir ces observances, ils les accomplissent ostensiblement, dans un temple fréquenté par la foule et où ils sont harangués par le vieillard Siméon et la prophétesse Anne. Assurément c'était faire beau jeu à la colère d'Hérode et rendre bien faciles les recherches de ses sicaires. Mais au moins, après ces cérémonies, Luc fera-t-il partir enfin la sainte famille pour l'Égypte? Pas le moins du monde. Il la dirige d'un côté tout opposé, en la faisant retourner tranquillement à Nazareth en Galilée, leur résidence habituelle. Cette circonstance s'oppose à la conciliation que l'on a essayé d'établir entre les relations des deux évangélistes, en disant que la présentation au temple, racontée par Luc, avait pu avoir lieu avant l'adoration des mages, racontée par Matthieu; car, dans cette dernière hypothèse, les mages arrivant à Bethlehem, où se

passe la scène de l'adoration d'après Matthieu, n'y auraient plus trouvé la sainte famille, que Luc avait fait partir pour Nazareth aussitôt après la présentation au temple.

Disons maintenant quelques mots du massacre des Innocents. Il est copié en partie sur ces ordres d'extermination des enfants israélites, émanés du Pharaon, et qui accompagnent aussi la naissance du libérateur des Hébreux (Exode, ch. 1er et 2). Quoique partisan des Romains qui avaient permis à Hérode de régner, l'historien juif Joseph n'épargne pas assurément la mémoire de ce tyran, et, tout en lui laissant son surnom de grand, raconte ses crimes dans le plus ample détail (1). Or il ne dit absolument rien de ce massacre de tous les enfants de deux ans et au-dessous, que Matthieu prétend avoir été exécuté dans Bethlehem et tout le pays d'alentour par les ordres d'Hérode. Outre que la narration de Luc, en contredisant, comme je viens de le faire voir, la fuite en Égypte racontée par Matthieu, contredit déjà par là même ce massacre qui en est le prétexte, est-il permis de supposer qu'une aussi abominable boucherie n'eût causé aucun émoi dans la Judée, n'eût laissé aucune trace dans ses annales contemporaines, et qu'un historien juif, qui vient peu de temps après raconter longuement et minutieusement le règne d'Hérode sans nous faire grâce d'aucun de ses crimes, soit publics soit privés, n'eût absolument rien dit de celui qui les surpassait tous en atrocité?

Matthieu prétend, v. 17 et 18, que le massacre des Innocents était l'accomplissement d'une prophétie de Jérémie. Quand on consulte le texte réel de cette prophétie, ch. 31, on voit que les

(1) Ibidem, livres 15, 16 et 17.

enfants sur lesquels pleure Rachel, au verset 15, ne sont pas morts mais absents et en captivité, et que la prophétie a précisément pour objet la promesse que Dieu fait de les rappeler de l'exil. Cela résulte manifestement de l'ensemble des versets 10-17. On se demande alors comment l'auteur de l'évangile qui porte le nom de Matthieu, a pu voir là une prédiction de massacre d'enfants, et l'on est forcé d'admettre qu'il s'est borné à en extraire ou à citer de mémoire le verset 15 isolément, et sans regarder ce qui était avant et après. On voit que cet évangéliste, qui aime à citer les prophéties de l'ancienne loi, n'est pas heureux dans les applications qu'il en fait. J'en ai donné d'autres preuves ailleurs (1).

§ 5.

COMMENCEMENT ET THÉATRE DES PRÉDICATIONS DE JÉSUS.

Matthieu, ch. 4, v. 12 et 17, et Marc, ch. 1er, v. 14, ne font commencer les prédications de Jésus qu'après l'arrestation de Jean-Baptiste. Jean au contraire a déjà fait prêcher Jésus depuis quelque temps, lorsque, au chapitre 5, v. 25 et 24, il nous apprend que Jean-Baptiste n'avait pas encore été jeté en prison. Il ne saurait exister contradiction plus manifeste. En voici une autre qui ne l'est pas moins, et qui porte sur un des points les plus graves. D'après les relations de Matthieu, Marc et Luc, Jésus commence et continue sa mission dans la Galilée ou aux environs, dans la partie septentrionale de la Palestine, la plus éloignée de Jérusalem. Ce n'est que sur la fin de ses prédica

(1) Dans la 1re partie, ch. 6, Miracles et Prophéties, tome 1er.

tions et pour accomplir sa mission qu'il vient à Jérusalem, ch. 21. Il y paraît tout à fait inconnu. Toute la ville se demande qui il est, v. 10. D'après la relation de Jean au contraire, Jésus vient à Jérusalem peu de temps après le commencement de sa mission et les noces de Cana, ch. 2, v. 15 et suivants; il se présente au temple, d'où il chasse les vendeurs. C'est Jérusalem qui est le théâtre principal de ses prédications, de ses actes et de ses discussions avec les Pharisiens. Il y paraît surtout aux jours de fête, qui attiraient une grande foule et où on le recherchait. On peut voir l'empressement de la multitude à cet égard, v. 11 et 12 du chapitre 7.

$ 6.

RELATIONS DE JEAN-BAPTISTE AVEC JÉSUS, ET DISPOSITIONS PERSONNELLES D'HÉRODE, TÉTRARQUE DE GALILÉE, A L'égard du PRÉCURSEUR.

D'après le premier évangéliste, ch. 3, v. 14, Jean-Baptiste connait si bien Jésus, lorsque celui-ci se présente à lui, qu'il se refuse d'abord et par des motifs d'humilité à le baptiser, et qu'il ne cède qu'aux instances de Jésus. D'après le dernier évangéliste au contraire, ch. 1er, v. 31, 33 et 34, JeanBaptiste déclare formellement qu'il ne connaissait pas Jésus, lorsque celui-ci se présenta à lui. On se rappelle que JeanBaptiste était parent de Jésus, qu'il était le fils de cette Élisabeth chez qui Marie était accourue après la visite de l'ange, et qu'il avait déjà tressailli à l'état de fœtus, à l'approche seule de la mère de Jésus (Luc, ch. 1er, v. 59-44). On n'a pas oublié qu'avant même que le Christ naquît, Élisabeth l'avait

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