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Ramenée à la réalité, cette définition devient très insignifiante, et l'on a ici un exemple remarquable de ces fréquentes admi

gulier. Or ce mot est bien au futur, et il ne peut pas être au présent puisque la forme de conjugaison du verbe, que l'on appelle le présent dans d'autres langues, n'existe pas en hébreu. Un très savant rabbin, à qui je demandais un jour la raison de cette défectuosité de la langue de ses pères, sourit en entendant ce mot de défectuosité et me répondit: Le présent n'a pas besoin d'avoir un signe dans le langage, car " il n'existe pas. C'est la limite idéale qui sépare le passé de l'avenir, mais "une limite insaisissable parce qu'elle se déplace sans cesse dans le temps; "c'est une ligne purement mathématique et nou perceptible pour nos sens. " Cette subtile explication, tout en s'appuyant sur une idée qui n'est dépourvue ni de vérité ni d'une certaine profondeur, n'est pas pleinement satisfaisante; car, quelle que soit l'idée qu'on se fasse du présent, quelque définition qu'on en donne, toujours est-il qu'on est bien obligé, en hébreu comme dans toutes les autres langues, d'imaginer quelques moyens de l'exprimer. Or voici ceux. auxquels on a recours. On se sert le plus communément du participe ou d'un adjectif, que l'on joint simplement au substantif ou au pronom, sujet du verbe; pour rendre, par exemple, ces propositions, je viens, tu parles, Dieu est juste, on a recours à ces manières de s'exprimer, moi venant, toi parlant, Dieu juste. Si donc l'auteur sacré avait voulu dire je suis celui qui suis, il

je,אהיה אשר אהיה n'aurait pas pu penser a le dire sous cette forme

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serai celui qui serai; car il n'y a pas, dans la Bible, un seul exemple qui autorise cette supposition, tandis qu'il y en a, ainsi qu'on le verra tout à l'heure, un grand nombre qui la contredisent. Il l'eût dit sous cette forme

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moi étant qui étant, ou sous quelque autre forme analogue. Pour exprimer le présent on emploie aussi le passé d'un petit nombre de verbes : par exemple on dit 'n je sais (j'ai pris connaissance et par conséquent je sais), comme on dit en grec ada et en latin novi. Le passé, précédé du 1, que les grammairiens appellent alors conversif, exprime le futur, surtout en style prophétique, où l'on se transporte par la pensée dans un avenir que l'on tient pour tellement assuré qu'on le regarde déjà comme passé. Par une réciprocité

rations qui s'exercent sur le vide. Ajoutons qu'en admettant que la définition de Dieu, du chapitre 3 de l'Exode, eût bien

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assez bizarre, le futur, précédé du conversif, exprime souvent le passé. Mais le présent ne s'exprime point par le futur, excepté, ce qui n'est pas le cas actuel, dans le style sententieux, lorsqu'il est question d'une chose permanente plutôt que d'un présent proprement dit, comme, par exemple, quand nous disons en français: Un sot ne s'apercevra jamais de sa sottise." Des auteurs prétendent que le verbe en hébreu n'a point de futur, et que la forme à laquelle on donne ordinairement ce nom, est un aoriste, c'est-à-dire, selon leur définition, une forme vague et indéfinie, susceptible d'exprimer tous les temps. Cette opinion ne me paraît pas soutenable; car presque partout où ce prétendu aoriste se présente non précédé du 7, tous les traducteurs et les auteurs en question eux-mêmes le rendent par le futur et ne pourraient pas le rendre autrement.

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M. Cahen donne du v. 14 du ch. 3 de l'Exode (tome II, Paris, 1832) cette traduction dont la première partie ne présente aucun sens en français : ÉHÉIÉ qui (est) ÉHÉIÉ........... ÉHÉIÉ m'envoie près de vous. « Le traducteur latin de la version syriaque avait fait aussi du mot un nom propre: «Ehie-ascer-ehie (sum qui sum)............. Ehie misit me super vos. " (Bible polyglotte, tome VI, Paris, 1632.) M. Cahen fait, dans une note, cette "Ces trois mots signifient

אהיה אשר אהיה observation sur les mots

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"grammaticalement je serai que je serai, ou je suis que je suis; car

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:

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indique aussi bien le présent que le futur. " Où M. Cahen a-t-il pris cette dernière assertion? Pourrait-il citer des textes positifs à l'appui? Pour moi, j'en ai cherché en vain, et partout au contraire où j'ai rencontré le mot 7 (par exemple, Genèse, ch. 26, v. 3, et ch. 31, v. 3; Erode, ch. 3, v. 12, et ch. 4, v. 12 et 15; Deuteronome, ch. 31, v. 23; Josué, ch. 1er, v. 5, et ch. 3, 7; 1er livre des Rois, ch. 23, v. 17; 2o livre des Rois, ch. 7, v. 14, ch. 15, v. 34, et ch. 16, v. 18 et 19; 1er livre des Paralipomènes, ch. 17, v. 13, et ch. 28, v. 6; Job, ch. 3, v. 16, ch. 7, v. 16 et 20, ch. 10, v. 19, et ch. 12, v. 4; Isaïe, ch. 3, v. 7; Jérémie, ch. 11, v. 4, ch. 24, v. 7, ch. 30, v. 22, et ch. 32, v. 38; Ézéchiel, ch. 37, v. 23; Osée, ch. 1er, v. 9, et

V.

véritablement la signification que lui donnent les traductions ordinaires, il resterait encore à dire que la Bible n'en a pas le

ch. 14, v. 6; et Zacharie, ch. 2, v. 9 (v. 5 dans le grec et le latin), et ch. 8, v. 8, je l'ai presque toujours trouvé employé avec la signification du futur simple ou conditionnel, rarement avec celle du passé au moyen du 】 conversif, mais jamais avec celle du présent. En ne consultant que la Vulgate, on pourrait croire que je fais à tort figurer dans la liste précédente le verset 7 du ch. 3 d'Isaïe, saint Jérôme ayant rendu par non sum medi

cus, Mais

devait être traduit ici comme ailleurs par non ero. Le doute n'est pas possible quand on considère l'ensemble du passage où se lit ce verset. Isaïe prédit la ruine de Jérusalem et de Juda. Il représente le peuple réduit aux dernières extrémités et demandant protection à un homme dénué de tout comme lui et qui n'a dans sa maison ni vêtements ni pain. Celui-ci refuse l'autorité souveraine qui lui est offerte, et comme il croit le mal de la nation trop grand pour être guéri, il déclare qu'il ne sera pas son médecin. Le grec porte 'Oux ëσoμai σou àpxyyòs, je ne serai pas ton chef. La Bible anglicane traduit plus exactement par I will not be an healer, je ne serai pas guérisseur (Oxford, 1843). Il est impossible que saint Jérôme n'ait pas vu que le mot était au futur, puisqu'il le rend habituellement par ero. Peutêtre a-t-il voulu user ici de cette figure de langage, qui emploie quelquefois le présent pour désigner le futur, comme lorsque nous répondons à quelqu'un qui nous engage à aller avec lui quelque part le lendemain : "je ne suis pas votre homme, ou bien je ne sors pas demain, " pour dire :

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: "

» serai pas votre homme, " ou bien je ne sortirai pas demain. "

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J'ai fait remarquer tout à l'heure que, dans la proposition

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w

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je ne

, le mot 7 devenait un nom propre, puisqu'il y était sujet d'un verbe à la troisième personne du singulier. C'est le nom sous lequel Dieu se désigne quand Moyse lui demande comment il s'appelle. Il semble dès lors qu'à partir de ce moment, la Bible ne devait plus lui en donner d'autre. Il y a donc lieu de s'étonner que ce passage soit le seul où le mot 7 ait eu cette acception.

privilége. Plutarque, parlant d'une inscription du temple de Delphes, ne veut pas qu'on dise de Dieu qu'il a été ou qu'il sera, mais simplement qu'il est (1).

§ 3. LES DIX PLAIES D'ÉGYPTE.

Le Pharaon, dont Jéhovah a endurci le cœur (ch. 4, v. 21; ch. 10, v. 20 et 27; ch. 11, v. 10; et ch. 14, v. 4, 8 et 17), refuse de laisser partir les Hébreux. Alors Moyse afflige l'Égypte de ces fléaux surnaturels, décrits dans les chapitres 7-12, et connus sous le nom des dix plaies d'Égypte. Toutes les eaux sont changées en sang; le pays entier est couvert successivement de grenouilles, de cousins, de mouches de toute espèce, de sauterelles et d'épaisses ténèbres qui durent trois jours; il est ravagé par la peste, les ulcères, la grêle et enfin par le massacre des premiers-nés (2). Je ne m'arrêterai pas ici à faire

(*) ΕΙ, φαμὲν, ὡς ἀληθῆ καὶ ἀψευδῆ καὶ μονὴν μόνῳ προσήκουσαν τὴν τοῦ εἶναι προσαγόρευσιν ἀποδιδόντες.

ὄντος λέγειν ὡς ἦν ἢ ἔσται

ὅθεν οὐδ ̓ ὅσιον ἔστιν οὐδὲν τοῦ ἀλλ ̓ ἔστιν ὁ Θεὸς, χρὴ φάναι, καὶ

ἔστι κατ οὐδένα χρόνον, ἀλλὰ κατὰ τὸν αἰῶνα, τὸν ἀκίνητον, καὶ ἄχρονον, καὶ ἀνέγκλιτον, καὶ οὗ πρότερον οὐδὲν ἔστιν, οὐδ ̓ ὕστερον, οὐδὲ νεώτερον. (Περὶ τοῦ ΕΙ τοῦ ἐν δελφοῖς, tome II, Paris, 1624.)

(2) En 1827, lors de la discussion de la loi contre la presse, à la chambre des Députés de France, le comte de Sallaberry, trouvant trop courte cette liste des dix plaies, soutenait que Moyse avait oublié d'y joindre celle de l'imprimerie, qui, dans la pensée du fougueux défenseur du trône et de l'autel, valait sans doute à elle seule les dix autres.

voir l'impossibilité des miracles considérés en tant que faits contraires aux lois de l'ordre naturel c'est une question que j'ai traitée déjà (1). Je me bornerai à quelques observations sur le peu de soin qu'a pris le narrateur sacré de coudre ensemble, tant bien que mal, les diverses parties dont se compose son histoire merveilleuse des plaies d'Égypte, histoire qui s'en va en lambeaux, pour peu qu'on y touche et sans qu'il soit même nécessaire de s'attaquer à l'absurdité du fond.

Ch. 7, v. 19-22, Aaron change, d'un coup de baguette, toutes les eaux de l'Égypte en sang. Aussitôt les magiciens du Pharaon en font autant. On se demande où donc ces magiciens avaient trouvé de l'eau pour faire leur expérience, lorsque toute celle d'Égypte venait d'être convertie en sang par Aaron.

Ch. 9, v. 6, tous les animaux viennent de périr de la peste. Or voilà que Moyse trouve encore le moyen de tourmenter les bêtes par les ulcères et la grêle, v. 10 et 25, et par l'extermination de leurs premiers-nés, ch. 12, v. 29 !

Après avoir vu périr tous leurs animaux et par conséquent leurs chevaux, les Égyptiens vont néanmoins poursuivre les

(1) Dans un chapitre spécial, le chapitre 6 de la 1re partie, j'ai eu à la traiter d'une manière générale. Je fais cette observation une fois pour toutes, priant le lecteur de l'appliquer à tous les faits réputés miraculeux, que j'aurai à mentionner dans les deux sections de cette 2o partie.

Faut-il s'étonner que les faiseurs de miracles séduisent si facilement la multitude ignorante, quand ils trouvent encore aujourd'hui des dupes parmi les gens instruits? Un voyageur français, M. Léon de Laborde, n'a-t-il pas prétendu avoir vu exécuter en Égypte, bien plus avoir exécuté lui-même, mais sans savoir comment, des miracles aussi étonnants que ceux d'Aaron et des magiciens? (Commentaire géographique sur l'Exode et les Nombres, Paris, 1841, note sur le v. 11 du ch. 7 de l'Exode.)

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