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choses se passent autrement. Le verset 12 contient des détails et des circonstances qui convertissent le meurtre de l'Égyptien en véritable assassinat. Au lieu de voler au secours de l'opprimé, sans se cacher comme d'une mauvaise action, Moyse commence par regarder de tous côtés, et c'est quand il croit s'être assuré qu'il n'est en vue de personne, qu'il fond sur l'Égyptien, le tue et l'enfouit dans le sable. Et c'est cet homme souillé de sang, qui va se donner pour l'interprète des volontés de Dieu et se dire choisi entre tous pour fonder une société religieuse! L'historien Joseph passe ce meurtre sous silence.

Moyse, apprenant que son crime est connu du Pharaon, qui veut le faire mourir, se réfugie chez un prêtre payen de Madian, dont il avait secouru les filles, que maltraitaient des bergers. Cette fois sa générosité n'est point entachée de meurtre. Il épouse Séphora, l'une des sept filles du prêtre madianite, v. 15-21 (1). Ce beau-père, qui a été appelé d'abord Raguel au verset 18 du chapitre 2, n'est plus appelé que Jéthro au verset 1er du chapitre 5, au verset 18 du chapitre 4 et aux versets 1, 5, 6, 9, 10 et 12 du chapitre 18; mais il est de nouveau appelé Raguel au verset 29 du chapitre 10 des Nombres. On a essayé d'expliquer ces deux noms, en disant que le Raguel du verset 18 du chapitre 2 de l'Exode, quoiqu'il fût appelé le père des filles madianites, pouvait être seulement leur grand-père et par conséquent le père de Jéthro. Mais cette supposition est peu d'accord avec le verset 21, où l'on voit ce Raguel accorder en mariage sa fille Séphora, ce qui constituait

(1) Selon l'historien Joseph, il était déjà marié à une Éthiopienne. (Ιουδαϊκή ἀρχαιολογία, livre 2, ch. 10.)

un acte d'autorité qu'on ne saurait guère attribuer qu'au père

même.

Pendant que Moyse fait paître sur le mont Horeb les brebis de son beau-père, l'ange de Jéhovah (Jéhovah lui-même dans la Vulgate) lui apparaît dans une flamme au milieu d'un buisson, ch. 5, v. 1-5. Mais, à partir du verset 4, cet ange est changé en Jéhovah lui-même, qui appelle Moyse. Celui-ci répond: « Me voici. » Mais il lui est défendu d'approcher. Nous savions déjà, et nous en aurons d'autres preuves, que le Dieu de Moyse ne veut pas être regardé de trop près. Il lui ordonne de se déchausser, parce qu'il foule une terre sainte : c'est ce que font encore les Arabes d'aujourd'hui en entrant dans leurs mosquées. Jéhovah charge Moyse d'aller trouver le nouveau roi d'Égypte et de délivrer les Israélites. Moyse se déclare incapable de remplir une pareille mission, v. 4-11. Les apologistes ne manquent pas de faire ressortir ce trait d'apparente humilité, dans lequel ils voient un garant irrécusable de la sincérité de Moyse et de la véracité de son récit, comme s'il était sans exemple qu'on eût jamais usurpé le langage d'un homme modeste et véridique. Au chapitre 4, v. 10, Moyse s'excuse encore sur ce qu'il n'a pas le talent de la parole. Cette excuse est exprimée d'une façon singulière; en voici la traduction littérale : « Je ne suis un homme à la <«< parole facile ni depuis hier ni depuis avant-hier ni depuis << que tu as parlé à ton serviteur; car je suis lourd de la bouche «<et lourd de la langue (1). » Cela est en désaccord avec ce

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que nous lisons au livre des Actes des apôtres, ch. 7, v. 22, où il est dit que Moyse était puissant en paroles aussi bien qu'en œuvres. Il est vrai que, comme c'est Moyse lui-même qui, dans l'Exode, est censé parler de lui, on peut rejeter sur sa modestie cette discordance. Quoi qu'il en soit, Jéhovah lui promet de l'assister, ajoutant, après s'être un peu mis en colère selon sa coutume, que l'orateur de la famille, Aaron, parlera à sa place, v, 11-16. Moyse prend congé de son beau-père, met sa femme et ses enfants sur un åne et retourne en Égypte, v. 18-20. Chemin faisant, il rencontre dans une hôtellerie Jéhovah, qui cherche à le tuer, et qui ne le laisse aller qu'après que Séphora, ayant circoncis son fils, a dit à Moyse : « Tu es « pour moi un époux de sang. » V. 24-26. Ainsi voilà Dieu travesti en querelleur, aux prises avec son serviteur au moment où celui-ci exécute ponctuellement ses ordres! Assurément on ne saurait rien imaginer de plus extravagant que cet épisode (1). Cela est tellement inepte que des orthodoxes substituent au

Jérôme a dénaturé en partie cette réponse, en faisant dire à Moyse que, depuis que Jéhovah lui a parlé, sa langue est encore plus embarrassée et plus lente qu'auparavant : "Ex quo locutus es ad servum tuum, impeditioris et " tardioris linguæ sum. L'explication que donne le traducteur latin 'de l'infirmité de Moyse, en la présentant comme le résultat de l'entretien avec Jéhovah, ne se trouve nullement dans l'hébreu.

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(1) Les Septante ont évidemment été très embarrassés de cette scène grotesque. D'abord ils ont substitué un ange à Jéhovah, 'Eyéveto dè év tž ódậ Év τῷ καταλύματι συνήστησεν αὐτῷ ἄγγελος κυρίου· καὶ ἐζήτει αὐτὸν ἀποκτεῖναι, v. 24, quand le texte hébreu parle expressément de Jéhovah; ensuite à ce reproche très irrévérencieux que Séphora adresse à son époux,

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כי

nax '7, v. 25, ils ont substitué ces paroles insignifiantes Ἔστη τὸ αἷμα τῆς περιτομῆς τοῦ παιδίου μου.

sens direct, que rien dans le récit n'autorise à abandonner, un sens détourné, en disant que Dieu envoie à Moyse une maladie qui le retient en route jusqu'à ce que son fils ait été circoncis. Au chapitre 32 de la Genèse, v. 25-31 (v. 24-30 dans le grec et le latin), Dieu avait aussi lutté contre Jacob, et il avait même eu le dessous; mais le texte permettait absolument de supposer qu'il s'était fait représenter dans ce combat par un ange à face humaine, ce qui atténuait l'inconvenance du fait, tandis qu'ici c'est Dieu lui-même qui est aux prises avec Moyse.

Il y a, au chapitre 3, un autre incident par dessus lequel j'ai passé tout à l'heure, me réservant d'y revenir. Au moment où il vient de recevoir sa mission, Moyse demande à Dieu, à ce Dieu qu'il dit être celui de ses pères, comment il s'appelle, v. 13. Quand on admet plusieurs Dieux et Déesses, il est nécessaire, pour les distinguer les uns des autres, de leur donner à chacun un nom particulier; alors l'un s'appelle Moloch, l'autre Osiris, celui-ci Jupiter, cette autre Astaroth, etc. Mais, quand on n'en reconnaît qu'un, comme est censé le faire Moyse, c'est une question dépourvue de sens que de demander comment il s'appelle; il ne peut pas avoir d'autre nom que le nom quelconque par lequel celui-là même qui fait cette question, a été habitué par ses parents à exprimer l'idée qu'ils lui ont donnée de la cause première. Telle eût pu être la réponse de Dieu à la question toute payenne de Moyse. Voici celle que lui attribuent presque toutes les traductions : « Je suis celui qui suis..... Celui qui est m'a envoyé vers « vous. » V. 14 (1). Que de fois cette définition de Dieu

"

(1) Ἐγώ εἰμι ὁ ὤν..... ὁ ὢν ἀπέσταλκέ με πρὸς ὑμᾶς. Septante.)

Ego sum qui sum............. qui est misit me ad vos. " (Vulgate.)

n'a-t-elle pas été citée comme la plus sublime et la plus parfaite de toutes! Qui est-ce qui n'a pas lu, dans les traités des docteurs chrétiens, ces expressions d'admiration ou d'autres analogues?«< Voyez comme les livres saints définissent Dieu!

«

Quelle plus vraie et plus grande idée pouvait-on donner de « l'être par excellence, de l'être des êtres, de celui qui par << son infinité comprend l'universalité et tous les degrés possi«bles de l'existence? Moyse ne se sert ni du passé ni du « futur, mais du présent, indiquant par là que la manière « d'exister de Dieu ne comporte aucun changement, et que « son être toujours et partout présent embrasse l'éternité des << temps comme l'immensité des lieux. » Il ne manque à la supposition sur laquelle roule tout cet éloge qu'un peu de vérité. Dans l'original, Dieu parle de lui au futur et non au présent. Le texte primitif, traduit exactement, signifie : « Je << serai celui qui serai..... JE SERAI m'a envoyé vers vous (1). »

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reçue par les théologiens est l'œuvre des Septante d'abord, qui, sur ce point. comme sur beaucoup d'autres, ont faussé le sens de l'hébreu, puis de saint Jérôme qui a partagé leur infidélité, quoiqu'il ait dû s'en apercevoir. Pour être fidèles, les premiers auraient du dire: Εγώ ἔσομαι ὃς ἔσομαι. ΕΣΟΜΑΙ ἀπέσταλκέ με πρὸς ὑμᾶς, et le second : Ego ero qui ero..... ERO "misit me ad vos. " Cette dernière traduction est celle qu'a adoptée le traducteur latin de la paraphrase chaldaïque : « Ero qui ero.... qui ERO misit me ad " vos." (Bible Polyglotte, tome I, Paris, 1645.) Le second membre de ces phrases est étrange sans doute; mais il ne l'est

pas plus que l'hébreu corres

devient um nom אהיה oil le mot אהיה שלחני אליכם pondant

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