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il lui plaira? Cependant je vois, par votre lettre et par toutes les précédentes, que c'est sur quoi Rome s'émeut le plus... On m'a dit que l'inquisition avait condamné le sens favorable à cette indépendance!... On perdra tout par ces hauteurs. Dieu veuille donner des bornes à ces excès ! Ce n'est pas par ces moyens qu'on rétablira l'autorité du saint-siége, etc. >>

Les instances furent inutiles. Innocent XI n'approuva point la Déclaration, mais du moins il ne la censura pas. « Il se borna, dit M. de Bausset, à encourager et à récompenser, avec plus de générosité que de jugement, les nombreux écrivains qui se dévouèrent à combattre l'assemblée de 1682. >>

;

Ces écrits firent en général assez peu de sensation mais, dans le nombre, on doit remarquer celui que ROCABERTI, ancien général de l'ordre de Saint-Dominique, archevêque de Valence, grand-inquisiteur d'Espagne, publia, en 1694, à Valence, en 3 vol. in-fol., sous ce titre : De Romani Pontificis auctoritate.

On eût peut-être laissé cet ouvrage dans l'oubli où semblait le condamner son énorme format. Mais à côté de ce livre marchaient les approbations les plus emphatiques; et le vaniteux Rocaberti avait fait imprimer en tête deux brefs d'Innocent XI, qui exaltait « la diligence, l'étude, » l'affection, le zèle, l'érudition et l'esprit que l'auteur avait >> employés à l'avantage de l'Eglise. »>

Bossuet eut la patience de lire cet ouvrage, et il présenta au roi un Mémoire qui contenait le résultat de cet examen, et qui est un modèle parfait d'analyse 2.

En voici le précis :

Rocaberti traite les Français comme hérétiques sur l'infaillibilité du pape. — Il traite d'impie, hérétique et schismatique la doctrine de l'indépendance des rois dans leur

I L'auteur de l'Essai historique sur les Libertés de l'Eglise a consacré un chapitre exprès à l'exposé des attaques dirigées par divers écrivains contre la Déclaration de 1682.

2 Ce Mémoire est à la fin du tome XXXIII des Euvres de Bossuet, p. 662 et suiv. J'en recommande spécialement la lecture à ceux qui sont chargés de poursuivre les délits de la presse.

temporel, et cite à ce sujet le décret de l'inquisition de Tolède : « Comme si la France, dit Bossuet, était obligée à reconnaître l'autorité de l'inquisition de Tolède! » — Les approbateurs de l'ouvrage de Rocaberti calomnient les libertés de l'Eglise gallicane, qu'ils qualifient de priviléges, ajoutant que tous ceux dont elle a joui ne procèdent que de la grâce du pape et de sa parole révocable; « sans songer, dit encore Bossuet, qu'une très-grande partie de ces libertés est fondée sur des concordats exprès entre le pape et le saint-siége, et les rois et le royaume de France. »— Bossuet relève ensuite d'autres outrages contre la France, et plusieurs manquements de respect envers le roi; et il ne peut s'empêcher de remarquer que M. le grand-inquisiteur s'est montré plus Espagnol qué chrétien.-En conséquence, Bossuet, en gardant d'ailleurs tous les ménagements vis-àvis le saint-père, propose au roi de déférer le livre au parlement, et d'en faire défendre le débit. Ce qui fut effectivement ordonné par arrêt du 20 décembre 1695.

Bossuet ne s'en tint pas là: il sentit qu'il était temps de dérouler aux yeux du monde chrétien les preuves qui appuyaient la doctrine de la Déclaration de 1682, et de faire taire ses contradicteurs. Il les confondit par l'admirable ouvrage auquel il avait travaillé depuis long-temps, et qu'il publia seulement alors sous le titre de Défense de la Déclaration du Clergé de France; ouvrage que l'on doit regarder comme l'un des monuments les plus imposants de la prodigieuse érudition de son auteur et de son dévouement à la gloire de l'Eglise gallicane et aux vrais intérêts de la catholicité.

Il y démontre, avec la dernière évidence, que la doctrine de l'Eglise gallicane, renfermée dans les quatre articles, n'est que la doctrine même de l'Ecriture et de la tradition, et que, loin d'affaiblir et de diminuer la primauté et l'autorité du souverain pontife et du saint-siége, elle lui rend toute sa force, tout son éclat et son ancienne majesté, en écartant les prérogatives odieuses et fausses dont l'ignorance et la flatterie se sont efforcées, dans les derniers temps, de la charger et de l'obscurcir.

b.

Les ultramontains ont prétendu que le clergé de France, et même Louis XIV, avaient abjuré la doctrine contenue dans cette immortelle Déclaration. C'est une erreur.

Il est très-vrai qu'Innocent XI, dont l'exemple en cela fut suivi par Alexandre VIII, son successeur, ayant refusé d'accorder des bulles aux évêques nommés qui avaient été membres de l'assemblée de 1682, on entama des négociations qui se continuèrent jusque sous Innocent XII. Dans le désir de se réconcilier avec le saint-siége, les évêques écrivirent au pape des lettres pleines de cette soumission qu'ils ne lui ont jamais déniée; mais ils n'ont répudié ni leur propre ouvrage, ni les doctrines de l'Eglise gallicane '.

Et Louis XIV, ce monarque si soumis dans les choses de foi, mais si fier dans le juste maintien des droits de sa couronne, aurait-il donc désavoué le clergé français, dont il avait demandé l'appui? Ceux qui aiment à représenter ce grand roi agenouillé aux pieds de madame de Maintenon, et subjugué par un jésuite devenu son confesseur, ont cherché à accréditer cette idée; mais que l'on consulte d'Aguesseau, et l'on saura que, loin de se montrer à ce point différent de soi-même, Louis XIV, au contraire, refusa avec fermeté tout ce qui pouvait avoir l'APPARENCE d'une rétractation.

Ce fut même à cause de ce refus, qu'il n'avait pu vaincre, qu'Alexandre VIII, en cela trop fidèle émule de son prédécesseur, déclara casser les délibérations et résolutions de l'assemblée de 1682, par une bulle en date du 4 août 1690, qu'il n'osa néanmoins publier que le 30 janvier 1691, veille de sa mort.

C'est ainsi qu'en partant je vous fais mes adieux.

Louis XIV, par amour pour la paix, et lorsqu'il n'en coutait rien à son autorité, a pu se montrer disposé à se relâcher un peu de la sévère exécution de son propre

Ce fait est amplément démontré par Louis-Elies Dupin, Histoire du XVIIe siècle, p. 722. Il est également expliqué dans ce même sens par Bossuet, dans le chap. X de la Dissertation préliminaire de sa Défense de la declaration du clergé.

2 Tome XIII de ses Euvres, p. 418.

J

Edit; mais il n'en faut pas induire qu'il ait en cela apporté quelque dérogation aux principes posés dans la Déclaration.

D'abord il n'aurait pas pu, de sa seule autorité, déroger, soit à cette Déclaration en elle-même dans ce qui tient à la foi, ni à son Edit, qui, par l'enregistrement au parlement de Paris, avait reçu le caractère de loi du royaume; car il est de principe que, pour détruire un acte, il faut la même puissance que pour le fonder. Secundum naturam est quæque eodem modo dissolvi quo colligata sunt. Loi 35, Dig., de Reg. Jur.

Ensuite il est très-constant, en point de fait, que Louis XIV n'a jamais rien dit ni écrit qui ait pu porter la moindre atteinte aux principes posés par la Déclaration de 4682.

Si la cour de Rome a voulu induire autre chose des termes de la lettre écrite par Louis XIV à Innocent XII, le 14 septembre 1693, elle a eu de bonnes occasions de se désabuser sur ce point.

Pour en être convaincu, il suffit de lire les instructions que le monarque français adressa le 7 juillet 1713 au cardinal de La Trémoille, chargé de ses affaires à Rome. Dans cette lettre (qui se trouve rapportée dans les Mémoires de d'Aguesseau, tome XIII de ses OEuvres, pages 424), Louis XIV, parlant des maximes de l'Eglise de France, consacrées par la Déclaration, dit en propres termes : « Le pape Innocent XII ne me demanda pas de les abandonner, lorsque je terminai avec lui les différends commencés sous le pontificat d'Innocent XI: il savait que cette demande serait inutile; » → et M. de La Trémoille est chargé de le répéter au pape, le roi pensant qu'on ne peut lui en parler avec trop de force.

Une lettre de Louis XV adressée au pape Clément XIII, à l'occasion d'une ordonnance de M. de Fitz-James, évêque de Soissons, censurée par l'inquisition, prouve évidemment que le roi ne jugeait pas que la lettre écrite par Louis XIV à Innocent XII, en 1693, eût porté atteinte à l'édit de 1682. « Je mettrai toujours, dit le roi dans cette

lettre, ainsi que les rois mes prédécesseurs, au rang de mes devoirs les plus stricts, de maintenir dans son intégrité la doctrine tenue et enseignée de tout temps par les évêques et les écoles de mon royaume. Les maximes qui résultent de cette doctrine, et qui n'en sont que le précis, réunissent le double caractère de lois civiles et religieuses de mon Etat. J'ai si fort à cœur de les faire observer, que je regarderai comme infidèle à son roi et à sa patrie quiconque en France osera y porter la moindre atteinte. >>

Ainsi la doctrine de la Déclaration n'a été abandonnée ni par le clergé ni par le roi. J'ajoute qu'elle a été retenue par l'école.

En effet, cette doctrine se trouvait déjà en substance dans la déclaration faite, dès l'année 1663, par la Faculté de théologie; et c'est ce qui fait dire à Bossuet, qu'indépendamment même de la déclaration du clergé, les principes qu'elle consacre n'en seraient pas moins constants 1. D'ailleurs ils sont inhérents à l'essence même de la souveraineté.

La déclaration de 1682 a été enregistrée à la Sorbonne et dans la Faculté de droit canon 2.

Elle y a été constamment enseignée 3.

Et c'est pour servir de base à cet enseignement que Louis-Ellies Dupin, savant docteur de Sorbonne, publia, en 1707, son célèbre TRAITÉ DE L'AUTORITÉ ECCLÉSIASTIQUE ET DE LA PUISSANCE TEMPORELLE, conformément à la déclaration du clergé de France, en 1682, à l'Edit de Louis XIV, même année, et à l'arrêt du Conseil du 24 mai 1766; à l'usage de ceux qui enseignent et qui étudient dans les universités, dans les colléges et dans les séminaires de l'Eglise gallicane. « Excellent livre, dont on ne peut trop

Abeat ergo declaratio quò libuerit; manet inconcussa et censuræ omnis expers prisca illa Sententia Parisiensium. (DISSERT. prævia Declarat. cleri gallicani, cap. X.) C'est pour cela que j'ai rapporté le texte entier de cette déclaration, page 104.

2 DUPIN, Hist. du XVIIe siècle, p. 340.

3 Une déclaration de Louis XVI, du 7 juin 1777, confirme l'obligation imposée aux ecclésiastiques de maintenir et professer les libertés de l'Eglise gallicane, et notamment les quatre articles de la Déclaration de 1682.

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