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en 1591, son Traité sur les libertés de l'Eglise de France1. Ce Traité est le plus ancien de ceux qui ont été publiés sous ce titre ; il a servi en grande partie de base aux Articles de ces mêmes libertés que P. Pithou, son ami, a rédigées trois ans après, en 1594.

Je ne retracerai point ici l'éloge de P. Pithou, que j'ai publié récemment à la suite du Dialogue des avocats de Loisel. Il me suffit d'y renvoyer le lecteur. Il y verra tout ce que la tête et le cœur de ce grand citoyen renfermaient de science, de patriotisme et de zèle pour la chose publique. C'était certainement l'homme de son temps le plus versé dans la science du droit canonique et dans l'histoire légale de la France. Il avait déjà publié ses Observations sur le Code, son édition des Capitulaires de Charlemagne, ses Annales de l'histoire des Francs. En 1588, il annonçait une Collection des conciles de l'Eglise gallicane, et en 1590 il avait préparé, de concert avec son frère, les éditions qui parurent ensuite du Corpus juris canonici, en 2 vol. infol., et le Codex canonicum vetus ecclesiasticum, 1 vol. in-fol. - Tels étaient ses antécédents dans la science, lorsqu'il entreprit de rédiger, comme en articles de loi, ce qu'il connaissait de plus certain dans les maximes qui constituent les libertés de l'Eglise gallicane.

« Ces anciens droits (dit un écrivain compatriote de P. Pi>> thou 2), souvent attaqués, toujours défendus avec la plus » grande vigueur par les rois, et par toute la nation, con>> servés par une tradition immémoriale, n'avaient point >> encore été mis dans le jour qu'ils méritaient. On ne pou>> vait le leur donner qu'en les réunissant dans un corps, » qu'en fixant les principes sur lesquels ils sont établis et >> dans lesquels ils se réunissent. C'est ce qu'osa tenter >> M. Pithou: simple particulier, dénué de toute autorité, >>> il entreprit de relever entre le sacerdoce et l'Empire les

L'historien de Thou, qui avait lu ce traité, en parle en ces termes : «Guy Coquille avoit réuni avec le plus grand soin d'importantes remar"ques sur les droits de l'église de France, qui sont maintenant en conflit » de toutes parts. » Accuratissimè de gallicanæ ecclesiæ juribus, quæ nunc ubique exagitantur, observationes colligerat.

2 Grosley de Troyes, dans ses Ephémérides,

» anciennes bornes dont les derniers malheurs de l'Etat » avaient à peine laissé quelques vestiges.

» L'abondance de ces recueils aurait pu, en d'autres >> mains, augmenter la confusion qu'il voulait dissiper, » mais il n'y avait rien de semblable à craindre d'un coup >> d'œil aussi juste, aussi ferme, aussi sûr que celui de » M. Pithou. Toute cette immense matière vient se parta» ger, se distribuer, se ranger sous 83 Articles, tous rela>> tifs à deux propositions capitales dont ils sont en même >> temps et la conséquence et la preuve; tous liés de ma»> nière que chaque article paraît être la suite de celui qui » précède; qui, considérés séparément, renferment chacun » la matière et le germe d'un traité complet, dans une >> maxime énoncée avec cette rare précision qui dit tout, >> sans rien laisser à désirer ni à retrancher. >>

La première édition de ce Code de nos Libertés (en 27 pages in-8°) fut dédiée à Henri IV. On sera bien aise de voir en quels termes l'Epître est rédigée. Elle est également digne du citoyen qui l'a écrite et du prince à qui elle fut adressée.

« Au roy très chrestien.

» SIRE, voyant qu'entre les désordres et confusions sur>> venues en ce royaume, aucuns, par malice et ambition,' >> calomnient, autres, par ignorance ou lascheté, mépri>> sent indiscrètement, comme fantosmes ou chimères, ces >> beaux droits et ce précieux palladium qué nos plus sages >> et plus dévotieux ancêtres nous ont, avec tant de soin » et de vertu, religieusement conservé jusques à présent >> sous le titre des libertez de l'Eglise Gallicane, j'ay pensé >> estre de mon devoir, pour en rafraîchir aucunément la » mémoire à nostre âge, et en tout événement la trans» mettre à la postérité, de comprendre én bref le plus naï>>vement et simplement que le sujet peut porter, ce que, » à l'instante prière de plusieurs gens de bien et d'hon»> neur de tous estats, j'en avois rassemblé et recueilli, ré» servant la preuve, où elle seroit jugée nécessaire (ce >> que toutefois je ne pense pas mesmement entre vrays

>> François), à autre plus ample traité. Tel qu'est ce » sommaire, Sire, j'ai pris la hardiesse de vous le pré>> senter en toute humilité comme à celuy qui, portant le » titre de Roy très-chrestien, premier fils et protecteur de » l'Eglise, et particulièrement estant patron de celle de >> votre royaume, y avez le premier et principal intérest; >> le sousmettant néanmoins au jugement de ceux qui en » peuvent et en doivent juger, et protestant devant Dieu » n'avoir eu de ma part autre but et intention que de sa>>tisfaire aucunement au devoir naturel et légitime que » j'ay à son service et à celui de V. M., ensemble au bien >> commun de mon pays. Sire, je supplie de tout mon >> cœur le Roy des roys qu'il lui plaise vous assister tou>> jours de son Sainct Esprit, et vous faire la grâce de ré>> tablir en vostre royaume la piété et la justice à son hon>> neur et à sa gloire, au repos de vos sujets et à la con>> fusion de vos ennemis. 1594. P. PITHOU. »

Plusieurs autres éditions ont eu lieu depuis, et celle qui fut imprimée sous le règne de Louis XIV, en 4654, aveo les preuves 1, porte en tête un privilége dans lequel on remarque les expressions suivantes : « Voulant favoriser un >> ouvrage de si grande importance pour les droits de notre » Couronne, pour le bien de notre Etat, et pour l'intérêt de » l'Eglise de notre royaume, de laquelle nous sommes » premier et universel patron et protecteur. >>

On ne saurait faire un plus bel éloge de cet ouvrage. et il le mérite, car il est la fidèle expression des maximes les plus certaines sur les libertés de l'Eglise gallicane.

Aussi a-t-il obtenu le plus rare des triomphes. Ecoutons le chancelier d'Aguesseau parlant du livre des Libertés : « Quoique ces maximes ne soient que l'ouvrage d'un sim>>ple particulier, cet ouvrage, dit-il, est si estimé, et, en >> effet, si estimable, qu'on l'a regardé comme le palla» dium de la France, et qu'il y a obtenu une sorte d'au»torité plus flatteuse pour son auteur que celle des lois

Réunies par Dupuy en 2 vol. in-fol.; depuis portés à trois (en 1639 et 1731). La dernière édition, donnée par Durand de Maillane, Paris, 1771, 5 vol. in-4°, est la plus commode,

>> mêmes, puisqu'elle n'est fondée que sur le mérite et la >> perfection de son ouvrage '. »

Le président Hénault 2 atteste que « les maximes de Pi» thou ont, en quelque sorte, force de lois, quoiqu'elles » n'en aient pas l'authenticité. »

Dans le préambule d'un édit du mois de novembre 1719, concernant la possession des bénéfices par les religieux des congrégations réformées, les articles des libertés sont cités comme des règles qui doivent être suivies ; et le parlement de Dauphiné, dans un arrêt de règlement du 21 avril 1768, a enjoint l'exécution d'un de ces articles.

Ces articles forment la première partie de notre Manuel ; ils sont la base de toutes les doctrines dont les autres pièces ne sont que le développement.

Plusieurs de ces articles (ceux, par exemple, qui regardent les anciens bénéfices) peuvent paraître comme étant hors d'usage, et, sous ce point de vue, j'aurais pu les retrancher sans inconvénient; mais je n'ai pas voulu mutiler l'ouvrage de P. Pithou. Il faut considérer, d'ailleurs, qu'à l'aide du temps et avec la faculté qu'elle a de recevoir des dons en immeubles, l'Eglise, qui, par ce moyen, va toujours augmentant ses biens sans qu'aucune aliénation puisse en affaiblir la masse, finira par réunir de grandes richesses alors beaucoup de faits observés jadis pourront plus tard se reproduire, et les mêmes remèdes devront y être appliqués; c'est surtout des abus qu'on peut dire : Multa renascentur quæ jam cecidere !...

Au surplus, j'ai joint sur chacun de ces articles un commentaire que je me suis efforcé de rendre bref, mais dans lequel, cependant, j'ai voulu consigner tout ce qui est nécessaire pour la complète intelligence du texte, et pour l'interprétation des mots souvent surannés qui s'y trouvent, avec des renvois aux ouvrages où le lecteur trouvera le complément des preuves et des exemples dont il peut avoir besoin.

1 Euvres de d'Aguesseau. t. I, p. 427. 2 Abrégé chronologique, année 1594.

§ 5. Déclaration de 1682 sur les limites de la puissance ecclésiastique; historique des circonstances qui la ren dirent nécessaire et qui en firent une loi de l'Etat.

Aux maximes de P. Pithou sur les libertés de l'Eglise gallicane, il faut joindre les quatre articles de la Déclaration du clergé de France, arrêtés dans la célèbre Assemblée de 1682.

« Les quatre propositions adoptées et promulguées par » cette Assemblée, dit Grosley dans ses Ephémérides, pro>> positions qui ont irrévocablement fixé les limites des » deux puissances, et qui sont aujourd'hui en France une » des lois les plus certaines de l'Eglise et de l'Etat, ont été » presque littéralement tirées de l'ouvrage de P. Pithou, >> qui partage actuellement leur autorité. »

Un évêque célèbre par l'éloquence de ses enseignements chrétiens, M. Frayssinous, ministre des cultes sous la restauration, dit aussi dans son livre intitulé: Vrais principes de l'Eglise gallicane (édit. de 1848, p. 55), que « les » maximes françaises sont spécialement consignées dans » la célèbre déclaration de 1682. >>

Pour conserver à cette déclaration toute son autorité, et aussi pour empêcher que l'on n'en abuse, il importe de rappeler historiquement les circonstances qui l'ont rendue nécessaire, et l'esprit qui a présidé à sa rédaction.

Des démêlés sérieux s'étaient élevés entre Louis XIV et le pape Innocent XI, à l'occasion de la régale.

La régale était en France un droit en vertu duquel nos rois jouissaient des fruits temporels des archevêchés et des évêchés pendant leur vacance, et même conféraient les bénéfices non cures dépendants de leur collation, jusqu'à ce que les nouveaux pourvus eussent prêté leur serment de fidélité et l'eussent fait enregistrer à la chambre des comptes de Paris 1.

L'ancienneté de ce droit n'était pas douteuse; mais son exercice avait varié, et, quoique la plupart des Eglises y

I D'Héricourt, Lois ecclésiastiques, lettre F, chap. 6, n. 1. Voyez aussi la note sur l'article LXVI des Libertés et ci-après page 357.

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