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deux premiers soutenant le troisième, et une croix les suivant. Et la tête des deux arriva jusqu'au ciel, mais la tête de celui qu'ils soutenaient dépassa le ciel. Et ils entendirent une voix du ciel qui disait As-tu prêché à ceux qui dorment? Et une réponse fut entendue de la croix : Oui »> (V. 35-42). Ce récit est la froide fiction d'une imagination sans naïveté et sans art.

J'ai insisté à dessein sur ce faux évangile de saint Pierre, parce qu'il est le plus ancien des faux évangiles, le plus capable de caractériser cette littérature d'arrière-saison où la tradition se métamorphose en légende, et de nous permettre par là de reconnaître l'évangélisme authentique de l'évangélisme falsifié.

On a beaucoup fait en ces derniers temps pour réhabiliter deux évangiles dont il ne subsiste que quelques fragments: l'évangile selon les Égyptiens et l'évangile selon les Hébreux. Nous ne croyons pas qu'on y ait réussi pour le premier. Quand et où l'évangile selon les Égyptiens a-t-il été rédigé? On ne peut le dire d'une façon précise. Ce mot d'Égyptiens peut désigner les chrétiens d'Alexandrie; de fait cet évangile semble

n'avoir circulé qu'à Alexandrie et à Rome, deux églises en relations journalières. De fait aussi, il paraît avoir disparu de la circulation à la fin du deuxième siècle. Étant donné que Rome et Alexandrie étaient deux églises très conservatrices, cette répudiation radicale de l'évangile selon les Égyptiens est pour faire penser que, ni à Rome, ni à Alexandrie, il n'avait dû être solidement accrédité et officiellement reçu. D'après les derniers savants qui s'en sont occupés, il ne serait pas postérieur à l'an 130 et pourrait remonter au premier siècle même : cette opinion est celle de M. Harnack. J'ai pour mon humble part, grand'peine à me rallier à cette opinion: les deux fragments certains que nous possédons de l'Évangile selon les Égyptiens prêtent à Jésus des pensées si étrangères à son enseignement, si étrangères à l'enseignement des apôtres, soit sur le mariage qu'il maudit, soit sur la métempsycose qu'il soutient, que nous ne saurions voir dans cet évangile perdu autre chose qu'une fiction égyptienne du deuxième siècle, de moins de valeur que le faux évangile de saint Pierre. Le cas de l'Évangile selon les Hébreux est très différent.

Sur la fin du quatrième siècle, saint Jérôme passant à Béroë en Syrie, la ville actuelle d'Alep, à deux journées de marche d'Antioche, y trouva une communauté de Nazaréens, c'est-à-dire de juifs

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chrétiens ils avaient pour dialecte ce dialecte araméen que nous avons vu parlé au temps apostolique par les Galiléens et par les Juifs que l'on appelait Hébreux : et pour tout évangile ils avaient un évangile écrit en caractères hébraïques et rédigé en araméen. Saint Jérôme obtint de ces Nazaréens la permission de prendre une copie de leur évangile. Il fit plus encore : il traduisit cet évangile araméen, d'abord en grec, ensuite en latin. Mais il ne s'est retrouvé encore d'exemplaire ni de l'original araméen, ni d'aucune des deux éditions données. par Jérôme. Et pour juger de cet évangile perdu on n'a que les citations qu'en fait saint Jérôme dans divers de ses propres écrits.

Cet évangile selon les Hébreux était fort ancien : on peut en suivre la trace dans les auteurs qui l'ont cité jusqu'aux premières années du deuxième siècle. Et il était fort développé, car il comptait deux mille deux cents lignes, contre deux mille cinq cents qu'on en compte dans notre saint Mathieu. On n'y signale aucune trace des erreurs doctrinales du deuxième siècle, celles par exemple que nous avons relevées dans le faux évangile de saint Pierre et dans l'évangile selon les Égyptiens. Saint Jérôme, et ceci est beaucoup plus significatif, ne nous dit pas qu'il y ait trouvé aucun récit qui ne se rencontrât point dans nos évangiles grecs: mais certains traits que nous connaissons de l'évangile

selon les Hébreux font voir clairement que cet évangéliste hébreu ne transcrivait ni Mathieu, ni Marc, ni Luc, ni Jean, simplement.

Vous vous rappelez le récit où Mathieu, Marc et Luc rapportent comment Jésus guérit un homme qui avait une main desséchée. Ce récit se retrouvait dans l'évangile selon les Hébreux, mais avec un trait de plus. L'homme à la main desséchée s'adressait à Jésus et lui disait : « J'étais maçon et du travail de mes mains je trouvais ma vie : je te prie, Jésus, rends-moi la santé, pour que je ne mendie plus honteusement mon pain. » Vous vous rappelez aussi le récit du baptême de Jésus tel qu'il est rapporté par Mathieu, Marc et. Luc. Notre évangéliste hébreu a ici encore des traits qui lui sont propres. « Voici que la mère et les frères de Jésus lui disaient : Jean Baptiste baptise pour la rémission des péchés: allons et soyons baptisés par lui? Et Jésus leur répondit : En quoi ai-je péché pour aller et être baptisé par lui? A moins que cela même que je viens de dire, soit une ignorance ». Puis: « Il arriva, comme le Seigneur sortait de l'eau [du Jourdain], la source de tout l'Esprit Saint descendit et se posa sur lui et lui dit : Mon fils je t'attendais dans tous les prophètes, pour que tu vinsses et que je me reposasse sur toi : car tu es mon reposoir, tu es mon fils premier-né, qui règnes pour toujours. »

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On ne peut se défendre de cette impression que ces traits, le propos du maçon sans travail et celui de Marie, sont comme des légendes explicatives ajoutées à un récit original plus sobre, et nos évangiles grecs, Mathieu, Marc, Luc, plus sobres, nous paraissent bien plus près de l'original que cet évangéliste hébreu plus abondant et vraiment si plat. Secondement, lorsque Mathieu, Marc et Luc se bornent à dire : « Voici mon fils bien aimé, en qui je me plais » : notre évangéliste hébreu paraphrase et transforme, pour harmoniser la parole de l'Esprit-Saint et une prophétie d'Isaïe, à laquelle ni Mathieu, ni Marc, ni Luc, rapporteurs plus scrupuleux, ne font allusion. L'expression «< je t'attendais dans tous les prophètes », témoigne de l'arrière-pensée de cet évangéliste hébreu s'appliquant à harmoniser l'évangile de Jésus et l'exégèse messianique des juifs de son temps. Et enfin composant son évangile à un moment où le souvenir de saint Jacques le Mineur s'est fixé dans la légendaire figure du juste que je vous ai retracée, notre évangéliste hébreu attribue à ce personnage de second plan, à ce Juste l'idéal des chrétiens partagés entre la fidélité à la tradition judaïque et la fidélité à l'enseignement de Jésus, chrétiens dont les Nazaréens du IVe siècle sont la descendance authentique, il lui attribue le rôle, qui avait été celui de saint Pierre, le premier témoin de la

LEÇONS.

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