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écriture. Comprenons son sentiment. Nous tirons de notre éducation moderne, le préjugé de l'écriture. Nous nous défions de notre mémoire et de la mémoire d'autrui; nous prenons des notes, nous demandons des documents; rien n'est si disqualifié que les on-dit; que de gens croient tout ce qui est imprimé? Combien est différente la psychologie des gens qui ne savent ni lire, ni écrire? Combien plus sûre est leur mémoire? Quelle facilité à se passer de ce qui nous est indispensable, l'écriture? Une pareille psychologie a dû être celle des apòtres galiléens, gens du peuple et gens sans lettres (ACT. IV, 13), comme aussi celle de leurs premiers convertis en Jérusalem. Dans cette église des premières années on devait aimer à se rappeler que Jésus enseignait selon une méthode qui était précisément contraire à celle des scribes (Luc, 1, 22).

Les habitudes de notre esprit sont si tyranniques que nous serions parfois tentés de regretter que les apôtres n'aient pas été des scribes pédants : le sentiment de la primitive église était tout autre. Un évêque phrygien du 11° siècle, dans un livre écrit vers 150 et dont il nous reste quelques fragments seulement, Papias, exprime bien ce sentiment dans un passage que voici de sa préface: « Je ne craindrai pas de joindre à mes explications [des dits du Seigneur] tout ce que j'ai appris sûrement des presbytres [ou des disciples des apôtres] et que

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je me rappelle sûrement... Je n'étais pas comme la plupart qui se laissent prendre au flux des paroles, je n'aimais que ceux qui enseignent des choses vraies. Plein de défiance pour les préceptes bizarres qu'on fait circuler [— c'est un auteur du 11o siècle qui parle, et contemporain des hérétiques gnostiques 1, je ne voulais connaître que ceux qui ont été confiés par le Seigneur à la foi de ses disciples et qui proviennent de la Vérité elle-même. Si par exemple, je rencontrais quelqu'un qui avait suivi les presbytres, je le questionnais sur les discours des presbytres. Que disait André? Que disait Pierre? Que disait Philippe, Thomas, Jacques, Jean, Mathias, et tel autre des disciples du Seigneur... Car je ne pensais pas que tous les livres pussent m'apporter autant de profit que les données recueillies de la tradition [-mot à mot d'une voix —] vivante et permanente. » Ce dédain du livre! cette défiance de l'Écriture! Cette confiance, au contraire, dans le témoignage oral! Un livre n'a pas d'âme, pas de conviction, pas de personnalité; il est l'instrument de la vérité et aussi bien de la contrefaçon et du faux; un livre est irresponsable. Tandis que la « voix vivante » est la voix d'un homme qui dit ce qu'il a vu et entendu, et qui en répond. « C'est ce disciple même qui rend témoignage de ces choses... et nous savons que son témoignage est véritable » (JEAN, XXI, 24)

Le témoignage, le témoignage non écrit, est donc d'abord tout l'évangile. Soixante ans plus tard, une transformation profonde s'est produite; cet évangile non écrit est désormais fixé en un certain nombre de petits écrits, que nous avons à énumérer, à dater et à caractériser:

L'évangile selon saint Marc,
L'évangile selon saint Mathieu,
L'évangile selon saint Luc,
L'évangile selon les Hébreux,
L'évangile selon saint Jean.

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Dans l'hiver 1886-1887, au cours de fouilles exécutées en Égypte dans la nécropole chrétienne d'Akmim, on découvrit dans un tombeau un manuscrit grec du huitième ou du neuvième siècle, d'une trentaine de feuillets, qui contenait entre autres pièces un fragment d'évangile, dont les auteurs chrétiens anciens signalaient l'existence et le nom, l'Évangile selon saint Pierre. Ce fragment a été partagé en soixante versets: Il renferme une portion du récit de la passion et de la matinée de Pâques.

Les cinq évangiles de Marc, de Mathieu, de Luc, des Hébreux, de Jean n'épuisaient pas en effet

la littérature évangélique. Le deuxième siècle a enfanté une série de faux évangiles, imités des premiers, destinés à satisfaire la curiosité de fidèles désireux de savoir ce qu'on sait et plus encore, surtout plus encore, rédigés aussi par des hérétiques intéressés à mettre sous la signature des apôtres et à prêter à Jésus même les erreurs de leur propre fonds, et exploitant au bénéfice de leurs hérésies l'autorité qui s'attachait au nom des apôtres. Tels les faux évangiles d'André, de Barnabé, de Barthélemy, de Mathias, de Philippe, de Thomas, de Jacques. Tel l'évangile de saint Pierre.

On est d'accord pour fixer entre les années 100 et 130 la composition de ce récit apocryphe et pour reconnaître que l'auteur s'est servi pour l'écrire des données que lui fournissaient nos trois premiers évangiles et sans doute aussi l'évangile de saint Jean. Mais nous sommes ici en présence d'un faux : l'évangile de saint Pierre est une fiction qui n'a rien de saint Pierre, et les efforts faits par le faussaire pour dissimuler sa fiction se trahissent d'eux-mêmes. Le récit est mis dans la bouche de saint Pierre or aucun de nos évangiles canoniques n'est un récit d'apôtre à la première personne, dans aucun on ne relève des phrases comme celle-ci : « Et nous les douze disciples du Seigneur, nous pleurions et nous étions désolés... Et moi,

Simon Pierre et André mon frère, ayant pris nos filets, nous retournâmes à la mer!....... » (†. 59 et 60). Puis le récit trahit des tendances théologiques qui ne se sont manifestées qu'au deuxième siècle : l'auteur était de ceux qui, convaincus de la divinité de Jésus, ne pouvaient concevoir que son humanité eût été une humanité réelle et passible comme la nôtre à leurs yeux le Sauveur dans sa Passion ne souffrait pas, et c'est bien ainsi que le représente l'Évangile de saint Pierre (†. 10), sacrifiant en cela au docétisme et marquant son récit du sceau du deuxième siècle.

Le faux évangéliste sacrifie au goût du merveilleux et d'un merveilleux d'invention pure qui se complaît en des prodiges qu'aucun œil n'a pu voir, ni aucune oreille entendre. Écoutez ce récit de la matinée de Pâques : « La nuit pendant laquelle brillait l'aube du dimanche, les soldats faisant la garde deux à deux, une grande voix se fit entendre dans le ciel, et ils virent les cieux s'ouvrir et des hommes en descendre, resplendissants de clarté, et s'approcher du sépulcre. Et cette pierre qu'on avait placée à la porte, roulant d'elle-même, s'écarta de côté, et le sépulcre s'ouvrit et les deux jeunes hommes entrèrent. A ce spectacle, les soldats réveillèrent le centurion et les Anciens,... et comme ils racontaient ce qu'ils avaient vu, voici qu'ils virent sortir du sépulcre trois hommes, les

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