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Les montagnards galiléens étaient séparés du monde par leur dialecte, moitié syriaque, moitié hébreu que l'on appelle l'araméen, qu'ils parlaient avec un accent dont les juifs de Jérusalem aimaient à se moquer, et qui était, en dehors de la Palestine, incompréhensible. La Galilée n'avait ni grandes cités, ni grandes routes. Ses habitants, disséminés dans de gros villages et de grandes métairies, étaient des paysans durs au travail, âpres au gain, superstitieux jusque dans leur étroite fidélité à la loi de Moïse, des esprits bornés et immobiles, des cœurs défiants et intéressés, faciles à l'insulte et aux violences. Les apôtres nous pardonnent de juger si sévèrement leurs familles! Mais rappelons-nous comment le Sauveur s'appliquait à parler à cette Galilée le langage le plus élémentaire, le plus imagé, et, comme chaque fois que le sujet de son enseignement s'élevait, il ajoutait avec une indulgence souriante: « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. » Car en Galilée bien des gens avaient des oreilles pour n'entendre pas. Rappelons-nous la parole du Sauveur : « Un prophète n'est sans honneur que dans son pays, dans sa maison et parmi ses proches » (MARC, VI, 4). Et ce sentiment d'étonnement qu'il éprouvait, quand il allait de métairie en métairie pour enseigner les paysans et qu'il ne rencontrait qu'incrédulité, et mirabatur propter incredulitatem eorum (v1, 6). Et cette pani

que qui prenait des villages au spectacle des miracles accomplis par le Sauveur (Matth., viii, 34). Et enfin qu'un jour, le Sauveur prêchant dans une synagogue galiléenne, tous ceux qui l'entendaient, pris de colère, se levèrent, le chassèrent hors des murs, le poussèrent jusqu'à un précipice au-dessus duquel la ville était bâtie et voulurent le précipiter: Jésus leur échappa, l'évangéliste ne sait comment (Luc, iv, 30).

<< Malheur à toi, Chorozaïn! Malheur à toi, Bethsaïda! Si Tyr et Sidon avaient vu les prodiges qui ont été opérés en vous, elles auraient jadis fait pénitence dans le sac et la cendre. Tyr et Sidon seront traitées plus doucement que vous au jugement. Et toi, Capharnaum, tu seras plongée jusqu'aux enfers >> (LUC, X, 13-15).

Dans cette hostile Galilée pourtant les premiers disciples se recrutèrent. A chacun d'eux les juifs de Jérusalem auraient pu dire ce que les gens de la maison de Caïphe disaient à saint Pierre : Vous êtes bien, vous aussi, de ce pays-là, car votre accent vous trahit assez (MATTH. XXVI, 73). A l'origine, vous savez, en effet, que le nom de chrétiens est un nom grec qui n'a été donné aux disciples de Jésus que plus tard et à Antioche, à l'origine, les disciples ne furent désignés que sous le nom de Galiléens (ACT. I, 11 et II, 7). Et en Galilée dut s'exercer la première propagande des apôtres. N'est-ce pas là qu'ils avaient ordre de se retrouver

immédiatement après la résurrection du Sauveur (MARC, XVI, 7)? N'est-ce pas là, sur les bords de la mer de Tibériade, que Jésus apparût à Pierre, à Thomas, à Nathanaël, à Jean et à Jacques, à Pierre le premier, à qui il confia les brebis et les agneaux du troupeau (JEAN, XXI, 1-24)? S'il est permis de voir dans les règles d'évangélisation données par Jésus à ses douze apôtres quelque chose comme l'esquisse de leurs premières missions, nous imaginerions ces premières missions des douze d'après le beau passage : « Sur le chemin des gentils ne vous engagez pas, et n'entrez point dans un village de Samaritains... Allez annoncer que le royaume de Dieu est proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. N'ayez ni or, ni argent, nibillon dans vos ceintures. N'ayez pas de besace sur le dos, ni de tunique de rechange, ni de souliers, ni de bâtons : vous travaillerez pour avoir de quoi manger... Et quand vous entrerez dans une maison, vous la bénirez; et si elle en est digne, votre paix demeurera sur elle... Et, s'il en est qui ne vous veulent point recevoir, ni écouter vos paroles, vous sortirez de la maison, vous sortirez du village, et vous secouerez la poussière de vos pieds » (MATTH., x, 5-14). Mais le divin Maître savait que ces missionnaires, pauvres et pacifiques, du divin royaume, ne seraient pas mieux accueillis que

lui et qu'il les envoyait comme des brebis au milieu des loups (MATTH. X, 16; Luc, x, 3). Le nom de la paix serait le premier nom que prononceraient les missionnaires de Jésus. Mais Jésus ne leur cachait pas que ce nom seul serait comme un glaive : « Je viens séparer l'homme d'avec son père, la fille d'avec sa mère : les ennemis de l'homme seront les gens de sa propre maison » (MATTH. X, 34-36).

Et, de fait, la propagande paraît avoir échoué en Galilée on entendra parler de chrétiens de Samarie, mais non de Chorozaïn, ni de Bethsaïda, ni de Capharnaum, ni de Cana, ni de Nazareth.

*

sait

Jérusalem n'était pas une grande cité à comparer à Antioche, à Éphèse. La population fixe n'y dépaspas soixante-dix mille âmes, croit-on, et c'était une cité très pauvre, comme les villes sans industrie propre et sans commerce : une cité sainte qui vivait du Temple, une cité tout en écoles et en synagogues, animée exclusivement du mouvement de ses prêtres, de ses scribes, de ses dévots, de ses pèlerins. Mais avec sa garnison romaine et son gouverneur romain, avec ses juifs, non seulement «< hébreux », c'est-à-dire de dialecte araméen ou <«< hébreu », mais encore « hellénistes », c'est-à-dire

grecs de langue, Jérusalem était une cité où se parlait le latin, le grec, l'araméen : le titre de la croix, véritable affiche administrative, n'était-il pas rédigé en araméen, en grec, en latin, pour être compris de tous les passants? Et Jérusalem était une cité cosmopolite : ces juifs hellénistes, qui y venaient en pèlerinage, qui y avaient des synagogues permanentes, étaient des juifs de Syrie, de Chypre, d'Égypte, de Cyrène, de Rome, d'Achaïe, d'Asie, de Cappadoce, de Mésopotamie en ces lointaines juiveries on quêtait pour le Temple, et les allées et venues étaient perpétuelles entre elles et la cité sainte. Quel terrain Jérusalem allait offrir à la propagande du royaume de Dieu!

Maintenant la doctrine du royaume de Dieu se fortifiait d'un argument nouveau et suprême la résurrection de Jésus. Les disciples ne pouvaient avoir une plus forte raison de croire à leur maitre et qu'il avait vraiment les paroles de la vie éternelle, que sa résurrection. Chacun d'eux pouvait dire, comme dira saint Paul: « Si le Christ n'est pas ressuscité, vaine est notre prédication, vaine notre foi» (I COR. XV, 14). Mais il était ressuscité, et saint Paul résume la première de toutes les apologétiques quand il écrit aux Corinthiens : « Je vous ai d'abord rapporté ce que j'ai recueilli, savoir que le Christ est mort..., et qu'il a été enseveli, et qu'il est ressuscité le troisième jour..., et qu'il a été vu de

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