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ciper à la liberté, on leur fera apprécier les bienfaits de l'esprit philosophique, on les réconciliera avec les institu. tions modernes, et l'on affaiblira d'autant l'influence qu'exerce sur eux le clergé imbu de l'esprit rétrograde.

IV

DE LA LIBERTÉ DE DISCUSSION EN MATIÈRE RELIGIEUSE

La liberté religieuse n'est complète que si elle est accompagnée de la liberté de discussion. Toute secte doit avoir la faculté de faire des prosélytes, de prêcher sa doctrine, d'en prouver l'excellence par tous les moyens de publicité, et de la défendre contre les attaques dont elle peut être l'objet. Le droit de faire sa propre apologie entraîne celui de discuter les doctrines rivales et d'en prouver la fausseté. Le catholique, pour démontrer la vérité de sa doctrine, a besoin de prouver que les Juifs ont eu tort de rejeter Jésus comme Messie, et que les protestants n'ont pu légitimement se soustraire à l'autorité des papes, successeurs de saint Pierre. Les protestants, de leur côté, ne peuvent plaider leur cause sans établir que l'Église catholique n'a aucune autorité légitime, et qu'elle a corrompu l'enseignement évangélique. Le judaïsme ne peut se justi

fier qu'en prouvant que Jésus était un faux prophète, qu'il ne remplissait aucunement les conditions exigées par les prophéties, que le Messie promis est encore à venir, que le christianisme est en opposition avec la lettre et l'esprit des Écritures révélées et mérite l'anathème lancé par Jehovah contre les propagateurs de fausses religions infectées d'anthropomorphisme, de polythéisme et d'idolâtrie. Et ainsi des autres sectes. On ne peut refuser à aucune d'elles le droit de discuter comme bon lui semble toutes les questions qui la concernent, et de chercher à prouver sa supériorité sur les sectes rivales. Chaque secte, se réservant le droit d'attaquer les autres, doit donc se résigner à être aussi attaquée par elles. C'est la loi de réciprocité et d'égalité. Donc aucune de ces sectes n'a le privilége de l'inviolabilité, ne peut imposer silence à ses agresseurs, ne peut avoir la prétention de porter des coups sans être exposée à en recevoir. Si toutes peuvent être critiquées, le libre penseur qui les rejette toutes, aura donc le droit d'en prouver la fausseté et de travailler à assurer le triomphe de la raison pure sur les débris de toutes les révélations.

Malheureusement, ces principes ont été presque toujours méconnus et ne sont encore admis que dans un petit nombre d'États. Pendant bien des siècles, la religion dominante a eu seule l'usage de la parole, et l'on ne pouvait la contredire sans commettre tout à la fois un sacrilége et un délit. Le bras séculier se mettait au service de l'autorité religieuse; les deux pouvoirs étaient associés pour étouffer la voix des novateurs contre lesquels se dressaient les plus affreux supplices. Jean Huss, Jérôme de Prague, Vanini, Savonarole, et bien d'autres périrent sur le bûcher. Les écrits des dissidents étaient brûlés par la

main du bourreau, et leurs juges faisaient rechercher et détruire tous les exemplaires, se flattant par là d'anéantir la pensée, d'en effacer la trace, d'assurer la victoire à l'orthodoxie et de rendre impossible toute contradiction. Vain espoir la pensée est plus forte que les tortures, elle résiste aux bûchers, elle pénètre à travers les cachots, elle vole d'un bout du monde à l'autre, elle est insaisissable, elle survit à toutes les persécutions, elle mine la puissance des tyrans auxquels il ne reste que la honte et l'infamie. Le souvenir des atrocités commises pour conserver intactes les doctrines dominantes, inspire l'horreur et rend odieux les pouvoirs qui n'ont pu se maintenir que par ces moyens exécrables; tandis que la mémoire des martyrs est en honneur, leurs noms sont salués avec amour, leurs écrits arrachés à la flamme des bûchers (1) permettent à la postérité de s'entretenir avec ces valeureux champions; ce qu'il y avait de sain, de vrai dans leur enseignement, sert à éclairer les nouvelles générations, à faire progresser la science.

C'est donc en vain qu'une secte dominante se flatte d'immobiliser l'humanité, d'arrêter la marche de la civilisation, d'interdire toute pensée en désaccord avec sa doctrine. Autant vaudrait commander à un fleuve impétueux de suspendre son cours : le flot ne cesse de monter et ren

(1) Quand l'infortuné Michel Servet fut brûlé vif à Genève par ordre du farouche Calvin, les juges firent détruire tout ce qui fut trouvé des exemplaires de son ouvrage, un volume fut placé sur le bûcher pour être brûlé avec l'auteur. Mais un ami inconnu eut le courage de soustraire aux flammes cet exemplaire, dont quelques pages sont à demi brûlées, et l'a conservé comme une relique précieuse on peut le voir à Paris, à la Bibliothèque impériale où il a été déposé. Voir Em. SAISSET, Essais sur la philosophie et la religion au XIX siècle.

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verse les digues impuissantes qui lui sont opposées. Si une population se laisse garrotter par une caste sacerdotale, elle subit le sort de l'ancienne Égypte qui, peu à peu glacée du sommeil de la mort, est symbolisée par ses momies desséchées, enveloppées de bandelettes funèbres. Le mouvement incessant, l'aspiration vers le progrès indéfini, sont les conditions essentielles de la vie de l'humanité méconnaître cette loi providentielle, c'est se suicider.

Honneur aux peuples chez lesquels existe la liberté illimitée de discussion! Salut à l'Angleterre, à la Belgique, à la Hollande, à la Suisse, au royaume italien, au Portugal, à la majeure partie des États de l'Allemagne! Pourquoi faut-il, hélas! que la France qui, au prix de son sang, a donné la liberté au monde, que la France, pays généreux et chevaleresque, qui, par sa grande révolution de 89, a inauguré l'ère de l'émancipation du genre humain, que la France soit, sous ce rapport, en retard de tous les pays qui l'environnent? Les diverses constitutions ont proclamé la liberté de la presse aussi bien que la liberté religieuse; mais on a trouvé moyen, par des lois réglementaires, de supprimer ces libertés. D'après l'article 1er de la loi du 25 mars 1822, le fait d'outrager ou de tourner en dérision la religion de l'État ou toute autre religion dont l'établissement est légalement reconnu en France, est un délit passible d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans, et d'une amende de 300 fr. à 6,000 fr. Les religions privilégiées auxquelles s'applique le bénéfice de cette inviolabilité, sont au nombre de quatre, savoir le catholicisme, les protestantismes des confessions d'Augsbourg et de Genève, connus sous les noms de luthérianisme et de calvi

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