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tement au-dessus; c'est que la charité, comme dit saint Thomas (1) après saint Augustin, est la forme ou le principe de toutes les vertus. Or la forme, suivant l'Ecole, donne l'être à la chose, dat esse rei. C'est donc la charité qui donne l'être à toutes les vertus du juste. Le même saint docteur dit que la charité est la mère qui conçoit dans son sein toutes les vertus Ex appetitu finis ultimi concipit actus aliarum virtutum imperando ipsos (2). Saint Augustin a été même jusqu'à dire que toutes les vertus ne sont que l'amour suprême; nihil omnino esse virtutem affirmaverim, nisi summum amorem Dei ; et qu'il est diversement spécifié par la variété de ses affections, ex ipsius amoris vario quodam affectu (3). Mais j'ai toujours voulu que les vertus fussent spécifiées par leurs divers objets formels. Voici mes paroles (4) : « Ce qui les distingue ou spécifie, c'est l'objet parti>> culier auquel l'amour s'applique. » C'est dire précisément la même chose que si je marquois la diversité de leurs motifs propres. Je ne veux donc point ôter ces motifs particuliers en les prenant, dans toute la rigueur de l'Ecole, pour l'objet formel; mais je veux les relever tous par un rapport formel et explicite à celui de la charité, qui est le plus noble et le plus parfait. C'est ce que saint Bernard a exprimé ainsi (5) Amor, ubi venerit, cæter in se omnes traducit et captivat affectus. Proptereà quæ amat, amat, et aliud novit nihil. « L'amour transporte en

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(1) 2. 2. Quæst. xxiii, art. vIII. (2) Ibid. ad 3. Eccles. lib. 1, cap. xv, n. 25 : tom. 1, p. 697. (5) Serm. LXXXIII in Cant. n. 3, p. 1558,

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>> soi et captive tout autre sentiment. L'Épouse, qui » aime, aime et ne sait rien qu'aimer. »

XXV.

DÉCLAR. On ôte à toutes les vertus leur gloire par ces propositions : « L'amour pur fait qu'on ne » veut point être affectionné pour la vertu, et que » personne n'est plus affectionné pour la vertu que » celui qui ne l'affectionne point. » De là on passe jusqu'à cette extrémité inouïe: « Les saints Mysti» ques ont exclu de cet état la pratique et les actes » des vertus. » Ces paradoxes détournent de l'amour de la vertu, imposent aux auteurs de la vie spirituelle, et rendent le nom de la vertu même odieux.

défiRép. Les trois prélats n'ont rien oublié pour gurer mes paroles dans leur traduction latine, et pour les rendre absurdes. Voici mes paroles (1): « Alors on exerce toutes les vertus distinctes sans » penser qu'elles sont vertus. On ne pense en chaque » moment qu'à faire ce que Dieu veut; et l'amour » jaloux fait tout ensemble qu'on ne veut plus être » vertueux pour soi, et qu'on ne l'est jamais tant » que quand on n'est plus attaché à l'étre. » Les prélats n'ont pas jugé à propos de mettre dans leur traduction ces paroles, pour soi, quoiqu'elles soient dans mon Errata à la fin de mon livre. M. de Meaux croit avoir décidé en assurant qu'elles ne signifient rien. Pour moi, j'ai prétendu en les mettant qu'elles signifioient qu'on ne veut plus les vertus pour se consoler et pour contenter l'amour naturel de soi-même qui fait l'intérêt propre, quoiqu'on les veuille tou

(1) Art. xxxIII vrai, p. 225.

jours avec toute leur perfection en vue de plaire à Dieu mais, quoi qu'il en soit, il ne falloit pas supprimer ces deux mots.

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Pour la réflexion à une vertu en l'exerçant, personne ne peut dire qu'elle soit nécessaire. Faut-il toujours se dire à soi-même : Je fais un acte de vertu? Ne pratique-t-on point la pénitence à moins qu'on ne fasse cette réflexion : L'acte que je fais appartient à une telle espèce de vertu? Faut-il se rendre compte à soi-même de la spécification de cette vertu par le motif qui lui est propre? Un homme qui souffre une injure, et qui est en même temps chaste, sans songer à autre chose qu'à plaire à Dieu, et sans faire réflexion ni sur la patience, ni sur la chasteté, n'at-il point fait des actes de ces deux vertus par leurs motifs propres? Quel embarras dans la pratique, quelle géhenne pour les ames, quelle distraction, quel piége de vaine complaisance, si on exigeoit d'elles qu'elles pensassent toujours dans l'exercice des vertus, qu'elles font des actes vertueux? Plus l'exercice de la vertu se perfectionne, plus il devient fréquent, simple, comme naturel et éloigné de toutes ces attentions méthodiques.

Quand j'ai dit vertueux pour soi, il est évident que j'ai voulu dire vertueux pour son intérêt propre. L'intérêt propre est la seule chose que j'ai voulu exclure. C'est le moi pris dans le sens de saint Paul. Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est ce moi exclu par sainte Catherine de Gênes (1), et par le P. Surin (3) approuvé par M. de Meaux: car ces saintes ames disent

(1) Vie, ch. XIV, p. 61, édit. de Douai. · (2) Catéch. spir. tom. 11, part. v, ch. vII, p. 292, etc.

que dans la transformation il n'y a plus de moi. Je n'ai retranché que la propriété ou intérêt spirituel dans les vertus. Selon moi, « la désappropriation des » vertus n'est que le dépouillement de toute com» plaisance, de toute consolation et de tout inté>> rêt propre dans l'exercice des vertus par » le pur

» amour (1). » Ce que j'ai dit sur la sagesse est décisif pour toutes les autres vertus; car on peut comprendre clairement, par la désappropriation de la sagesse, qu'elle doit être, selon moi, celle de toutes les autres vertus. Voici mes paroles (2): « Ils ne rejettent » point la sagesse, mais seulement la propriété de la »sagesse. Ils se désapproprient de leur sagesse comme » de toutes les autres vertus. » Ce n'est donc manifestement que la propriété des vertus, ce n'est pas les vertus mêmes que je retranche. Mais encore, en quoi consiste cette propriété de la sagesse? « Dans » un retour intéressé pour s'assurer qu'on est sage, » et pour jouir de la sagesse en tant que propre. » C'est toujours l'amour naturel de soi-même, qui fait l'intérêt propre dans les ames imparfaites, et qu'il faut retrancher des parfaites. M. de Meaux n'a-t-il pas approuvé dans le Père Surin ces paroles (3): «L'ame retranche même les bons désirs, excepté les » désirs particuliers que Dieu lui donne des choses » qui sont de sa volonté.... Quand il plaît à Dieu » que l'ame fasse quelque chose, il lui donne un désir » paisible qui ne préjudicie point à cette indifféCette ame ne songe en rien à son trésor » Voilà le retranchement non de tous les

»rence....

» spirituel.

(1) Conclus. p. 271.

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tech. spir. tom. 11, part. v, ch. vii, p. 292.

bons désirs, mais des désirs empressés et naturels que la grâce ne donne pas. Voilà l'exclusion du retour intéressé pour s'assurer qu'on est vertueux, et pour jouir de sa vertu en tant que propre.

Quand le Frère Laurent parloit ainsi (1): Depuis mon entrée en religion, c'est-à-dire, environ depuis quarante ans, je ne pense plus ni à la vertu, ni à mon salut, il ne laissoit pas de pratiquer plus fidèllement que jamais toutes les vertus convenables à son état; mais sans faire des réflexions sur ce qu'elles étoient vertus, il les pratiquoit pour accomplir la volonté de Dieu, et ne s'y recherchoit point par intérêt propre ou amour naturel de lui-même. On voit par cet exemple si j'ai imposé aux spirituels, comme les prélats m'en accusent, quand j'ai dit qu'ils déclarent quelquefois qu'ils ne cherchent plus la vertu comme leur vertu propre. J'ai parlé comme saint François de Sales qui dit : « O que bienheu>> reux sont ceux lesquels se dépouillent même du » désir des vertus, et du soin de les acquérir, n'en » voulant qu'à mesure que l'éternelle sagesse les » leur communiquera et les emploiera à les acqué» rir (2). » Enfin les trois prélats me font dire que les saints Mystiques ont exclu de l'état parfait la pratique et les actes des vertus. 1o Je n'ai dit aucun mot des actes: on me l'impute sans fondement. 20 Je n'ai point parlé de la pratique, mais seulement des pratiques de vertu. Si peu qu'on ait lu les auteurs Mystiques dont je parle, on doit être accoutumé à la grande différence qu'ils font dans leur langage ordinaire, entre la pratique ou exercice essentiel des

(1) Vie, p. 14. — (3) Opusc. Trait. vIII: éd. de Léonard, à Paris.

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